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18/06/2020 | FRANCE | N°19NC00783

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 18 juin 2020, 19NC00783


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui leur ont été assignés au titre des années 2012, 2013 et 2014 à la suite de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle.

Par un jugement n° 1700577 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir constaté un non-lieu partiel dans la mesure de dégrèvements prononcé

s en cours d'instance, a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui leur ont été assignés au titre des années 2012, 2013 et 2014 à la suite de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle.

Par un jugement n° 1700577 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir constaté un non-lieu partiel dans la mesure de dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mars 2019, M. et Mme E..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) de prononcer l'annulation du jugement du 27 décembre 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités laissées à leur charge ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que l'administration a regardé M. E... comme le maître de l'affaire alors que c'était la comptable de la société qui dirigeait tout ;

- la désignation au nom de la société de M. E... comme le bénéficiaire des revenus distribués ne lui est pas opposable, dès lors qu'il n'a pris aucune part à ce courrier ;

- il est établi que les sommes correspondant aux charges de sous-traitance ont été appréhendées par des tiers de sorte qu'il n'en a pas été le bénéficiaire ;

- les apports que M. E... a effectués sur son compte courant sont bien justifiés par les chèques qu'il a remis à la société ;

- les conditions ne sont pas réunies pour établir l'existence de revenus d'origine indéterminée à son profit par le seul fait qu'il a été répondu à la mise en demeure que les recherches étaient en cours s'agissant des chèques demeurant inexpliqués.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2019 le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... E... est le gérant de la société Eny Service, dont les bénéfices sont imposables à l'impôt sur les sociétés et qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2012, 2013 et 2014. M. E... a été désigné comme le bénéficiaire des bénéfices réputés distribués correspondant, selon l'administration fiscale, à des charges non déductibles ainsi qu'un passif injustifié, sommes réintégrées dans le bénéfice imposable de la société Eny Services. M. et Mme E... ont, pour leur part, fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle dans le cadre duquel il leur a été demandé par le service, par lettre du 8 septembre 2015, de justifier l'origine, la nature et l'objet de crédits bancaires non identifiés. Au vu de leur réponse, le service les a mis en demeure d'apporter des précisions par lettre modèle 2172 bis notifiée le 12 novembre 2015. En l'absence de réponse jugée satisfaisante, le service a notifié aux époux E..., par proposition de rectification du 15 décembre 2015, des redressements dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers correspondant aux bénéfices réputés distribués par la société Eny Service, selon la procédure contradictoire de rectification, ainsi qu'en matière de revenus d'origine indéterminée correspondant aux crédits bancaires demeurés inexpliqués, selon la procédure de taxation d'office. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été assortis de pénalités pour manquement délibéré, s'agissant des revenus d'origine indéterminée et du passif injustifié, et de pénalités pour manoeuvres frauduleuses, s'agissant des revenus distribués correspondant à des charges injustifiés de sous-traitance. Les époux E..., qui n'avaient accepté que très partiellement les redressements, ont réclamé contre ces impositions auprès de l'administration laquelle a admis partiellement cette réclamation par décision du 2 décembre 2016. Par le jugement attaqué du 27 décembre 2018, dont les époux E... relèvent appel, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir constaté un non-lieu à statuer correspondant au dégrèvement des contributions sociales dans la mesure d'un abandon de la majoration de 25 %, a rejeté la demande des intéressés tendant à la décharge des impositions et pénalités laissées à leur charge.

Sur la régularité de la procédure :

2. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au présent litige : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger.(...)/ Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 €.(...)/ Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur ". Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : "Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois./Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". Aux termes enfin de l'article L. 69 du même livre : "Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

3. En réponse à la demande de justification qui leur a été adressée le 8 septembre 2015, les époux E... ont apporté des explications concernant trois chèques tirés par un dénommé " M. B... E... " pour une somme d'environ 38 000 euros et se sont bornés à indiquer que " les autres chèques n'ont pas été identifiés à ce jour ". Dans ces conditions, c'est régulièrement que, par sa mise en demeure du 10 novembre 2015, le service a demandé aux époux E... des précisions s'agissant de ces trois chèques ainsi que la justification des autres crédits non identifiés et qu'en l'absence de réponse à cette mise en demeure, il a taxé d'office les crédits bancaires inexpliqués en tant que revenus d'origine indéterminée. Par suite, les époux E... ne sont pas fondés à soutenir que le service a irrégulièrement mis en oeuvre la procédure de taxation d'office prévue par l'article L. 69 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les charges de sous-traitance comptabilisées par la société Eny Service :

