Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme simplifiée (SAS) Champagne Transport Distribution (CTD) a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés ainsi que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2010, 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1601972 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, après avoir constaté un non-lieu partiel à statuer, a prononcé la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes laissés à la charge de la société CTD et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2018, sous le numéro 18NC02403 et des mémoires complémentaires enregistrés les 11 avril et 30 août 2019, la SAS Legend's Tour Prod, venant aux droits de la société Champagne Transport Distribution, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités laissées à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification, sur les moyens relatifs à l'intérêt de l'aide apportée à sa filiale TSO logistique, sur celui relatif à la charge de la preuve de l'acte anormal de gestion ainsi que sur celui relatif au lieu de direction effective de l'entreprise, d'ailleurs en refusant d'examiner les pièces produites, et enfin, que sur celui relatif à l'absence d'élément intentionnel ;
- la proposition de rectification en ce qui concerne les aides apportées à la société TSO Logistique n'est pas motivée en ce que le service a changé de motif dans sa réponse à la réclamation de sorte qu'au stade de la procédure de rectification elle n'a pas pu faire valoir ses observations en violation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; en tout état de cause, aucun motif ne figure dans la proposition de rectification pour écarter la facture de 50 000 euros de publicité laquelle n'est pas libellée au nom de TSO Logistique mais à son propre nom ;
- l'administration en inversant la charge de la preuve en ce qui concerne les dépenses exposées pour la société TSO Logistique viole les règles applicables à ce titre ; ces aides, tout à fait proportionnelles aux chiffres d'affaires réalisés avec cette société, correspondent à une gestion commerciale normale dès lors que la société TSO Logistique est son seul client et que ces aides ont permis la survie de cette société dans le but de préserver son chiffre d'affaires, la valeur de son immeuble et d'assurer le paiement des emprunts ; il importe peu à cet égard que cette aide n'ait pas pris la forme d'une réduction de loyers, s'agissant d'un choix de gestion dans lequel l'administration n'a pas à s'immiscer ;
- il n'y avait aucun avantage à facturer des intérêts sur les avances consenties à la SCI Presci et à la société JM Développement dès lors que ces sociétés appartiennent au même groupe (elle détient 100 % des parts de la SCI Presci tandis que son propre capital est détenu à 90 % par la société JM Développement) et qu'en conséquence ces intérêts auraient été inscrits en charges déductibles dans les résultats de ces sociétés ; en tout état de cause, la SCI Presci étant une société de personnes non soumise à l'impôt sur les sociétés, aucune réintégration ne pouvait être effectuée à ce titre en application de la jurisprudence ;
- c'est à tort que l'administration, afin de réintégrer dans ses bénéfices le montant des loyers versés, a estimé que les locaux loués au 40c boulevard du Lundy puis au 22 rue de l'Isle à Reims (Marne) ne constituaient pas son siège social effectif qui se situerait en réalité dans les locaux de la société TSO logistique alors que le lieu de direction effective se trouve bien dans ces locaux et qu'aucune surface à l'établissement de la société TSO Logistique n'a été mise à sa disposition ;
- l'administration ne rapporte pas la preuve des manquements délibérés pour lesquels elle a appliqué la pénalité de l'article 1729 en l'absence de toute intention d'éluder l'impôt sur les sociétés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 14 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer dans la mesure du dégrèvement qu'il prononce et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société SAS Legend's Tour Prod ne sont pas fondés.
