Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2018 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1801749 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés les 20 décembre 2018, 12 février et 26 juillet 2019, M. D... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2018 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté du 18 juillet 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente de l'instruction une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur l'arrêté pris dans son ensemble :
- l'arrêté est entaché d'un vice de compétence ;
Sur le refus de titre de séjour :
- le préfet a méconnu l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- il a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a omis de saisir la commission du titre de séjour, dès lors qu'il est présent depuis plus de dix ans en France ;
- la décision méconnaît l'article L. 313-14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité du refus de séjour conduit à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- il est excipé de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;
- la décision est insuffisamment motivée.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 février 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., né en 1966 et de nationalité algérienne, est entré régulièrement en France le 30 août 2000 muni d'un visa de court séjour pour motif non professionnel. Le 13 août 2015, M. A... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français à la suite de sa demande de titre déposée le 12 février 2015. Le 9 juillet 2018, l'intéressé a déposé une demande de régularisation en se prévalant de sa présence depuis plus de dix ans en France. Par arrêté du 18 juillet 2018, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de destination. M. D... A... relève appel du jugement du 6 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 18 juillet 2018.
2. Aux termes de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1° au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ".
3. M. A... soutient qu'il réside en France de manière habituelle depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué en faisant valoir qu'il y est entré le 30 août 2000 et s'y est maintenu depuis cette date. Il se prévaut en ce sens de plusieurs attestations justifiant qu'il bénéficiait à compter de l'année 2003 de l'aide médicale d'Etat, prestation corroborée par des ordonnances médicales et des courriers échangés avec les services de la préfecture. Il produit en outre, pour la première fois en appel, des résultats d'examens médicaux et radiographiques, de nombreuses ordonnances médicales, un relevé de carrière de la mutualité sociale agricole établi le 18 octobre 2017 établissant des périodes de travail en tant que salarié agricole couvrant les années 2007 à 2017. M. A... se prévaut, également pour la première fois en appel, d'un courrier de l'inspection du travail du 20 juillet 2019 indiquant, qu'à la suite d'une enquête, les différents éléments recueillis paraissent établir l'existence d'une relation de travail entre M. A... et une société d'exploitation forestière pour la période du 1er janvier 2013 au 31 mai 2019. Eu égard à la nature et au nombre de pièces produites par le requérant, celui-ci doit être regardé comme ayant suffisamment justifié du caractère habituel de sa résidence en France au cours des dix années précédant la décision de refus de séjour litigieuse. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des stipulations précitées du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2018.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que soit délivré à M. A... un certificat de résidence " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sous réserve d'un changement de circonstances de droit et de fait à la date de la nouvelle décision du préfet de la Marne. Il y a lieu, par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Marne de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Maître B....
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 6 novembre 2018 et l'arrêté du préfet de la Marne du 18 juillet 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Marne de délivrer à M. A... un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me B..., avocate de M. A..., en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne
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N° 18NC03418