4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : "1. Sont considérés comme revenus distribués :/(...) 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ". Les redressements litigieux ayant été effectués selon la procédure contradictoire de rectification et les requérants ne les ayant pas acceptés, il incombe à l'administration d'apporter la preuve, d'une part de l'existence et du montant des revenus qui auraient été distribués par la société et, d'autre part, de leur appréhension par les associés. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

5. A la suite de la vérification de comptabilité de la société Eny Service, dont le requérant est le gérant et associé à 50 % des parts, le service a réintégré dans les bénéfices imposables les sommes correspondant à des factures fictives de sous-traitance payées par chèques signés par M. E.... Ces sommes ayant été désinvesties sans contrepartie, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant apporté la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués par la société Eny Service à ce titre.

6. Il résulte de l'instruction que M. E... est le gérant et associé majoritaire de la société Eny Service. Il en assure la gestion financière en ayant la totale maîtrise des comptes bancaires et a signé les chèques correspondant aux factures litigieuses, tirés à l'ordre de tiers sans rapport avec les personnes censées les avoir établies. Dans ces conditions, M. E..., qui est le maître de l'affaire, doit être regardé comme le bénéficiaire des sommes ainsi distribuées. Si le requérant fait valoir que ces chèques ont été encaissés par des tiers, il n'est pas contesté que, pour nombre d'entre eux, ils ont été établis à l'ordre de membres de sa famille ou de lui-même. Il résulte de ces éléments que M. E... a entendu appréhender en franchise d'impôt des revenus provenant des bénéfices de sa société en prenant soin de faire transiter les flux financiers par des tiers et en a ainsi été le bénéficiaire ultime. En soutenant qu'il n'a pas signé lui-même la lettre de sa société le désignant comme bénéficiaire des sommes litigieuses et, sans au demeurant l'établir, que le comptable de la société aurait été le véritable maître de l'affaire, M. E... ne combat pas utilement les éléments de preuve ainsi réunis par l'administration.

En ce qui concerne le passif injustifié :

7. Au cours de la vérification de comptabilité de la société Eny Service le vérificateur a constaté que cette dernière avait encaissé au cours de l'année 2012 plusieurs chèques tirés par un M. B... E... s'élevant à la somme totale de 141 340,40 euros, qui ont été comptabilisés au crédit du compte courant d'associé de M. C... E.... Ce dernier n'ayant pas lui-même effectué ces apports, le service a à bon droit considéré que la dette ainsi constatée à son égard par la société constituait un passif injustifié qui a été réintégré dans le bénéfice imposable de la société Eny Service sur le fondement du 2 de l'article 38 du code général des impôts.

8. Les sommes ainsi inscrites au crédit du compte courant d'associé de M. E... doivent être regardées, sauf preuve contraire apportée par le titulaire du compte, comme ayant été mises à sa disposition dès leur inscription en comptabilité et sont imposables à ce titre dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. En se bornant à soutenir que cette inscription ne s'est accompagnée d'aucun flux de trésorerie, M. E... ne rapporte pas cette preuve.

En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :

9. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : "Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".

10. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus au point 3 que la procédure de taxation d'office a été régulièrement mise en oeuvre par le service sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales s'agissant des crédits bancaires inexpliqués. Par suite, contrairement à ce qu'ils soutiennent, les époux E... supportent la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions découlant des revenus d'origine indéterminée. En se bornant à soutenir qu'ils ne disposaient pas des justificatifs nécessaires et que l'appréciation faite par le service n'est pas justifiée, les requérants n'apportent pas cette preuve.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les époux E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de leur demande. Par suite, leur requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... et au ministre de l'action et des comptes publics.

N° 19NC00783 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00783
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-03-01-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Examen de la situation fiscale personnelle (ex VASFE).


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : HADDAD JEAN YVES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-18;19nc00783 ?
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