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23/07/2020 | FRANCE | N°18NC02146

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 23 juillet 2020, 18NC02146


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Big Habitat a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le titre de recettes n° 325 d'un montant de 4 462,70 euros émis à son encontre le 16 août 2016 par le maire de Marange-Silvange et de la décharger des sommes correspondantes.

Par un jugement no 1605214 du 30 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juillet 2018 et le 7 mars 2019, la SARL Big Habita

t, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Big Habitat a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le titre de recettes n° 325 d'un montant de 4 462,70 euros émis à son encontre le 16 août 2016 par le maire de Marange-Silvange et de la décharger des sommes correspondantes.

Par un jugement no 1605214 du 30 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juillet 2018 et le 7 mars 2019, la SARL Big Habitat, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 mai 2018 ;

2°) d'annuler le titre de recettes n° 325 émis à son encontre le 16 août 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marange-Silvange la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, les premiers juges ayant relevé d'office le moyen tiré de la compétence liée du maire ;

- le maire de Marange-Silvange n'était pas en situation de compétence liée ;

- subsidiairement, la compétence liée ne permettait d'écarter que les moyens de régularité formelle ;

- l'adjoint au maire, signataire du titre de recettes, ne justifie pas d'une délégation à cet effet ;

- le montant du titre de recettes est excessif au regard de la volonté de régularisation de la SARL Big Habitat ;

- le titre de recettes ne comporte aucune indication relative à la liquidation des astreintes, à leur montant et à leur date d'exigibilité ;

- la liquidation de l'astreinte ne tient pas compte de la date de la régularisation sur le terrain alors même qu'elle avait obtenu le 7 juin 2016 une décision de non opposition aux travaux destinés à réaliser le rehaussement de la toiture permettant cette régularisation.

Par un mémoire enregistré le 10 septembre 2018, la commune de Marange-Silvange, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SARL Big Habitat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré du caractère excessif du titre de recettes est inopérant, faute pour le maire de disposer du pouvoir de remise gracieuse ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre de la transition écologique et solidaire qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Big Habitat exploite une activité commerciale sur le territoire de la commune de Marange-Silvange. Par un arrêté du 20 mai 2016, le préfet de la Moselle l'a mise en demeure, sous peine d'astreinte, de procéder, dans un délai de quinze jours, à la dépose de l'enseigne publicitaire installée sur l'immeuble de son siège social. En l'absence de régularisation dans ce délai, constatée par un procès-verbal du 19 juillet 2016, le préfet de la Moselle a invité le maire de Marange-Silvange à recouvrer l'astreinte prévue par l'arrêté de mise en demeure. Ce dernier a donc, le 16 août 2018, émis un titre exécutoire d'un montant de 4 462,70 euros à l'encontre de la SARL Big Habitat. Cette dernière relève appel du jugement du 30 mai 2018, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de ce titre exécutoire et à la décharge des sommes correspondantes.

Sur l'intervention de la commune de Marange-Silvange :

2. La commune de Marange-Silvange, qui a vocation à conserver le bénéfice du montant des astreintes prononcées en application des dispositions du code de l'environnement relatives à la police des enseignes, a intérêt au maintien du jugement attaqué. Il y a lieu, par suite, d'admettre son intervention en défense.

Sur la régularité du jugement :

