Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Par une ordonnance du 21 septembre 2016, le président du tribunal administratif de Nancy a renvoyé le dossier de la requête n° 1602686, présentée par M. C... B..., au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
M. B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler la décision du 23 novembre 2015 par laquelle le centre expert des ressources humaines et de la solde de Nancy a mis à sa charge la somme de 12 305,16 euros au titre d'un trop perçu de rémunération, ensemble la décision implicite de rejet de son recours devant la commission de recours des militaires, d'autre part, dans l'hypothèse où il ne serait pas fait droit à ses conclusions à fin d'annulation, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 305,16 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2016.
Par un jugement n° 1601855 et 1700012 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision implicite de rejet de son recours devant la commission de recours des militaires, a rejeté le surplus des conclusions des demandes, ainsi que, pour irrecevabilité, celle de la ministre des armées tendant à ce que la somme réclamée à M. B... soit ramenée à 2 327,09 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2018, la ministre des armées demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1601855 et 1700012 du tribunal de Châlons-en-Champagne du 5 juillet 2018 en tant qu'il a prononcé une annulation totale de la décision implicite de rejet en litige, sans fixer le montant de la dette de l'intéressé, et qu'il a rejeté pour irrecevabilité ses conclusions présentées à titre reconventionnel ;
2°) de fixer le montant de la créance due par M. B... à la somme de 2 327,09 euros ;
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté pour irrecevabilité ses conclusions tendant à ce que la somme réclamée à M. B... soit ramenée à 2 327,09 euros ;
- les premiers juges se sont mépris sur la nature du recours exercé par le requérant et ont méconnu leur office de juges du plein contentieux ;
- elle est fondée à réclamer à M. B... la somme de 2 327,09 euros au titre d'un trop-perçu de rémunération.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2018, M. C... B..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse, premier conseiller
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Officier de l'armée de terre et titulaire du grade de commandant, M. A... B... exerce ses fonctions, depuis le 10 juillet 2014, au sein du groupement de soutien de la base de défense de Saint Dizier-Chaumont dans le département de la Haute-Marne. En vertu d'un ordre de mutation du 18 février 2011, l'intéressé a été précédemment affecté, du 10 juillet 2011 au 9 juillet 2014, à l'Ecole militaire interarmées (EMIA) en Polynésie française. Du fait de ce séjour de trois ans, il a bénéficié d'une indemnité d'éloignement, qui lui a été versée en trois fractions en mai 2011, en août 2012 et en janvier 2015. A la suite d'un dysfonctionnement du calculateur Louvois, M. B... a également perçu à tort, au mois d'août 2012, une somme de 15 777 euros à ce titre. Il en a informé immédiatement son administration, qui a procédé à deux retenues sur sa solde, en octobre et novembre 2012, pour des montants respectifs de 12 004,51 euros et de 6 044,03 euros. L'intéressé ayant par erreur fait l'objet d'une " sur-reprise " d'un montant de 2 871,54 euros, une somme d'un montant équivalent lui a été reversée au titre de sa solde de juillet 2014. Par une décision du 23 novembre 2015, notifiée par voie administrative le 6 janvier 2016, le centre expert des ressources humaines et de la solde de Nancy a informé M. B... qu'il était redevable d'un trop-versé de rémunération de 12 305,16 euros et que, en l'absence de paiement spontané de sa part de la totalité de cette somme, il serait procédé à des retenues sur sa solde sur la base d'un échéancier de dix mensualités de 1 185 euros et d'un solde de 455,16 euros. Par courriers des 27 janvier et 2 novembre 2016, l'intéressé a formé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours des militaires, d'abord contre la décision du 23 novembre 2015, puis contre la décision implicite de rejet de sa demande préalable d'indemnisation du 1er septembre 2016. Ces recours administratifs ayant été implicitement rejetés, M. B..., à la suite de l'ordonnance de renvoi n° 1602686 du 21 septembre 2016, prise par le président du tribunal administratif de Nancy, a saisi le tribunal de Châlons-en-Champagne de demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 23 novembre 2015, ensemble la décision implicite de rejet de son recours devant la commission de recours des militaires, d'autre part, dans l'hypothèse où il ne serait pas fait droit à ses conclusions à fin d'annulation, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 12 305,16 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2016. Par un jugement n° 1601855 et 1700012 du 5 juillet 2018, les premiers juges ont annulé la décision implicite de rejet contestée et rejeté le surplus des conclusions des demandes, ainsi que, pour irrecevabilité, celles présentées par la ministre des armées en défense tendant à ce que la somme réclamée à M. B... soit ramenée à 2 327,09 euros. La ministre des armées relève appel de ce jugement uniquement en tant qu'il a prononcé une annulation totale de la décision implicite de rejet en litige, sans fixer le montant de la créance de l'administration, et qu'il a rejeté pour irrecevabilité ses conclusions en défense.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, la lettre par laquelle l'administration informe un militaire qu'il doit rembourser une somme indûment payée et qu'en l'absence de paiement spontané de sa part, cette somme sera retenue sur sa solde est une décision susceptible de faire l'objet d'un recours de plein contentieux. Lorsque le recours dont il est saisi est dirigé contre une décision qui, remettant en cause des paiements déjà effectués, ordonne la récupération d'un indu, il entre dans l'office du juge administratif de plein contentieux d'apprécier, au regard de l'argumentation du requérant, le cas échéant de celle développée par le défendeur et, enfin, des moyens d'ordre public, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, la régularité comme le bien-fondé de la décision de récupération d'indu. Il lui appartient, s'il y a lieu, d'annuler ou de réformer la décision ainsi attaquée, pour le motif qui lui paraît, compte tenu des éléments qui lui sont soumis, le mieux à même, dans l'exercice de son office, de régler le litige.
