Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Strasbourg a rejeté sa demande du 31 janvier 2017 tendant au bénéfice de l'indemnité compensatrice, d'enjoindre à l'Etat de lui verser cette indemnité à compter du 1er juillet 2013 et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 1 500 euros en réparation du préjudice subi.
Par un jugement no 1701758 du 13 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 mars 2019, M. D... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 mars 2019 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Strasbourg a rejeté sa demande du 31 janvier 2017 tendant au bénéfice de l'indemnité compensatrice ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de lui verser l'indemnité compensatrice prévue par le décret du 5 décembre 2014 à compter du 1er juillet 2013 ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 1 500 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Il soutient que :
- l'interruption de l'indemnité de résidence antérieurement au 1er juillet 2013 est illégale, ce qui entraîne l'illégalité du refus de lui verser l'indemnité compensatrice ;
- les conditions prévues par le décret du 5 décembre 2014 sont réunies, notamment l'affectation dans une commune minière ;
- le refus de verser l'indemnité compensatrice en raison de l'absence de perception de l'indemnité de résidence entraîne une rupture d'égalité entre les fonctionnaires affectés dans une commune minière constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; son préjudice à ce titre est évalué à la somme de 1 500 euros ;
- l'Etat a indiqué qu'il envisageait de régulariser la situation des agents affectés à la maison d'arrêt de Sarreguemines, le tribunal aurait dû tenir compte de ce fait ;
- la preuve de l'absence de caractère minier de la commune de Sarreguemines n'est pas établie ;
- la différence de traitement doit s'apprécier entre les fonctionnaires ayant vocation à percevoir l'indemnité compensatrice et non uniquement entre ceux du corps de l'administration pénitentiaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ;
- le décret n° 2014-1457 du 5 décembre 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
1. M. A..., agent de l'administration pénitentiaire, est affecté depuis le mois de septembre 2008 à la maison d'arrêt de Sarreguemines, en Moselle. Il percevait en conséquence l'indemnité de résidence prévue par l'article 9 du décret du 24 octobre 1985, versée au taux de 1 % aux fonctionnaires exerçant dans une commune minière. L'administration pénitentiaire a cessé de lui verser cette indemnité à compter du 1er septembre 2010. Ultérieurement, par une instruction conjointe, les ministres du budget et de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique ont décidé de supprimer le versement de cette indemnité aux agents exerçant leurs fonctions dans l'une des communes minières du département de la Moselle à compter du 1er juillet 2013. Pour compenser cette perte financière, le décret du 5 décembre 2014 a institué une indemnité compensatrice au bénéfice des agents exerçant leurs fonctions dans les communes minières de la Moselle qui percevaient l'indemnité de résidence au 30 juin 2013. Par un courrier du 31 janvier 2017, M. A... a demandé au directeur interrégional des services pénitentiaires de Strasbourg le bénéfice de cette indemnité compensatrice. Cette demande a été implicitement rejetée. Par un jugement du 13 mars 2019, dont M. A... fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet ainsi que ses conclusions indemnitaires.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite portant refus d'attribution de l'indemnité compensatrice :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence (...) ". Aux termes de l'article 9 du décret du 24 octobre 1985 modifié relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation : " L'indemnité de résidence (...) est calculée sur la base de leur traitement soumis aux retenues pour pension, en fonction de l'un des taux fixés ci-après. (...) Les taux de l'indemnité de résidence sont fixés suivant les zones territoriales d'abattement de salaires telles qu'elles sont déterminées par l'article 3 du décret du 30 octobre 1962 (...) ". La circulaire n° 1996 du 12 mars 2001 du ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et du secrétaire d'Etat au budget, qui a procédé à une actualisation des zones d'indemnité de résidence, précise que " dans les communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin de la région des houillères et de la région potassique où résident au moins dix ouvriers et employés occupés à l'exploitation des mines et aux industries annexes sont classées dans la zone d'abattement : 2 ".