II.) Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2018, sous le numéro 18NC02715, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 5 juillet 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) de rétablir les impositions en matière de taxe sur la valeur ajoutée déchargées par le tribunal administratif ;
Il soutient que :
- afin de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a estimé que le service avait appliqué à tort les dispositions de l'article 230 de l'annexe 2 au code général des impôts non applicables aux faits de l'espèce alors qu'en réalité le service s'est fondé à titre principal sur les dispositions du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts ;
- les dépenses de publicité litigeuses ont été exposées dans l'intérêt exclusif de la société TSO Logistique et sont donc sans lien direct avec l'activité soumise à la taxe sur la valeur ajoutée de la société CTD.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2018, la société Legend's Tour Prod, venant aux droits de la société Champagne Transport Distribution, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Champagne Transport Distribution, désormais dénommée SAS Legend's Tour Prod, est détenue à .... Elle détient elle-même 100 % des parts de la SCI Presci à laquelle elle a loué des locaux situés 40 c boulevard du Lundy à Reims. La SAS Champagne Transport Distribution a pour activité la location d'un immeuble de 10 000 m² lui appartenant, situé à Muizon (Marne), destiné à l'activité de stockage et de logistique de sa locataire, la société TSO Logistique, dont elle détient la totalité du capital. La SAS Champagne Transport Distribution a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a assigné, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, des suppléments d'impôt sur les sociétés et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée assortis de majorations pour manquement délibéré que la société a contestés. Par un jugement du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, après avoir constaté un non-lieu partiel à statuer dans la mesure d'un dégrèvement prononcé par l'administration en cours d'instance, a prononcé la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités laissés à la charge de la société Champagne Transport Distribution à ce titre et a rejeté le surplus de ses conclusions en matière d'impôt sur les sociétés. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, le ministre de l'action et des comptes publics ainsi que la SAS Legend's Tour Prod relèvent chacun appel de ce jugement.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 25 mars 2019, postérieure à la date d'enregistrement de la requête n° 18NC02403, le ministre de l'action et des comptes publics a prononcé le dégrèvement du supplément d'impôt sur les sociétés et des majorations relatives à la réintégration dans le bénéfice imposable de la société requérante des années 2011 et 2012 des intérêts sur les avances consenties à la SCI Presci. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer, dans cette mesure, sur les conclusions à fin de décharge de la société requérante.
Sur la régularité du jugement :
3. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a répondu de manière suffisamment motivée, sans refuser d'examiner les pièces produites, aux moyens invoqués devant lui relatifs à l'intérêt de l'aide apportée à sa filiale TSO logistique, à la charge de la preuve de l'acte anormal de gestion, au lieu de direction effective de l'entreprise ainsi qu'à l'absence d'élément intentionnel des omissions et inexactitudes ayant conduit aux redressements litigieux.
4. En revanche, le jugement attaqué du 5 juillet 2018 ne répond pas au moyen, soulevé par la société requérante dans son mémoire du 12 juin 2018, parvenu au greffe du tribunal administratif via l'application télérecours à 11 heures 35, c'est-à-dire avant clôture de l'instruction qui avait été prononcée au 12 juin 2018 à 12 heures, par une ordonnance du 22 mai précédent. Or, ce moyen, tiré notamment du défaut de motivation de la proposition de rectification du 18 novembre 2013 en ce qui concerne la réintégration des charges exposées pour le compte de la société TSO Logistique, n'était pas inopérant. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est sur ce point irrégulier et à en demander l'annulation en tant qu'il est entaché d'un défaut de réponse à ce moyen.
5. Il appartient à la cour de statuer immédiatement sur ce moyen relatif aux conclusions portant sur les frais de publicité et de sponsoring de la société TSO Logistique par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions concernant les autres chefs de litige.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
6. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". L'article R. 57-1 du même livre prescrit que : "La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ".
7. La société requérante soutient qu'en ne faisant plus référence dans la décision de rejet de sa réclamation préalable à une décision du Conseil d'Etat, que le vérificateur avait invoquée dans la proposition de rectification du 18 novembre 2013, l'administration fiscale aurait substitué un nouveau motif relatif au redressement portant sur la réintégration des dépenses effectuées pour le compte de la société TSO Logistique, mais il ressort de la comparaison de ces deux pièces de procédure que l'administration n'a pas changé la base légale, non plus que les motifs de cette réintégration lesquels reposent sur le caractère non déductible de ces dépenses. Dès lors, le moyen consistant à soutenir que ce prétendu changement de motif a eu pour effet de priver la proposition de rectification de sa motivation en ce qui concerne ce redressement manque en fait. En tout état de cause, il est loisible à l'administration, à tout moment de la procédure contentieuse y compris au stade de la décision de rejet de la réclamation préalable puis devant le juge de l'impôt, de justifier l'imposition en substituant une base légale à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu de la base légale substituée. Une telle possibilité pour l'administration, de procéder à une telle substitution de base légale n'est pas subordonnée à la condition que la nouvelle base légale ait été mentionnée dans la proposition de rectification adressée au contribuable en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales compte tenu de la possibilité pour ce dernier de saisir le juge de l'impôt avec toutes les garanties inhérentes à la procédure juridictionnelle. Par suite, le moyen invoqué de ce chef par la société requérante manque également en droit. Il sera en conséquence écarté.
