Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert auprès des autorités allemandes et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile dans un délai de huit jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1901240 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC01670 le 29 mai 2019, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 février 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 30 janvier 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la fiche Eurodac n'ayant pas été communiquée, il n'est pas possible de vérifier qu'elle comporte l'ensemble des éléments d'informations mentionnés par l'article 18 du règlement communautaire n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, notamment l'identité du responsable du traitement ou de son représentant, la mention que l'intéressé avait l'obligation d'accepter que soient relevés ses empreintes digitales, l'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données ;
- la décision de transfert est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que le préfet aurait pu appliquer la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement Dublin III ;
- il a fait l'objet d'une incarcération par les autorités allemandes qui n'ont pas traité sa demande d'asile de manière impartiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 30 avril 2019.
Par un courrier en date du 13 février 2020, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fins d'annulation de la décision de transfert attaquée, dès lors que la France devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale à l'expiration du délai de six mois défini à l'article 29 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013.
Le préfet du Bas-Rhin a répondu à cette communication par un mémoire enregistré le 18 février 2020 et a précisé que le requérant avait été remis aux autorités allemandes le 17 juillet 2019, soit pendant le délai de transfert.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur l'Union européenne ;
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant albanais, né le 17 janvier 1953, est entré sur le territoire français le 11 septembre 2018, selon ses déclarations. Il a déposé le 19 décembre suivant une demande d'asile auprès de la préfecture du Haut-Rhin. La consultation du fichier Eurodac a permis de constater que l'intéressé avait déjà déposé une demande d'asile auprès des autorités allemandes et belges les 15 février 2016 et 8 juillet 2014. Les autorités belges et allemandes ont été saisies, le 10 janvier 2019, d'une demande de reprise en charge de l'intéressé. Si les autorités belges ont fait connaître leur refus le 22 janvier suivant, les autorités allemandes ont donné leur accord à cette reprise en charge le 15 janvier 2019, en application de l'article 18-1-b du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Le préfet du Bas-Rhin a alors ordonné, par un arrêté du 30 janvier 2020, la remise de M. B... aux autorités allemandes. Ce dernier fait appel du jugement du 28 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 30 janvier 2019 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin : " 1. Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'État membre d'origine : / a) de l'identité du responsable du traitement et de son représentant, le cas échéant ; / b) de la raison pour laquelle les données vont être traitées par Eurodac ; / c) des destinataires des données ; / d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; / e) de l'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données. / Dans le cas de personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, les informations visées au premier alinéa sont fournies au moment où les empreintes digitales sont relevées. / Dans le cas de personnes visées à l'article 11, les informations visées au premier alinéa sont fournies au plus tard au moment où les données concernant la personne sont transmises à l'unité centrale. Cette obligation ne s'applique pas lorsqu'il s'avère impossible de fournir ces informations ou que cela nécessite des efforts disproportionnés. ".
3. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, aujourd'hui reprises à l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Dès lors, la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles le préfet transfère un demandeur d'asile aux autorités compétentes de l'Etat qui s'est reconnu responsable de l'examen de sa demande. Par suite, le moyen tiré de ce que, la fiche Eurodac n'ayant pas été communiquée, il ne serait pas possible de vérifier qu'elle comporte l'ensemble des éléments d'informations mentionnés par l'article 18 du règlement communautaire n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 doit, en tout état de cause, être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement précité du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ". Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ". Et aux termes de l'article L. 742-7 du même code : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'Etat considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ".
5. Il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile en Allemagne est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que cet Etat est membre de l'Union Européenne et est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités suédoises répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.
6. Le requérant n'allègue pas qu'il existerait des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Allemagne. En outre, s'il soutient qu'il aurait pu être admis au séjour en France en application de l'article 17 du règlement précité du 26 juin 2013, dès lors qu'il a fait l'objet d'une incarcération par les autorités allemandes, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait fait l'objet d'une incarcération irrégulière ou de mauvais traitements au cours de cette incarcération. Il ne produit pas davantage d'éléments permettant d'établir que sa demande d'asile ne serait pas instruite en Allemagne dans des conditions conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application de l'article 17 du règlement précité doit donc être écarté.
7. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit plus haut, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile en Allemagne est conforme aux exigences de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que cet Etat est partie à cette convention. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision de transfert des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 30 janvier 2019.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
N° 19NC01670 2