Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le groupe hospitalier Sélestat-Obernai (GHSO) à lui verser la somme globale de 41 056 euros en réparation des préjudices qu'il a subis en raison de l'illégalité de la décision du 21 avril 2015 prononçant son licenciement pour motif disciplinaire.
Par un jugement n° 1604955 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le groupe hospitalier Sélestat-Obernai à verser la somme de 5 000 euros à M. D... au titre de son préjudice moral et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 février 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 janvier 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de condamner le groupe hospitalier Sélestat-Obernai à lui verser la somme totale de 27 738 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de l'illégalité de la décision du 21 avril 2015 prononçant son licenciement pour motif disciplinaire ;
3°) de mettre à la charge du groupe hospitalier Sélestat-Obernai la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a retrouvé du travail depuis le 1er juillet 2015 dans le cadre de missions par intérim puis sous contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er mars 2016 ;
- il a droit au versement d'une indemnité de licenciement de 2 688 euros ;
- il est fondé à solliciter le versement d'une indemnité de préavis de licenciement de 2 150 euros ;
- il est dans une situation assimilable à celle d'un salarié de droit privé et a droit au même traitement que celui dont bénéficierait un salarié du secteur privé en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- il a droit à une indemnité de 12 900 euros dans les conditions prévues par l'article L. 1235-3 du code du travail en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
- le caractère brutal et vexatoire de son licenciement a entraîné son placement en congé de maladie du 19 février au 7 mai 2015 ;
- il a dû déposer un dossier pour surendettement ;
- il a droit à l'indemnisation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence à hauteur de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2020, le groupe hospitalier Sélestat-Obernai, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête, au rejet de l'ensemble des demandes de M. D... et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a adressé une proposition de réintégration à M. D... en exécution du jugement du 30 juin 2016 du tribunal administratif de Strasbourg comprenant une rémunération identique pour un poste identique au précédent et correspondant à ses qualifications ;
- il a versé la somme de 3 384,25 euros à M. D... correspondant à sa perte de rémunération entre le 21 avril et le 30 juin 2015, M. D... ayant retrouvé un emploi le 1er juillet 2015 ;
- il a ainsi procédé à l'indemnisation de la perte de rémunération subie par le requérant en raison du caractère illégal de la décision de licenciement ;
- les autres moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le jugement n°1503402 du 30 juin 2016 du tribunal administratif de Strasbourg.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n°91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., présidente assesseur,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a été recruté, le 3 mars 2014, en qualité d'ouvrier professionnel qualifié par le centre hospitalier d'Obernai devenu le groupe hospitalier Sélestat-Obernai, d'abord dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, puis d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2015. Par une décision du 21 avril 2015, le directeur du centre hospitalier d'Obernai l'a licencié pour motif disciplinaire à compter du 24 avril 2015. Par un jugement du 30 juin 2016 devenu définitif, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 21 avril 2015 aux motifs que les faits à l'origine de la sanction n'étaient pas suffisamment établis et que M. D... n'avait commis aucun manquement aux obligations de réserve et de discrétion professionnelle. Le tribunal administratif de Strasbourg a enjoint au centre hospitalier d'Obernai de réintégrer M. D... dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement. M. D... n'a cependant pas accepté la proposition de réintégration du centre hospitalier. Il lui a adressé une demande indemnitaire préalable, le 2 août 2016, tendant à ce que la somme de 39 584 euros lui soit versée en réparation des préjudices subis en raison du caractère illégal de son licenciement. Le silence gardé par le centre hospitalier sur cette demande a fait naitre une décision implicite de rejet. Par un jugement du 8 janvier 2019, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le groupe hospitalier Sélestat-Obernai à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Dans le dernier état de ses écritures, M. D... demande le versement d'une somme totale de 27 738 euros en réparation des préjudices qu'il a subis en raison de l'illégalité de son licenciement.
2. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi que l'intéressé a perçues au cours de la période d'éviction.
3. M. D... a droit à l'indemnisation des préjudices qui présentent un lien direct de causalité avec l'illégalité de la décision du 21 avril 2015 le licenciant qui a été annulée par un jugement du 30 juin 2016 du tribunal administratif de Strasbourg devenu définitif, au motif que les faits à l'origine de la sanction n'étaient pas suffisamment établis et qu'aucun manquement aux obligations de réserve et de discrétion professionnelle ne pouvait lui être reproché.