8. Par ailleurs, le vérificateur a précisé dans la proposition de rectification du 18 novembre 2013 les raisons de droit et de fait pour lesquelles il a refusé d'admettre en déduction du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée la facture du Stade de Reims du 15 novembre 2011 de 50 000 euros, ces motifs tenant au caractère étranger à l'intérêt de l'exploitation de la société requérante que revêtait la prise en charge d'une telle dépense. Par suite, le moyen sera également écarté sur ce point.
Sur la taxe sur la valeur ajoutée :
9. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'action et des comptes publics à l'appui de son appel, l'administration, si elle s'est également référée aux dispositions du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts, fixant les conditions générales du droit à déduction, a expressément fondé, tout au long de la procédure, la remise en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures par lesquelles la société TSO Logistique avait refacturé à la société requérante des frais de publicité et de sponsoring du Stade Reims Football Club, ainsi que la facture du Stade Reims Football Club du 15 novembre 2011, sur les dispositions particulières du 1 de l'article 230 de l'annexe 2 au code général des impôts qui précisaient la condition de nécessité aux besoins de l'exploitation. Or, ces dispositions réglementaires n'étaient plus applicables pour avoir été abrogées à compter du 1er janvier 2008. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée litigieux au motif tiré du caractère inapplicable de ces dispositions.
10. Il résulte toutefois des principes rappelés au point 7 ci-dessus que le ministre de l'action et des comptes publics est recevable à demander en appel que soit substitué à la base légale initialement retenue afin de fonder ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée un nouveau fondement légal.
11. Aux termes de l'article 168 de la directive du 28 novembre 2006, ci-dessus visée, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti a le droit, dans l'Etat membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants: / a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée dans cet Etat membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ". Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas :/a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au même code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". L'article 206 de la même annexe prescrit que : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission./(...) IV. - 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : 1° Lorsque le bien ou le service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise ". Il résulte de ces dispositions applicables à compter du 1er janvier 2008 que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent n'est déductible que si ceux-ci sont utilisés pour la réalisation d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et que c'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise qu'il doit être apprécié si des charges assumées par une société en vue d'assurer certains avantages à d'autres sociétés correspondent aux besoins de son exploitation.
12. Lorsque l'administration, sur le fondement de ces dispositions, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en oeuvre la procédure de redressement contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service n'était pas acquis pour les besoins de l'exploitation. Cependant, si elle conteste la déductibilité de la taxe au motif que les frais ont été engagés au profit d'un tiers, il appartient dans ce cas au contribuable d'apporter les éléments de nature à combattre la preuve apportée par l'administration.
13. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments apportés par le service, que la société requérante a déduit la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les cinq factures émises par la société TSO Logistique au cours des années 2010, 2011 et 2012, par lesquelles cette société lui refacturait le coût des prestations de publicité et de sponsoring que le Stade Reims Football Club lui avait facturées. La société requérante a également déduit la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des frais de publicité facturés par le Stade Reims Football Club dont il n'est pas contesté qu'ils ont bénéficié à la société TSO Logistique. Il n'est pas contesté que les prestations de service rendues par le Stade Reims Football Club l'ont été au bénéfice de la société TSO Logistique à hauteur de 23 850 euros pour l'année 2010, 79 800 euros pour l'année 2011 et 246 100 euros pour l'année 2012.
