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18/03/2021 | FRANCE | N°20NC01497

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 18 mars 2021, 20NC01497


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2020 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2000850 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant l

a cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2020, M. A... F... B..., représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2020 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2000850 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2020, M. A... F... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000850 du tribunal administratif de Strasbourg du 9 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 8 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de condamner l'Etat aux " entiers frais et dépens " et de mettre à sa charge le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée et elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant fixation du pays de destination est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- et les observations de Me D... pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... F... B... est un ressortissant turc, né le 25 novembre 1994. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France, le 24 février 2018, afin d'y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié. Le 31 mai 2018, il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français des réfugiés et apatrides le 26 octobre 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 8 avril 2019. Par courrier du 7 octobre 2019, il a sollicité, par l'intermédiaire de son conseil, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de son mariage à Strasbourg avec une ressortissante française le 22 mai 2018. Toutefois, par un arrêté du 8 janvier 2020, le préfet de Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 8 janvier 2020. Il relève appel du jugement n° 2000850 du 9 juin 2020, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, contrairement aux allégations de M. B..., la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. En particulier, la seule circonstance que le préfet du Bas-Rhin se soit contenté de rejeter la demande de titre de séjour, présentée par l'intéressé sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif qu'il entrait, eu égard à son mariage avec une ressortissante française le 22 mai 2018, dans l'une des catégories précédemment énumérées par cet article, sans se référer expressément au 4° de l'article L. 313-11, n'est pas de nature à caractériser une insuffisance de motivation. Dans ces conditions, la décision en litige doit être regardée comme suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, être accueilli.

3. En deuxième lieu, il ne ressort, ni des motifs de la décision en litige, ni des autres pièces du dossier, que le préfet du Bas-Rhin se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. B.... En particulier, contrairement aux allégations du requérant, le préfet du Bas-Rhin, en se bornant, après avoir rappelé les origines kurdes et alévies de l'intéressé et son statut d'objecteur de conscience, qu'il allègue posséder, à indiquer que " les circonstances invoquées par le requérant tenant notamment à la nécessité d'accomplir son service militaire et à l'impossibilité dans laquelle il pourrait se trouver de revenir en France ne peuvent être regardées comme suffisantes pour la délivrance d'un titre de séjour ", n'a pas entaché la décision en litige d'un défaut d'examen. Par suite, le moyen manque en fait et il doit, dès lors, être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23, L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-29 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) / Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. / Les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur les demandes de visa de long séjour formées par les conjoints de Français et les étudiants dans les meilleurs délais. / Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. ".

5. Il est constant que M. B... n'a pas sollicité son admission au séjour au titre du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte des motifs de la décision en litige que le préfet du Bas-Rhin n'a pas examiné d'office, ainsi qu'il lui était loisible de le faire à titre gracieux, s'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions. Par suite et alors que, au demeurant, il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui est entré irrégulièrement en France et ne justifie pas être en possession d'un visa de long séjour, ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un tel titre de séjour, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. B... se prévaut essentiellement de son mariage, le 22 mai 2018, à Strasbourg, avec une ressortissante française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que son arrivée en France, le 24 février 2018, à l'âge de vingt-trois ans, remonte à moins de deux ans à la date de la décision attaquée du 8 janvier 2020. Son union est récente et les pièces du dossier ne permettent d'attester de l'existence d'une communauté de vie entre les conjoints au plus tôt que le 1er avril 2018. Le requérant, qui n'a pas d'enfant à charge, ne justifie pas posséder sur le territoire français, en dehors de son épouse, des attaches familiales. En se bornant à faire valoir qu'il a suivi des cours de français et à faire état d'une promesse d'embauche en qualité d'aide-cuisinier datée du 2 septembre 2019, il ne justifie pas davantage d'une intégration particulière en France. Il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine où vivent notamment ses parents, deux frères et trois soeurs. Si le requérant fait valoir qu'il s'expose, en cas de retour dans son pays d'origine, à l'obligation d'accomplir un service militaire de douze mois ou, s'il fait valoir son statut d'objecteur de conscience, à une peine de prison prononcée par un tribunal militaire, il ne produit aucun élément probant au soutien de ses allégations, alors que, au demeurant, dans son arrêt du 8 avril 2019, la Cour nationale du droit d'asile a pointé une contradiction dans les déclarations de l'intéressé entre son refus de combattre pour des raisons de conscience et l'aide matérielle qu'il prétend avoir apporté au parti des travailleurs du Kurdistan. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... entretiendrait avec son épouse une relation telle qu'elle ferait obstacle à une séparation, même temporaire, rendue nécessaire par l'obtention auprès des autorités diplomatiques ou consulaires françaises en Turquie d'un visa de long séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.

8. En cinquième et dernier lieu, pour les raisons qui viennent d'être exposées, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, dont serait entachée la décision en litige, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

10. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

11. En deuxième lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

12. En troisième lieu, il ne ressort, ni des motifs de la décision en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Bas-Rhin se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation du requérant avant de fixer la Turquie comme pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen manque en fait et il ne peut, dès lors, être accueilli.

13. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants. ". Et aux termes de l'article 9 de la même convention : " Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. / La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, et à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. M. B... soutient que, en raison de ses origines kurdes et de sa confession alevie, il refuse de porter les armes et l'uniforme militaire et que, en cas de retour en Turquie, il risque, en méconnaissance des articles 3 et 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'être condamné à des peines d'emprisonnement par un tribunal militaire, sans pouvoir bénéficier d'une procédure effective et accessible permettant de prouver son statut d' " objecteur de conscience ". Toutefois, les documents généraux versés aux débats par l'intéressé ne permettent nullement d'établir qu'il serait effectivement objecteur de conscience. Par suite, et alors que, au demeurant, la demande d'asile du requérant a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 8 janvier 2020. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ses conclusions à fin d'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour M. A... F... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

N° 20NC01497 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01497
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : KILINC UMIT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-03-18;20nc01497 ?
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