Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant vingt-quatre mois.
Par un jugement n° 1902792 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M. D....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 février 2020, M. E... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902792 du tribunal administratif de Nancy du 30 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 12 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 6° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale en France ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des éléments de vie privée et familiale retenus par le préfet de Meurthe-et-Moselle et de sa durée de vingt-quatre mois.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... D... est un ressortissant marocain, né le 15 décembre 1989. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France au cours de l'année 2012. Le 27 janvier 2017, le requérant a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Rejetée le 22 février 2018 au motif que l'intéressé ne justifie pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de sa fille, cette demande a été réitérée par lui le 29 mai 2019. Toutefois, par un arrêté du 12 septembre 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé à nouveau de délivrer le titre de séjour ainsi sollicité, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant vingt-quatre mois. M. D... a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 12 septembre 2019. Il relève appel du jugement n° 1902792 du 30 janvier 2020, qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui travaille à temps partiel comme mécanicien, est le père d'une petite fille de nationalité française, née le 23 mai 2016, qu'il a reconnue par anticipation le 16 octobre 2015 et qui est issue de sa relation avec une ressortissante française, dont il est aujourd'hui séparé. Dans son jugement du 15 mars 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nancy a conféré aux parents l'exercice partagé de l'autorité parentale, fixé la résidence habituelle de l'enfant chez la mère, accordé au père un droit de visite à l'amiable ou, à défaut d'accord entre les parties, les dimanches des semaines paires de 9 heures 30 à 18 heures, enfin, mis à la charge de celui-ci, sur sa proposition, le versement d'une pension alimentaire de cinquante euros par mois au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Il est constant que l'ancienne compagne de M. D... a été condamnée, le 2 mai 2019, à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi du fait de la non présentation de l'enfant depuis le mois d'août 2018. En outre, il résulte tant de l'attestation de la mère datée du 3 février 2020 que du relevé du livret d'épargne ouvert au nom de sa fille que le requérant s'acquitte mensuellement de son obligation financière de cinquante euros. Dans ces conditions, compte tenu notamment des efforts de M. D... pour se conformer au jugement du juge des affaires familiales du 15 mars 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant de l'intéressé. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et à demander, pour ce motif, son annulation. Par voie de conséquence, les décisions portant respectivement obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour pendant vingt-quatre mois, qui se trouvent privées de base légale, doivent également être annulées.
4. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant sa notification. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de justice :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D... de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1902792 du tribunal administratif de Nancy du 30 janvier 2020 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 12 septembre 2019 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour M. E... D... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
N° 20NC00320 2