Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge partielle de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015, assortie des intérêts moratoires prévus par les dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
Par un jugement n° 1701510 du 22 novembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés respectivement le 22 janvier 2019, le 24 octobre 2019 et le 13 août 2020, Mme F..., représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
2°) de prononcer la décharge partielle de l'imposition en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration et les premiers juges ont commis une erreur de droit dès lors qu'elle remplit les conditions pour bénéficier du dispositif d'exonération des bénéfices réalisées dans une zone de revitalisation rurale prévu par l'article 44 quindecies du code général des impôts ; l'opération de reprise des parts en litige respecte les clauses anti-abus de l'article précité ;
- c'est à tort que les premiers juges ont restreint le bénéfice du dispositif de l'exonération de l'article 44 quindecies du CGI à la reprise de plus de 50 % des parts d'une SCP ;
- c'est à tort que l'administration et le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ont considéré que l'exonération prévue à l'article 44 quindecies ne concerne que la SCP et que les éléments d'actifs, dont la clientèle, appartiennent à la SCP et non à ses associés ; elle était éligible à l'exonération de l'article précité dès lors qu'elle a débuté son activité de notaire le 21 juillet 2015 et qu'elle est personnellement identifiée comme entreprise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2019 le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail, et notamment ses articles L. 5141-1 et R. 5141-2 ;
- loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,
- et les observations de Me A... représentant Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte notarié du 25 juillet 2014, Mme B... F... a acquis, auprès de Mme D..., qui est notaire, l 580 des 3 160 parts sociales constituant le capital de la société civile professionnelle " Maîtres Michèle D... et Guillaume C... ", société soumise à l'impôt sur le revenu et qui a pour objet l'exercice en commun de la profession de notaire dont le siège est situé à Le Mesnil-sur-Oger (Marne). Cette cession était accompagnée d'une condition suspensive relative à l'agrément et la nomination aux fonctions de notaire de Mme F... ainsi qu'à l'approbation du retrait de Me D... par le garde des Sceaux, ministre de la justice. Ce retrait ayant été entériné par un arrêté du garde des Sceaux du 30 juin 2015 et Mme F... ayant prêté serment le 21 juillet 2015, Mme F... est devenue à compter de cette date, notaire associée au sein de la SCP, à hauteur de 50 % des parts, et co-gérante avec M. C.... Mme F... a été assujettie à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2015 conformément à sa déclaration initiale. Cependant, par une réclamation du 23 décembre 2016, elle a sollicité le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 quindecies du code général des impôt concernant la part des bénéfices non commerciaux déclarés par la SCP dont elle est devenue membre en 2015, soit la somme de 138.164 euros. Cette demande a été rejetée par une décision de l'administration fiscale en date du 16 juin 2017. Mme F... relève appel du jugement du 22 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge partielle, à hauteur de la somme non contestée de 50 162 euros, de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015, assortie des intérêts moratoires prévus par les dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien fondé de l'imposition :
2. Aux termes du I de l'article 44 quindecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. _ Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, les entreprises qui sont créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2015, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale au sens de l'article 34 ou professionnelle au sens du 1 de l'article 92, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de leur création ou de leur reprise et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. ".
3. Selon le I de l'article 44 quindecies du code général des impôts, au sein de zones de revitalisation rurale dont, en application de l'article 1465 A du même code dans sa rédaction alors en vigueur, le périmètre est défini par décret, les entreprises créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020 bénéficient, sous certaines conditions et dans certaines limites, à raison des bénéfices qu'elles réalisent pendant les quatre-vingt-quinze premiers mois suivant celui de leur création ou de leur reprise, d'une exonération totale puis partielle d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de l'article 129 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 dont elles sont issues, que la reprise d'entreprise ouvrant droit à l'exonération qu'elles instaurent s'entend de toute opération au terme de laquelle est reprise la direction effective d'une entreprise existante avec la volonté non équivoque de maintenir la pérennité de cette entreprise. Par suite, une telle reprise ne suppose pas nécessairement et uniquement la création d'une structure juridiquement nouvelle ou le rachat de plus de 50 % des titres d'une société.
4. Pour rejeter la demande d'exonération présentée par Mme F..., le service a relevé que seule la SCP concernée, en sa qualité d'entreprise, pouvait se prévaloir de l'exonération prévue à l'article précité, que le changement de dénomination de société à compter du 21 juillet 2015 correspondait à une poursuite d'activité sans création d'une structure juridique nouvelle et que par ailleurs l'intéressée n'avait pas acquis plus de 50% des parts de la société concernée. Toutefois, il est constant que Mme F... a effectivement acquis 50 % du capital social de la société civile professionnelle " Maîtres Michèle D... et Guillaume C... ", société de personnes située en zone de revitalisation rurale dans le département de la Marne et dont les bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains de ses associés au prorata de leurs apports en capital. Il résulte également de l'instruction, ainsi qu'il a été dit plus haut au point 1, que Mme F... a commencé son activité de notaire le 21 juillet 2015. En outre, elle a été nommée en qualité de co-gérante à cette même date de la SCP dont elle assure ainsi le contrôle et la direction dès lors notamment que, selon les statuts, elle dispose de 50% des droits de vote dans la société. Il s'ensuit que cette acquisition constitue une opération au terme de laquelle l'intéressée a repris la direction effective d'une entreprise existante avec la volonté non équivoque de maintenir la pérennité de cette entreprise. Dans ces conditions, l'acquisition en litige doit être regardée comme une reprise d'entreprise au sens de l'article 44 quindecies du code général des impôts, éligible par suite à l'exonération prévue par cet article.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme F... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande de décharge partielle de l'imposition en litige.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme F... à l'occasion du litige et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1701510 du 22 novembre 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : Mme F... est déchargée de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015 à hauteur de la somme de 50 162 euros.
Article 3 : L'Etat versera à Mme F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4: Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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N° 19NC00247