Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 6 juin 2019 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.
Par un jugement no 1901814 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mai 2020, M. E... B..., représenté par Me Colin-Elphege, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 7 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 juin 2019 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;
3°) d'enjoindre au préfet à titre principal de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire enregistré le 25 juin 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant comorien, né en 1991, est entré en France, en 2016, sous couvert d'un visa Schengen de type C, délivré par les autorités espagnoles, valable du 18 octobre au 7 novembre 2016. Par un arrêté du 20 novembre 2017, le préfet du Doubs a prononcé à son encontre une mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée. Par un courrier du 18 janvier 2019, le requérant a demandé un titre de séjour en se prévalant de sa situation personnelle et familiale. Par un arrêté du 6 juin 2019, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Par un jugement du 7 janvier 2020, dont M. B... fait appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. A l'appui de sa demande, M. B... soutenait notamment que l'obligation de quitter le territoire français méconnaissait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant, qu'il a seulement visé dans son jugement. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier dans cette mesure et à en demander l'annulation en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
3. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. B... dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur le surplus de la requête.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. B... fait valoir, d'une part, que depuis son entrée en France en 2016, il assiste sa mère dans l'éducation de ses frères et soeurs, mineurs, de nationalité française, issus d'une autre union, notamment en participant aux réunions scolaires et en les conduisant chez le médecin, et, d'autre part, qu'étant titulaire d'une licence en génie informatique, il souhaite reprendre des études lorsque sa situation administrative aura été régularisée. Toutefois, il n'est pas établi que la présence de l'intéressé aux côtés de sa mère et des membres de sa fratrie serait nécessaire alors que celle-ci s'est occupée, seule, de ses frères et de sa soeur respectivement jusqu'à leur dix, huit et quatre ans. Si l'intéressé se prévaut du décès de son père en 2000, il n'établit pas, par cette seule circonstance, être dépourvu de toute attache aux Comores où il a vécu l'essentiel de sa vie. L'implication de M. B... au sein de la cellule familiale n'est pas, par elle-même, de nature à établir une intégration particulière de l'intéressé dans la société française. Dans ces conditions, eu égard notamment au caractère récent de son séjour en France, le préfet du Doubs n'a ni entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur de droit, ni porté une atteinte excessive au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet du Doubs ne s'est pas livré à une appréciation manifestement erronée des conséquences du refus de séjour sur la situation personnelle de l'intéressé.
6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. M. B... n'établit pas par les pièces du dossier que sa présence aux côtés de ses frères et de sa soeur serait indispensable à ces derniers alors qu'il a vécu éloigné d'eux pendant plusieurs années ainsi qu'il a été indiqué au point 5. Enfin, rien ne s'oppose à ce que le requérant vienne leur rendre visite. Dès lors, la décision portant refus de délivrance de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'a pas établi l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé. Par suite, l'exception d'illégalité de ce refus, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écartée.
9. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. L'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M. B... ne suffit pas à caractériser une atteinte à l'intérêt supérieur de ses frères et de sa soeur alors qu'il a vécu séparé d'eux durant de nombreuses années. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'a pas établi l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français qui lui ont été opposées par le préfet. Par suite, l'exception d'illégalité de ces décisions, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, doit être écartée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est fondé ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et fixant le pays de destination, ni à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent elles aussi être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 7 janvier 2020 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 6 juin 2019.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Besançon et le surplus des conclusions de la requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.
N° 20NC01136 2