4. En premier lieu, la décision du 21 avril 2015 portant licenciement de M. D... a été annulée rétroactivement par le jugement du 30 juin 2016 du tribunal administratif de Strasbourg. Par suite, en l'absence de licenciement, M. D... n'est pas fondé à demander le versement d'une indemnité de licenciement de 2 688 euros et d'une indemnité de préavis de licenciement de 2 150 euros. La circonstance qu'il a refusé sa réintégration au sein du groupe hospitalier Sélestat-Obernai ne saurait lui ouvrir droit au versement de ces indemnités qui ne sont dues qu'en cas de licenciement, alors qu'ainsi qu'il est dit, le licenciement litigieux a été annulé et au demeurant une proposition de réintégration adressée à l'intéressé.
5. En deuxième lieu, d'une part, M. D... ne peut utilement soutenir qu'il devrait avoir droit aux mêmes indemnités qu'un salarié du secteur privé exerçant un emploi similaire, alors qu'il a été employé par le groupe hospitalier Sélestat-Obernai comme agent contractuel de la fonction publique hospitalière relevant d'un statut qui n'est pas régi par le code du travail.
6. D'autre part, la décision du 21 avril 2015 portant licenciement de M. D... a été annulée avec effet rétroactif par le jugement du 30 juin 2016 du tribunal administratif de Strasbourg. M. D... ne peut, en conséquence, utilement invoquer les dispositions de l'article L. 1235-3 du code de travail relatives au licenciement pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, pour demander le versement d'une indemnité de 12 900 euros.
7. Cependant, ainsi qu'il est dit au point 2, M. D... a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure de licenciement illégalement édictée à son encontre. Il résulte de l'instruction que le groupe hospitalier Sélestat-Obernai a proposé à M. D... sa réintégration sur l'emploi de monteur en installations sanitaires et thermiques qu'il occupait avant son licenciement, auquel était ajoutée la fonction de chauffeur afin de prendre en compte les incidences de la fusion entre le centre hospitalier d'Obernai et celui de Sélestat, qui nécessite que les agents des services techniques réalisent des trajets entre les deux établissements. M. D... a cependant refusé sa réintégration par un courrier du 2 août 2016. Il fait valoir qu'il a retrouvé du travail depuis le 1er juillet 2015 et est désormais employé sous contrat de travail à durée indéterminée avec une meilleure rémunération que celle qu'il percevait lorsqu'il était employé par le groupe hospitalier Sélestat-Obernai.
8. En outre, il résulte de l'instruction que le groupe hospitalier Sélestat-Obernai lui a versé, le 29 décembre 2016, une somme d'un montant de 3 384,23 euros en réparation de la perte de revenus qu'il a subie en raison de son éviction illégale entre le mois d'avril 2015 et le 30 juin 2015.
9. En troisième lieu, d'une part, M. D... a été placé en congé de maladie du 19 février au 7 mai 2015. Il n'établit cependant pas que son placement en congé de maladie résulterait de la procédure de licenciement, " brutale et vexatoire " selon ses termes, engagée à son encontre. Alors même que ce congé a débuté le lendemain de la suspension de fonctions dont il a fait l'objet, le 18 février 2015, cette circonstance ne saurait suffire à établir un lien direct de causalité entre la suspension de ses fonctions et son placement en congé de maladie.
10. D'autre part, si M. D... fait valoir qu'il a déposé un dossier de surendettement, le 14 avril 2015, le lien direct entre cette procédure de surendettement et son licenciement, le 21 avril 2015, qui est postérieur au dépôt de son dossier de surendettement, n'est pas davantage établi.
11. En outre, M. D... fait valoir qu'à la suite de son licenciement, il a dû s'inscrire à Pôle emploi. Il n'établit cependant pas que cette circonstance aurait provoqué des troubles dans ses conditions d'existence alors, au surplus, qu'il a rapidement retrouvé du travail dès le 1er juillet 2015.
12. Par suite, M. D... n'établit pas, par les circonstances qu'il invoque, que le tribunal administratif de Strasbourg a fait une inexacte appréciation du préjudice moral qu'il a subi en raison du caractère illégal de son licenciement en lui accordant la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral. Les conclusions de M. D... tendant à ce qu'une somme de 10 000 euros lui soit versée au titre de ses troubles dans les conditions d'existence et de son préjudice moral doivent, en conséquence, être rejetées.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le groupe hospitalier Sélestat-Obernai à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du groupe hospitalier Sélestat-Obernai, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... le versement au groupe hospitalier Sélestat-Obernai de la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera au groupe hospitalier Sélestat-Obernai une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au groupe hospitalier Sélestat-Obernai.
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N°19NC00356