Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2018 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement no 1802319 du 5 mars 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 3 avril 2019 et le 19 avril 2019, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 mars 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2018 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne comporte aucun élément sur sa situation scolaire ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle est fondée sur le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au lieu de la convention franco-sénégalais du 23 septembre 2006 qui régit sa situation.
- le tribunal s'est à tort fondé sur le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire, enregistré le 6 décembre 2019, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant sénégalais, né en 1995, est entré régulièrement en France, en 2017, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour. Il a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Par un arrêté du 23 octobre 2018, le préfet de l'Aube a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français, et a déterminé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 mars 2019 qui a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants sénégalais, s'appliquent les stipulations de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ainsi que celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008. L'article 13 de la même convention stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux Etats sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ".
3. L'article 9 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 modifiée stipule que : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation qui ne peut être assuré dans le pays d'origine, sur le territoire de l'autre Etat, doivent, pour obtenir le visa de long séjour prévu à l'article 4, présenter une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi (...). Ils doivent en outre justifier de moyens d'existence suffisants, tels qu'ils figurent en annexe. Les intéressés reçoivent le cas échéant, un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite des études ou du stage, ainsi que de la possession de moyens d'existence suffisants ".
4. L'annexe à cet accord définit la notion de moyens d'existence suffisants en stipulant que : " S'agissant des étudiants non boursiers, les ressources suffisantes sont constituées par une somme au moins égale à 70 % de l'allocation d'entretien servie par le Gouvernement français aux étudiants boursiers, indépendamment des avantages matériels dont ils peuvent justifier ".
5. Il résulte des dispositions précitées que l'article 9 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 régit entièrement, s'agissant de la condition tenant aux moyens d'existence suffisants, la situation des ressortissants sénégalais demandant un titre de séjour portant la mention " étudiant " ou son renouvellement. Les dispositions de l'article L. 313-7 et de l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant la délivrance des titres de séjour portant la mention " étudiant " et fixant les conditions de cette délivrance ne s'appliquent dès lors pas, sur ce point, aux ressortissants sénégalais. Il ressort, en l'espèce, des motifs de la décision contestée que le préfet, qui au demeurant ne vise pas la convention franco-sénégalaise, a refusé de renouveler le titre de séjour étudiant sollicité par M. B... au motif qu'il ne satisfaisait pas à la condition de ressources prévues par l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en s'abstenant d'examiner la situation de M. B... au regard des dispositions de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise et de son annexe, le préfet a commis une erreur de droit. Il s'ensuit que la décision portant refus de titre de séjour du 23 octobre 2018 doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement et les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de M. B... d'une somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté du préfet de l'Aube du 23 octobre 2018 et le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 mars 2019 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me C..., avocat de M. B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aube.
N° 19NC01011 2