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09/07/2020 | FRANCE | N°20NC00299

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 09 juillet 2020, 20NC00299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2019 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.

Par un jugement n° 1908090 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête, enregistrée le 4 février 2020, Mme E... A..., représentée par Me D..., demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2019 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.

Par un jugement n° 1908090 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2020, Mme E... A..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 27 septembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; son fils, de nationalité française réside en France et y est scolarisé ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et celles de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisaient obstacle à ce qu'elle fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante gabonaise née en 1988, est entrée en France le 6 septembre 2018 avec son fils né le 6 juillet 2015, sous couvert d'un visa de court séjour d'une durée de 90 jours, et s'est maintenue en France au-delà de la durée de validité de son visa. Le 3 décembre 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant de sa qualité de mère d'un enfant français. Par un arrêté du 27 septembre 2019, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Mme A... relève appel du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile détermine les cas dans lesquels la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit. Le 6° de cet article prévoit que ce titre est ainsi délivré, sous réserve que la présence en France de l'intéressé ne constitue pas une menace pour l'ordre public, à " l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou au moins depuis deux ans (...) ".

3. Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que le législateur, pour le cas où la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " est demandée par un étranger au motif qu'il est parent d'un enfant français, a subordonné la délivrance de plein droit de ce titre à la condition, notamment, que l'enfant réside en France. Ce faisant, le législateur n'a pas requis la simple présence de l'enfant sur le territoire français mais a exigé que l'enfant réside en France, c'est-à-dire qu'il y demeure effectivement de façon stable et durable. Il appartient dès lors, pour l'application de ces dispositions, à l'autorité administrative d'apprécier dans chaque cas, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et des justifications produites, où se situe la résidence de l'enfant, entendue comme le lieu où il demeure effectivement de façon stable et durable à la date à laquelle le titre est demandé.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France accompagnée de son fils B..., de nationalité française, le 6 septembre 2018 et a sollicité un titre de séjour le 3 décembre suivant, soit moins de trois mois après son arrivée en France. Son fils ne pouvait ainsi pas être regardé comme résidant en France au sens des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la date à laquelle Mme A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement. Mme A... ne peut se prévaloir à cet égard de ce que l'enfant serait scolarisé en classe de moyenne section de maternelle ou qu'elle pourvoit effectivement à son entretien et à son éducation. La requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'époux de Mme A... qui était de nationalité française est décédé au mois d'avril 2019 au Gabon où la requérante a vécu avec son fils jusqu'à leur arrivée en France au mois de septembre 2018. Elle fait valoir qu'elle souhaite pouvoir se recueillir sur la tombe de son époux enterré à Nîmes et que les membres de sa belle-famille ainsi que certains membres de sa famille résident en France. Toutefois, elle a vécu la majeure partie de sa vie au Gabon où elle n'établit pas être isolée. Par ailleurs, elle n'est entrée en France qu'au mois de septembre 2018 et ne justifie d'aucune insertion particulière. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse aurait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité. 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Si la requérante fait valoir que son fils doit pouvoir entretenir des relations avec la famille de son père et notamment avec ses grands-parents qui résident en France, il est constant que l'enfant a vécu au Gabon jusqu'au mois de septembre 2018. Par ailleurs, la décision litigieuse ne fait pas obstacle à ce qu'il entretienne des liens avec les membres de sa famille résidant en France. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier qu'en édictant la décision litigieuse, le préfet aurait méconnu les stipulations précitées.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".

10. En l'espèce, il est constant qu'à la date de la décision litigieuse, le fils de la requérante se trouvait en France depuis plus d'un an et y était scolarisé. Ainsi, à cette date, il y demeurait de façon stable et durable et, par conséquent, résidait en France au sens des dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme A... est dès lors fondée à se prévaloir de ces dispositions.

11. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

12. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet délivre à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ne peuvent ainsi qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du préfet de la Moselle en date du 27 septembre 2019 est annulé en tant qu'il oblige Mme A... à quitter le territoire français.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1908090 du 31 décembre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 20NC00299


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00299
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : CABINET REMY AMSELLEM (SELARL)

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-09;20nc00299 ?
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