3. Lorsque le juge déduit des motifs d'une décision administrative ou des pièces du dossier que l'administration se trouvait en situation de compétence liée et écarte l'ensemble des moyens dirigés contre cette décision comme inopérants, il ne relève pas d'office un moyen mais se borne à exercer son office en répondant aux moyens soulevés devant lui. Il en résulte et alors en tout état de cause que le tribunal administratif de Strasbourg a en l'espèce informé les parties, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que son jugement était susceptible d'être fondé sur l'existence de cette situation de compétence liée, que le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier au motif qu'une telle situation ne ressortait pas des pièces du dossier doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article l'art. L. 581-27 du code de l'environnement, dans sa version en vigueur en l'espèce : " Dès la constatation d'une publicité, d'une enseigne ou d'une préenseigne irrégulière au regard des dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, et nonobstant la prescription de l'infraction ou son amnistie, l'autorité compétente en matière de police prend un arrêté ordonnant, dans les quinze jours, soit la suppression, soit la mise en conformité avec ces dispositions, des publicités, enseignes ou préenseignes en cause, ainsi que, le cas échéant, la remise en état des lieux. / Cet arrêté est notifié à la personne qui a apposé, fait apposer ou maintenu après mise en demeure la publicité, l'enseigne ou la préenseigne irrégulière ". En outre, aux termes de l'article L. 581-30 du même code : " A l'expiration du délai de quinze jours, dont le point de départ se situe au jour de la notification de l'arrêté, la personne à qui il a été notifié est redevable d'une astreinte de 200 euros par jour et par publicité, enseigne ou préenseigne maintenue. Ce montant est réévalué chaque année, en fonction de l'évolution du coût de la vie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'astreinte est recouvrée, dans les conditions prévues par les dispositions relatives aux produits communaux, au bénéfice de la commune sur le territoire de laquelle ont été commis les faits constatés ; à défaut par le maire de liquider le produit de l'astreinte, de dresser l'état nécessaire à son recouvrement et de le faire parvenir au préfet dans le mois qui suit l'invitation qui lui en est faite par celui-ci, la créance est liquidée et recouvrée au profit de l'Etat. / L'autorité compétente en matière de police, après avis du maire, peut consentir une remise ou un reversement partiel du produit de l'astreinte lorsque les travaux prescrits par l'arrêté ont été exécutés et que le redevable établit qu'il n'a pu observer le délai imposé pour l'exécution totale de ses obligations qu'en raison de circonstances indépendantes de sa volonté ". Aux termes de l'article R. 581-83 du même code pris pour l'application de ces dispositions : " Le montant de l'astreinte administrative prévue à l'article L. 581-30 est réévalué chaque année dans la proportion de la variation, par rapport à l'indice du mois de janvier 2012, de l'indice des prix à la consommation, hors tabac, de l'ensemble des ménages (série France entière), calculé par l'Institut national de la statistique et des études économiques pour le mois de janvier de l'année considérée ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'astreinte infligée à raison du maintien d'une enseigne irrégulière est due de plein droit à l'expiration du délai de quinze jours à compter de la mise en demeure et est recouvrée par le maire de la commune concernée ou, à défaut, par le préfet de département. Il s'ensuit que le maire, qui agit alors au nom de l'Etat, se borne, lorsqu'il liquide et recouvre l'astreinte, à tirer les conséquences du maintien du dispositif irrégulier malgré l'expiration du délai fixé, sans avoir à porter une appréciation sur les faits de l'espèce. Par ailleurs, la faculté de remise gracieuse dont dispose le préfet postérieurement à la mise en recouvrement n'est pas de nature à modifier le pouvoir d'appréciation du maire. Enfin, le comptable public ne dispose pas, lors de la prise en charge d'un titre de recettes, d'un pouvoir d'appréciation similaire à celui de l'ordonnateur.

6. Il résulte de ce qui précède qu'après avoir pris connaissance du procès-verbal constatant que l'enseigne de la SARL Big Habitat n'avait pas été régularisée dans le délai imparti par l'arrêté du 20 mai 2016, le maire de la commune de Marange-Silvange était tenu d'émettre le titre de recettes en litige. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation sont inopérants et doivent être écartés.

7. En deuxième lieu, le montant de l'astreinte, soit 202,85 euros par jour de retard, tel qu'il figure dans l'arrêté du 20 mai 2016, résulte de l'application combinée des dispositions précitées des articles L. 581-30 et R. 581-83 du code de l'environnement. Alors qu'en tout état de cause, il n'est pas établi qu'une régularisation matérielle de l'enseigne était déjà intervenue à la date du 30 juin 2016 à la faveur de la décision du 6 juin 2016 de non opposition aux travaux de rehaussement de la hauteur du bâtiment, prise sur le fondement des dispositions distinctes du code de l'urbanisme, le moyen tiré de ce que le maire de Marange-Silvange n'a pas correctement liquidé le montant de l'astreinte due en la fixant à la somme de 4 462,70 euros au titre de la période du 9 au 30 juin 2016 doit être écarté.

8. Enfin, il résulte de l'instruction qu'alors qu'une première mise en demeure avait été adressée à la SARL Big Habitat dès le 12 février 2016, celle-ci s'est bornée, jusqu'à l'expiration du délai imparti par la seconde mise en demeure, à se prévaloir de la régularité de l'enseigne avant enfin de présenter tardivement une déclaration de travaux afin de maintenir l'enseigne en modifiant l'immeuble. Alors au surplus qu'il est constant que la SARL Big Habitat n'a pas présenté de demande de remise gracieuse au préfet de la Moselle, le moyen tiré de ce que l'astreinte infligée serait excessive doit, en tout état de cause, être écarté.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL Big Habitat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du titre de recettes émis le 16 août 2018 et à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes.

Sur les frais liés aux instances :

10. Ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, le maire de Marange-Silvange a, en émettant le titre exécutoire contesté, agi au nom de l'Etat et par suite, la commune n'a pas la qualité de partie à l'instance, alors même que son intervention en défense a été admise. Il en résulte que les conclusions de la SARL Big Habitat tendant à ce que soit mise à sa charge, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

11. Pour le même motif, les conclusions présentées par la commune de Marange-Silvange contre la SARL Big Habitat doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la commune de Marange-Silvange est admise.

Article 2 : La requête présentée par la SARL Big Habitat est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Marange-Silvange sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Big Habitat, à la commune de Marange-Silvange et au ministre de la transition écologique et solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

N° 18NC02146 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02146
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-12 Police. Polices spéciales. Police de l`affichage et de la publicité (voir : Affichage et publicité).


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jérôme DIETENHOEFFER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SCP XAVIER IOCHUM

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;18nc02146 ?
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