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18/03/2021 | FRANCE | N°20NC02316

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 18 mars 2021, 20NC02316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... F... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 février 2020 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement no 2001520 du 6 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1

0 août 2020, M. G... F..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... F... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 février 2020 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement no 2001520 du 6 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2020, M. G... F..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif du 6 mars 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2020 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur de son fils en violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions du 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision fixant le pays de destination méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le préfet du Bas-Rhin n'a pas produit de mémoire en défense.

Par un courrier du 13 janvier 2021, la cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la décision du 28 février 2020 par laquelle le préfet a obligé M. F... à quitter le territoire français pouvait être légalement fondée, par substitution de base légale sur les dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au lieu du 7° du même article.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant géorgien, né en 1965, est entré régulièrement en France, le 24 août 2012, accompagné de son fils, A..., alors mineur. Il a déposé une demande d'asile sous le nom de D..., qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 août 2013, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 3 avril 2014. Ses deux demandes de réexamen ont été rejetées par l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 18 avril 2019, faisant suite à deux précédentes mesures d'éloignement prises en 2014 et 2016, le préfet du Bas-Rhin a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutée. Par un arrêt du 8 avril 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la demande du requérant tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif du 29 mai 2019 rejetant sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral. A la suite de l'interpellation de l'intéressé par les services de police, le préfet du Bas-Rhin, par un arrêté du 28 février 2020, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 6 mars 2020, dont M. F... fait appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. M. F... fait valoir qu'il réside en France depuis 2012 avec son fils qui bénéficie d'un récépissé de demande de carte de séjour, renouvelé régulièrement. Si le fils du requérant poursuit des études à Besançon et a bénéficié d'un récépissé de demande de titre de séjour délivré le 14 janvier 2020, il ne ressort, toutefois, pas des pièces du dossier, nonobstant le décès de ses parents, que M. F... n'aurait conservé aucune attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-sept ans et où, selon ses déclarations lors de son audition par les services de police le 28 février 2020, il serait retourné avant de revenir sur le territoire français en 2019. La seule production d'une attestation, au demeurant peu circonstanciée, de son fils, désormais majeur, ne permet pas d'établir l'intensité de leurs liens alors qu'il réside dans des communes différentes. Par ailleurs, le requérant, qui au demeurant ne parle pas le français, n'apporte aucun élément de nature à démontrer une insertion particulière en France. Dans ces conditions, la décision d'éloignement ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts poursuivis par cette mesure. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

4. En deuxième lieu, M. F... ne peut pas utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant relative à l'intérêt supérieur de l'enfant dès lors que son fils était majeur à la date de la décision en litige.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) / 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".

6. S'il n'est pas contesté que M. F... réside depuis plus de trois mois en France, en situation irrégulière, cette circonstance, par elle-même, ne saurait le faire regarder comme constituant une menace pour l'ordre public. Toutefois, si la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions du 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette mesure d'éloignement, motivée par l'irrégularité du séjour de l'intéressé, trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du même article qui peuvent être substituées à celles du 7° dès lors que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver le requérant d'une garantie et que le préfet dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit concernant la base légale de la décision en litige doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant fixant le pays de destination :

7. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

8. Si M. F... fait valoir qu'à la suite du conflit ayant opposé la province d'Ossétie du Sud à la Géorgie, il a été licencié de son emploi de policier en raison de son appartenance à la minorité ethnique des Ossètes et a dû changer de nom en prenant celui de son ancienne épouse, il n'apporte aucun élément probant pour établir qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il encourrait des risques actuels et personnels. A cet égard, les pièces médicales produites par l'intéressé démontrent seulement qu'il a été victime d'un traumatisme crânien, sans permettre d'en imputer l'origine à une persécution en Géorgie. Au demeurant, tant l'OFPRA que la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande d'asile et ses demandes de réexamen au motif que ses déclarations n'étaient pas suffisamment convaincantes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent elles aussi être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... pour M. G... F... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.

N° 20NC02316 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02316
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : ALEVROPOULOU

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-03-18;20nc02316 ?
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