Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 août 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.
Par un jugement n° 1906972 du 14 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 27 août 2019 portant fixation du pays de destination et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 12 février 2020, M. B... A..., représenté par Me Martin-Keusch - Luttenauer, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1906972 du 14 novembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du 27 août 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et ses conclusions à fin d'injonction ;
2°) d'annuler la décision du préfet du Haut-Rhin du 27 août 2019 portant obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer une admission au séjour ou un titre de séjour de plein droit ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37, alinéa 2, de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a méconnu son droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux et par les principes généraux du droit de l'Union européenne ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse, premier conseiller
- et les observations de Me Martin-Keusch - Luttenauer pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... est un ressortissant congolais, né le 13 janvier 1978. Admis à séjourner en qualité de réfugié en Côte d'Ivoire en 1998 puis en Roumanie en 2005, le requérant a déclaré être entré irrégulièrement en France en 2009. Le 24 juillet 2017, il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 janvier 2018 et par la Cour nationale du droit d'asile le 15 mars 2019. En conséquence de ces refus, le préfet du Haut-Rhin, par un arrêté du 27 août 2019, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2017. Il relève appel du jugement n° 1906972 du 14 novembre 2019 en tant qu'il s'est borné à annuler la décision portant fixation du pays de destination et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".
3. M. A... ne saurait utilement invoquer une méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui s'adresse uniquement, ainsi qu'il résulte clairement des dispositions en cause, aux institutions, organes et organismes de l'Union. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.
4. En deuxième lieu, lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français sur ce fondement, ne saurait ignorer que, en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet, le cas échéant, d'un refus d'admission au séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... n'aurait pas été entendu lors du dépôt en préfecture de sa demande d'asile, ni qu'il aurait été empêché, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration tous les éléments jugés utiles à la compréhension de sa situation. Par suite et alors que l'intéressé a été dûment informé que, en cas de rejet de sa demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, il perdra le droit de se maintenir sur le territoire français et pourra alors faire l'objet d'une mesure d'éloignement, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, tel que garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a indiqué lors du dépôt de sa demande d'asile, le 24 juillet 2017, être célibataire et hébergé par un ami, n'a pas fait état de ce qu'il vivait en concubinage depuis le 15 novembre 2016. Par suite, il ne saurait utilement soutenir que le préfet du Haut-Rhin aurait entaché la décision en litige d'une erreur de fait en se bornant à indiquer à tort qu'il était célibataire.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. A... ne démontre pas être présent sur le territoire français depuis 2009. S'il y a épousé une ressortissante ivoirienne le 14 septembre 2013, il est constant que les intéressés ont divorcé le 11 décembre 2017. Le requérant se prévaut encore de son concubinage, depuis le 15 novembre 2016, avec une ressortissante néerlandaise exerçant les fonctions d'auxiliaire de vie sociale au sein d'une association, avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité le 22 novembre 2019. Il produit également une attestation d'un praticien hospitalier du pôle de la maternité et de la gynécologie du Groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace, datée du 20 septembre 2019, indiquant que sa compagne et lui bénéficient d'une aide médicale à la procréation depuis un an. Toutefois, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantissant pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie familiale, rien ne s'oppose à ce que les intéressés poursuivent leur vie familiale en Roumanie, où M. A... a été admis à séjourner en qualité de réfugié et où, contrairement à ses allégations, la protection qui en découle y est assurée de façon effective. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
9. En cinquième et dernier lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle du requérant.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du préfet du Haut-Rhin du 27 août 2019 portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg s'est borné à annuler la décision du 27 août 2019 portant fixation du pays de destination et a rejet le surplus des conclusions de la demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
N° 19NC03561 2