14. Pour sa part, la société requérante soutient cependant avoir pris à sa charge le coût de ces prestations rendues au bénéfice de sa filiale afin de lui venir en aide, de manière proportionnée au chiffre d'affaires réalisé avec elle, compte tenu des difficultés financières et commerciales que cette dernière rencontrait, dans le but d'assurer la survie économique de son unique client, de préserver son chiffre d'affaires, de faire face à ses charges, notamment d'emprunt, ainsi que de sauvegarder la valeur de l'immeuble lui appartenant, rendant la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures litigieuses déductible au titre de ses frais généraux. En se bornant à faire valoir une baisse du chiffre d'affaires de la société TSO Logistique pour la période litigieuse et à soutenir que sans cette aide à caractère commercial sa filiale se serait trouvée en déficit, la société requérante n'établit pas que sans ce concours, qui s'ajoutait à une remise sur le prix des loyers au titre de l'année 2012 à hauteur de 55 130 euros, la situation de sa filiale s'en serait trouvée obérée ou encore qu'elle n'aurait pas pu faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Il n'apparaît pas non plus que les déficits que la société TSO Logistique aurait constatés, sans la prise en charge de ces frais, selon les montants avancés par la société requérante dans ses écritures, auraient été de nature à mettre en péril son existence. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le ministre soutient que le coût de ces prestations de services n'a pas été exposé dans l'intérêt et pour les besoins des opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée de la société requérante.
15. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit, sur le fondement des règles ci-dessus rappelées, que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures litigieuses. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que la taxe sur la valeur ajoutée dont le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge par l'article 2 du jugement entrepris doit être remise à la charge de la société requérante et à demander la réformation en ce sens du jugement attaqué.
Sur les bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés :
En ce qui concerne la prise en charge des frais de publicité et de sponsoring de la société TSO Logistique :
16. Il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. La prise en charge du coût de prestations de services rendues au profit d'une autre entreprise, des prêts sans intérêts ou assortis d'un taux minoré ainsi que l'abandon de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers, ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt. Cette règle doit recevoir application même si le bénéficiaire de ces avantages est une filiale, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que la société mère puisse être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages consentis par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties. Dans l'hypothèse où l'entreprise apporte une telle justification, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que cette contrepartie est dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que sa rémunération est excessive.
17. Il résulte des éléments retracés au point 14 ci-dessus qu'en l'absence de risques pour l'avenir de sa filiale ou la poursuite de son activité, de nature à justifier qu'elle lui vienne en aide, la société requérante n'a pas agi dans son intérêt en prenant à sa charge les frais de publicité et de sponsoring ci-dessus analysés. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables de la société requérante les charges qu'elle a comptabilisées à ce titre.
En ce qui concerne les avances consenties à la société JM développement :
18. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Le fait, pour une entreprise, de consentir une avance sans intérêts au profit d'un tiers ne relève pas, en règle générale, d'une gestion normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt tel que défini au point 16 ci-dessus.
19. Il résulte de l'instruction que la société requérante a accordé à sa société mère, la société JM Développement, des avances en compte courant dont le solde débiteur s'établissait à 271 852 euros au titre de l'exercice 2011 et 147 332 euros au titre de l'exercice 2012, sans lui réclamer d'intérêts. La société requérante ne fait état d'aucune contrepartie à une telle renonciation de sa part à percevoir des intérêts sur ces avances mais se borne à faire valoir la neutralité fiscale de cette absence de facturation dès lors que la société JM Développement n'a pas de son côté déduit de ses bénéfices imposables de charges d'intérêts. Compte tenu des règles applicables ci-dessus rappelées, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir d'une telle argumentation. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a réintégré dans ses bénéfices imposables le montant des intérêts qu'elle a renoncé à percevoir en contrepartie de ces avances.
