Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.
Par un jugement n° 1905405 du 23 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 octobre 2019;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 4 octobre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le jugement qui ne comporte pas les signatures du président, du rapporteur et du greffier est irrégulier ;
- la décision portant refus de séjour n'est pas suffisamment motivée ; le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- le préfet ne pouvait pas refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade, dès lors que le refus de titre de séjour qui a été opposé à son époux n'a pas été notifié à ce dernier ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a méconnu les dispositions de l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son pouvoir de régularisation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi ne sont pas suffisamment motivées ;
- le préfet a méconnu le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu tel qu'il est notamment exprimé à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire à destination du Kosovo, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-205 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante du Kosovo née en 1983, a déclaré être entrée en France au mois de février 2015 avec son époux et ses enfants, afin d'y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 5 novembre 2015, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Le 25 août 2017, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de l'état de santé de son époux, lequel a lui-même présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 octobre 2018, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Mme B... relève appel du jugement du 23 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Contrairement à ce que soutient Mme B..., la minute du jugement attaqué comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience. Par ailleurs, la circonstance que la copie du jugement notifiée à la requérante ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, Mme B... reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance et tiré de ce que la décision litigieuse a été prise par une autorité incompétente. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Strasbourg.
5. En deuxième lieu, la décision litigieuse comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... avant d'édicter la décision litigieuse.
6. En troisième lieu, la circonstance à la supposer établie que la décision par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de délivrer un titre de séjour à son époux n'aurait pas été régulièrement notifiée à ce dernier ne faisait pas obstacle à l'édiction de la décision litigieuse.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
8. Mme B... fait valoir qu'elle aurait dû se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées en se prévalant de la présence en France de ses trois enfants nés en 2002 et 2016, de la scolarité de ses deux ainés nés en 2002 ainsi que de l'état de santé de son époux. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que l'état de santé de son époux justifierait qu'il soit admis au séjour. Elle n'établit pas davantage que sa cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer au Kosovo ou que ses enfants ne pourraient pas y être scolarisés. Par ailleurs, Mme B... n'est entrée en France qu'au mois de février 2015 et s'est maintenue sur le territoire français malgré l'obligation de quitter le territoire dont elle avait fait l'objet le 5 novembre 2015. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à Mme B... un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressée au regard de son pouvoir de régularisation.
9. En cinquième lieu et eu égard aux circonstances énoncées au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse aurait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
11. Compte tenu des circonstances mentionnées au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en édictant la décision litigieuse, le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
12. En septième lieu, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prohibant les traitements inhumains ou dégradants, est inopérant à l'encontre de la décision refusant un titre de séjour à Mme B..., qui n'emporte pas, par ellemême, l'éloignement de l'intéressée à destination du Kosovo.
13. En dernier lieu, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 à l'encontre de la décision litigieuse qui ne constitue pas un refus d'examen d'une demande d'asile.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :
14. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
15. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III ". En l'espèce, d'une part, le refus de titre de séjour étant suffisamment motivé, l'obligation de quitter le territoire français fondée sur celui-ci l'est également. D'autre part, le préfet a indiqué dans son arrêté les considérations de fait et de droit sur lesquelles est fondée la décision fixant le pays de renvoi. La requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que ces décisions ne seraient pas suffisamment motivées.
16. En troisième lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans les motifs de son arrêt C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, les auteurs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne (UE) et consacrés à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'UE. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
17. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
18. Mme B... a pu exposer tous les éléments qu'elle jugeait utiles lors du dépôt de sa demande de titre de séjour. Dans ces conditions, la seule circonstance qu'elle n'aurait pas été invitée à formuler des observations avant l'édiction des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi n'est pas de nature à la faire regarder comme ayant été privée de son droit à être entendu garanti par le droit de l'Union.
19. En quatrième lieu et compte tenu des circonstances mentionnées au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle et familiale de Mme B....
20. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
21. Mme B... fait valoir qu'elle encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, du fait de sa religion et de la profession de son époux qui est policier. Toutefois, les éléments qu'elle produit au soutien de ses allégations ne permettent pas de considérer comme établi qu'elle encourt effectivement et personnellement des risques en cas de retour au Kosovo. Au demeurant, sa demande d'asile et sa demande de réexamen ont toutes deux été rejetées par l'OFPRA et par la CNDA. Il ne ressort, par suite, pas des pièces du dossier que la décision fixant le pays à destination duquel Mme B... pourra être éloignée serait intervenue en violation des stipulations précitées.
22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour Mme A... B... en application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 19NC03375