3. Contrairement aux allégations de la ministre des armées, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges se seraient mépris sur la nature du recours dont ils étaient saisis et auraient méconnu l'étendue du pouvoir juridictionnel résultant de leur office de juges du plein contentieux. La circonstance qu'ils aient considéré que la créance détenue par l'administration à l'encontre de M. B... était inexistante et qu'ils aient prononcé, en conséquence, l'annulation totale de la décision implicite de rejet du recours formé devant la commission de recours des militaires à l'encontre de la décision du 23 novembre 2015, si elle est susceptible d'affecter, le cas échéant, le bien-fondé du jugement contesté, est, en revanche, sans incidence sur sa régularité. Par suite, la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que le jugement rendu en première instance serait irrégulier pour ce motif.
4. En second lieu, il résulte de l'instruction que la ministre des armées a présenté devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne des conclusions en défense tendant à ce que le montant de la créance de l'administration à l'égard de M. B... soit ramené à la somme de 2 327,09 euros. Ces conclusions ont été rejetées pour irrecevabilité par les premiers juges au motif que l'autorité administrative disposait du pouvoir de procéder elle-même au recouvrement de la somme dont elle s'estimait en droit d'exiger le paiement. Toutefois, il n'est pas contesté que la commission de recours des militaires a rejeté implicitement la décision du 23 novembre 2015 par laquelle le centre expert des ressources humaines et de la solde de Nancy a notifié à M. B... un trop-perçu de rémunération de 12 305,16 euros et l'a informé de ce que, à défaut pour lui de s'acquitter spontanément de cette somme, il sera procédé à des retenues sur sa solde en vue de son remboursement. Dans le cadre du litige de plein contentieux résultant de la contestation par l'agent de cette décision, il était loisible à l'administration, après avoir constaté une erreur sur le quantum de la créance ainsi réclamée, de demander au juge administratif que celle-ci soit ramenée à la somme de 2 327,09 euros. Par suite, la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté pour irrecevabilité ses conclusions en défense. Cette circonstance entache d'irrégularité le jugement de première instance, qui doit être annulé dans cette mesure. Il y a donc lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions en défense de l'administration.
Sur les conclusions en défense de l'administration :
5. La ministre des armées fait valoir que la créance de 2 327,09 euros dont elle réclame le remboursement résulte de ce que M. B... a bénéficié par erreur, en 2014, d'une avance ministérielle de 2 871,54 euros faisant doublon avec la somme d'un montant équivalent versée par le centre expert des ressources humaines et de la solde de Nancy au titre de la solde de juillet 2014. Toutefois, en se bornant à produire une analyse de ce même centre expert en date du 9 novembre 2016, faisant état de l'existence de cette avance ministérielle, l'administration n'établit pas la réalité de la créance dont elle se prévaut à l'encontre de M. B.... Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la demande, tiré de ce que la créance en litige serait prescrite, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions en défense présentées par la ministre des armées devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Les conclusions en ce sens figurant dans la présente requête doivent également être rejetées.
Sur les frais de justice :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... dans la présente instance et non compris dans les dépens.
D E C I D E
Article 1er : Le jugement n° 1601855 et 1700012 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 juillet 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté pour irrecevabilité les conclusions de la ministre des armées tendant à ce que la somme due par M. B... soit ramenée à 2 327,09 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à Me E... pour M. C... B... en application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.
N° 18NC02421 2