En ce qui concerne les loyers des locaux situés à Reims :
20. La société requérante a pris en location des locaux situés 40 c boulevard du Lundy puis 22 rue de l'Isle à Reims dans lesquels elle a fixé son siège social. L'administration, afin de refuser la déduction des loyers versés pour ces locaux, a relevé que la société requérante disposait des locaux de l'immeuble loués à la société TSO Logistique pour les besoins de son activité, adresse à laquelle son courrier était adressé et les factures et relevés de comptes bancaires libellés, et que les locaux loués à Reims étaient des appartements à usage d'habitation, servant également de domicile au président de la société, en outre loués à la société JM Développement. Elle en a déduit que les locaux situés à Reims n'avaient pu servir de siège de direction effective à la société qui ne les avait pas utilisés pour les besoins de son activité. La société requérante justifie, par la production de pièces, que des factures de fournisseurs ainsi que des courriers ont été libellés aux adresses successives de son siège social tandis qu'elle établit également y avoir tenu des assemblées générales d'associés. Dans ces conditions, en dépit de ce que la société requérante a également utilisé les locaux de son immeuble de Muizon, elle doit être regardée comme ayant disposé pour les besoins de son activité des locaux situés à Reims dont les loyers étaient par suite déductibles de ses bénéfices imposables en application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts. Il en résulte que la société requérante est fondée à demander la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités qui lui ont été assignés en conséquence de ces redressements.
Sur les pénalités :
21. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de :/a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.
En ce qui concerne les avances sans intérêts :
22. En se bornant à soutenir que la société requérante ne pouvait ignorer la nécessité de facturer des intérêts en contrepartie des avances qu'elle accordait à la société JM Développement, pour en avoir effectivement réclamés au titre de l'année 2010, l'administration ne rapporte pas la preuve que la société requérante a entendu éluder l'impôt sur les sociétés correspondant à cette renonciation à recettes. Par suite, la société requérante est fondée à demander la décharge des pénalités pour manquement délibéré ayant assorti ces redressements.
En ce qui concerne la prise en charge des frais de publicité de la société TSO Logistique :
23. Il résulte des points 11 à 17 ci-dessus que la société requérante a pris en charge sans aucune contrepartie des frais généraux incombant à sa filiale la société TSO Logistique. Le montant de ces dépenses a représenté l'essentiel des charges déductibles du bénéfice imposable et de la taxe sur la valeur ajoutée déductible de la société requérante au titre des années litigieuses. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que c'est dans l'intention de minorer son bénéfice imposable et de majorer ses droits à déduction à la taxe sur la valeur ajoutée que la société requérante a inscrit ces dépenses dans ses charges. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge des pénalités pour manquement délibéré ayant assorti les suppléments d'impôts sur les sociétés qui lui ont été assignés en conséquence de ces redressements tandis que ces mêmes pénalités seront rétablies en tant que majorations des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée remis à sa charge par le présent arrêt.
24. Il résulte de tout ce qui précède, s'agissant des impositions et pénalités restant en litige, que la société requérante est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a omis de répondre au moyen invoqué à l'appui des conclusions relatives aux frais de publicité, tiré de la violation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, et à en demander la réformation partielle conformément aux motifs exposés ci-dessus.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tout ou partie de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18NC02403 présentée par la société SAS Legend's Tour Prod dans la mesure du dégrèvement prononcé par le ministre de l'action et des comptes publics le 25 mars 2019.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé en tant qu'il a omis de répondre au moyen invoqué à l'appui des conclusions relatives aux frais de publicité, tiré de la violation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
Article 3 : Les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les majorations pour manquement délibéré dont le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge par l'article 2 de son jugement sont remis à la charge de la société Legend's Tour Prod.
Article 4 : La somme de 15 600 euros, concernant les loyers des locaux de Reims, est déduite des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés de la SAS Legend's Tour Prod au titre des années 2010, 2011 et 2012.
Article 5 : La société Legend's Tour Prod est déchargée de l'impôt sur les sociétés et des pénalités en conséquence de la réduction de base prononcée à l'article 4 ci-dessus.
Article 6 : La société Legend's Tour Prod est déchargée des pénalités pour manquement délibéré ayant assorti les suppléments d'impôt sur les sociétés consécutifs aux redressements portant sur les avances sans intérêts accordées à la société JM Développement au titre des années 2011 et 2012.
Article 7 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 3, 4, 5 et 6 du présent arrêt.
Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Legend's Tour Prod ci-dessus visée sous le numéro 18NC02403 est rejeté.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Legend's Tour Prod et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 18NC02403,18NC02715