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14/11/2019 | FRANCE | N°19NC01668

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 14 novembre 2019, 19NC01668


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 février 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert vers l'Italie.

Par un jugement n° 1901707 du 20 mars 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20

mars 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 février 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert vers l'Italie.

Par un jugement n° 1901707 du 20 mars 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 22 février 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile en France et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trente jours, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et de lui délivrer, pendant l'instruction de sa demande, une autorisation provisoire de séjour dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'en prenant cette décision le préfet a méconnu les dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert, cette décision ne pouvant plus être légalement exécutée compte tenu de l'expiration du délai de transfert prévu à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire, enregistré le 1er octobre 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'en application du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, le délai de six mois pendant lequel l'Italie était responsable de la demande d'asile de l'intéressé, qui expirait le 20 septembre 2019, a été porté à dix-huit mois en raison de la fuite de M. A..., caractérisée par son manquement, à quatre reprises, à son obligation de pointage.

Par une décision du 30 avril 2019, le président du bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité nigériane, s'est présenté le 23 janvier 2019 au guichet unique de la préfecture du Bas-Rhin en vue de demander l'asile. La comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes avec le fichier " Eurodac " a révélé que ses empreintes avaient déjà été relevées par les autorités italiennes le 3 juillet 2015 à l'occasion du dépôt d'une demande d'asile. Le 29 janvier 2019, le préfet du Bas-Rhin a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de l'intéressé. Le 13 février 2019, les autorités italiennes ont implicitement donné leur accord à cette mesure. En conséquence, le préfet du Bas-Rhin a, par un arrêté du 22 février 2019, décidé son transfert vers l'Italie, responsable de l'examen de sa demande d'asile. M. A... relève appel du jugement du 20 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 février 2019 susmentionné.

2. En premier lieu, l'article 29 du règlement UE n° 604/213 du 26 juin 2013 ci-dessus visé dispose que : " 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". Le préfet du Bas-Rhin justifie que M. A... se trouve en fuite et que ses services ont déclaré cette situation à l'Italie le 27 mars 2019. Par suite, le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que l'exécution de son arrêté portant remise de M. A... aux autorités italiennes est toujours possible, le délai de dix-huit mois prévu par les dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 n'étant pas expiré. Dès lors, la requête d'appel de M. A... n'est pas dépourvue d'objet et il y a lieu de statuer sur ses conclusions.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement européen : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Enfin aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".

4. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

5. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de celles produites par M. A..., que la situation générale en Italie ne permettait pas d'assurer, à la date à laquelle la décision du 22 février 2019 en litige a été prise, un niveau de protection suffisant aux demandeurs d'asile ni que ce pays aurait exposé l'intéressé à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant. Le requérant soutient notamment que les autorités italiennes ne sont plus en mesure de traiter les demandes d'asile en raison de l'afflux migratoire et que la législation italienne récente méconnaît les garanties attachées au droit d'asile. Toutefois, si les articles relatifs à la situation des migrants en Italie, produits à l'instance par le requérant, et émanant de " Médecins sans frontières ", du forum réfugiés, du journal " Le Parisien " et du site des Nations Unies, attestent la dégradation des conditions de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, ils ne permettent pas de considérer comme établie l'existence, à la date de la décision litigieuse, de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays ou d'une incapacité structurelle d'examiner les demandes d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé la remise de M. A... aux autorités italiennes aurait été pris en méconnaissance des dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

6. En dernier lieu, M. A... soutient qu'il a déjà fait l'objet d'un refus de demande d'asile en Italie et d'une mesure d'éloignement vers le Nigéria où, en raison de son opposition politique, il craint d'être exposé à des traitements inhumains et dégradants. Toutefois, alors que l'Italie est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le requérant n'établit pas, par ses seules allégations, que son transfert vers l'Italie entraînerait automatiquement son retour vers le Nigéria ni les conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un tel retour. Par suite, doivent être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations citées ci-dessus et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement européen du 26 juin 2013, reprises à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 22 février 2019 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 19NC01668


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01668
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : ALEVROPOULOU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-11-14;19nc01668 ?
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