Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 27 juin 2018 par laquelle la ministre du travail a confirmé la décision du 16 novembre 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Ocedis à le licencier.
Par un jugement n° 1802328 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2019, M. A... B..., représenté par la SCP Jacquotot Perrot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 juillet 2019 ;
2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 16 novembre 2017 portant autorisation de son licenciement pour motif disciplinaire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de l'inspecteur du travail méconnait l'article L.1232-3 du code du travail dès lors que celui-ci a retenu le second grief qui n'a pas été évoqué lors de l'entretien préalable ;
- le premier grief retenu par l'autorité administrative n'est pas d'une gravité suffisante pour autoriser un licenciement ;
-les agissements de harcèlement moral dont il a été victime constituent une circonstance atténuante au profit du salarié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2020, la société Ocedis, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que M. B... lui verse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par décision du 19 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est salarié de la société Ocedis, qui exploite un magasin sous l'enseigne Auchan, depuis 2013. Il occupe le poste de " manager de rayon - responsable produits de grande consommation " et bénéficie de la protection résiduelle d'ancien délégué du personnel. Le 28 août 2017, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour motif disciplinaire. Par un courrier du 18 septembre 2017, son employeur a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier. Le 16 novembre 2017, l'inspecteur du travail de l'unité départementale des Vosges a fait droit à cette demande. Par une décision du 27 juin 2018, le ministre du travail a pris une décision de rejet du recours hiérarchique, se substituant à la décision implicite de rejet née le 28 mars 2018, et a confirmé la décision de l'inspecteur du travail. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler cette dernière décision du 27 juin 2018. Le tribunal administratif a considéré que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du ministre devaient également être regardées comme dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail du 16 novembre 2017. M. B... relève appel du jugement du 2 juillet 2019, par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur l'étendue du litige :
2. Le requérant, qui sollicite l'annulation du jugement n° 1802328 du tribunal administratif de Nancy qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 16 novembre 2017 et de celle du ministre du 27 juin 2018, doit être regardé, au regard notamment de ses écritures, comme sollicitant également, devant la cour administrative d'appel, l'annulation de ces deux décisions qui ont autorisé son licenciement.
3. En premier lieu, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi.
4. Il ressort des pièces du dossier que le grief évoqué au cours de l'entretien préalable et retenu par l'autorité administrative pour autoriser le licenciement de M. B... est tiré de ce que de " nombreux produits au sein du rayon épicerie avaient des dates d'utilisation optimale dépassées ". En effet, M. B..., en sa qualité de manager de rayon et au regard de son contrat de travail, a la charge de contrôler les dates de péremption des marchandises mises en rayon. Il est constant que, le 21 août 2017, la présence de produits destinés à la consommation humaine dont la date limite d'utilisation optimale (DLUO) était expirée, pour certains depuis plusieurs semaines ou mois, a été constatée au rayon épicerie. Ces faits, qui ont engendré une perte financière pour la société Océdis, se sont déjà produits à deux reprises et ont donné lieu à un avertissement le 15 novembre 2014 et à une mise à pied de M. B... le 24 avril 2017. Quand bien même ces faits s'insèreraient dans un contexte de multiplication des tâches confiées au requérant, comme il le soutient, ils révèlent toutefois les insuffisances de M. B... s'agissant de ses missions en tant que chef de rayon alors que, dans le cadre d'une précédente évaluation professionnelle, une attention particulière lui avait été demandée s'agissant du contrôle des DLUO des produits mis en rayon. Par suite, ce grief constitue, à lui seul, un fait d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. B.... Il suit de là que l'autorité administrative était fondée, sur ce seul motif, à accorder à la société Ocedis l'autorisation de licencier M. B... pour motif disciplinaire.
5. Par suite, le moyen tiré de ce que le second grief retenu par l'inspecteur du travail pour autoriser son licenciement et tiré de carton " retrouvé au sein de la réserve de 1 497,29 euros de chaussettes " n'aurait pas été invoqué lors de son entretien préalable du 8 septembre 2017 avec son employeur, est inopérant.
6. Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail : " Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié (...) pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par un comportement jugé fautif, elle ne peut être légalement accordée si les faits reprochés sont la conséquence d'agissements de harcèlement moral subis par l'intéressé.
7. Si M. B... se plaint du comportement des gérants de l'enseigne à son égard qui seraient, selon lui, constitutifs d'agissements de harcèlement moral à son égard, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces faits seraient la cause de la faute commise par celui-ci.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 2 juillet 2019 du tribunal administratif de Nancy qui a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 16 novembre 2017 et de la décision du 27 juin 2018 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par la société Ocedis au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., à la société Océdis et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
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N° 19NC02416