3. Il résulte des dispositions de l'article 9 du décret du 24 octobre 1985 et de la circulaire du 12 mars 2001 précitée que l'indemnité de résidence au taux de 1 % est accordée aux fonctionnaires affectés dans les communes du département de la Moselle où résident au moins dix ouvriers et employés occupés à l'exploitation des mines et aux industries annexes. En vertu de ces dispositions, les fonctionnaires de la maison d'arrêt de Sarreguemines percevaient cette indemnité de résidence. Il est constant que l'administration pénitentiaire a mis fin au versement de cette indemnité aux fonctionnaires affectés à la maison d'arrêt de Sarreguemines à compter du 1er septembre 2010 au motif que la condition tenant à l'existence d'au moins dix ouvriers ou employés à l'exploitation de mines et d'industries annexes dans cette commune d'affectation n'était plus remplie. M. A... invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision implicite contestée.
4. Toutefois, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou si cet acte en constitue la base légale. La décision implicite par laquelle l'administration a refusé d'accorder l'indemnité compensatrice à M. A..., qui a pour fondement le décret du 5 décembre 2014, n'a pas été prise sur la base ou en application de l'acte administratif par lequel l'administration pénitentiaire aurait mis fin, à compter du 1er septembre 2010, au versement de l'indemnité de résidence aux agents de la maison d'arrêt de Sarreguemines. Par suite et en tout état de cause, l'exception d'illégalité soulevée par M. A... à l'encontre de la décision contestée ne peut qu'être écartée.
5. En second lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 5 décembre 2014 : " Une indemnité compensatrice est attribuée aux magistrats, militaires, fonctionnaires et agents de la fonction publique de l'Etat et de la fonction publique hospitalière titulaires d'un grade ou occupant un emploi auquel est directement attaché un indice de la fonction publique qui percevaient, au 30 juin 2013, l'indemnité de résidence, en application des dispositions du décret du 24 octobre 1985 susvisé, au titre de leur affectation dans l'une des communes minières du département de la Moselle ".
6. Il est constant que M. A... ne percevait plus l'indemnité de résidence au 30 juin 2013, ainsi qu'il a été indiqué au point 3. Par suite, dès lors que l'intéressé ne remplissait pas les conditions fixées à l'article 1er précité du décret du 5 décembre 2014, l'administration n'a pas commis d'erreur de droit en refusant de lui accorder l'indemnité compensatrice à compter du 1er juillet 2013. Si l'administration a indiqué, dans son mémoire de première instance, examiner la possibilité de régulariser la situation des agents concernés par l'absence de versement de cette indemnité, cette circonstance, qui ne saurait être regardée comme un acquiescement à la demande d'annulation alors que le mémoire en défense concluait au rejet de la demande de l'intéressé, est sans incidence sur le bien-fondé du refus contesté au regard des dispositions précitées.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
7. La rémunération d'agents publics relevant de corps, de cadres d'emploi voire de fonctions publiques différents ne peut être appréciée que globalement. Les régimes indemnitaires, y compris ceux portant sur des remboursements de frais, peuvent nécessairement différer selon les corps, cadres d'emplois et fonctions publiques et ne peuvent être pris en considération isolément. Par conséquent, un agent public ne peut utilement contester la rupture d'égalité qui existerait entre lui et des agents publics relevant de corps, cadres d'emploi ou fonctions publiques différents au regard des conditions d'accès à une indemnité particulière.
8. En l'espèce, M. A... soutient que l'attribution de l'indemnité compensatrice aux seuls agents ayant perçu l'indemnité de résidence jusqu'au 30 juin 2013 constitue une rupture de l'égalité de traitement entre fonctionnaires de nature à engager la responsabilité de l'Etat dès lors que cette différence de traitement n'est pas justifiée par une différence de situation dans l'exercice des fonctions. Toutefois, le requérant, qui n'établit pas, ni même n'allègue une différence de traitement entre les fonctionnaires de son corps, ne peut utilement contester une rupture d'égalité qui existerait entre lui et les fonctionnaires d'autres corps, cadres d'emplois ou fonctions publiques au regard des conditions d'attribution de l'indemnité compensatrice prise isolément. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la garde des sceaux, ministre de la justice, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'Etat a commis une faute en méconnaissant le principe d'égalité de traitement.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
N° 19NC00914 2