Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 mai 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 mai 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par deux jugements no 1803902 et n° 1803903 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I.- Par une requête enregistrée le 13 mars 2019 sous le n° 19NC00768 et un mémoire complémentaire enregistré le 20 avril 2020, Mme A... E..., épouse D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg no 1803902 du 23 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 mai 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant du refus de séjour :
- l'avis émis par le collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il n'est pas établi que le médecin ayant rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein de ce collège ;
- il n'est pas établi que le collège de médecins se serait prononcé au terme d'une délibération collégiale ;
- l'arrêté en litige a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;
- il a méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est insuffisamment motivée, en particulier au regard des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;
- cette décision, qui l'expose à une aggravation de son état de santé, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 16 avril 2020 et le 2 juin 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2019.
II.- Par une requête enregistrée le 13 mars 2019 sous le n° 19NC00770, M. C... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg no 1803903 du 23 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 mai 2018 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant du refus de séjour :
- le préfet n'a pas examiné sa situation familiale ;
- l'arrêté en litige a méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé au regard de son pouvoir de régularisation ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;
- il a méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est insuffisamment motivée, en particulier au regard des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;
- cette décision, qui l'expose à une aggravation de son état de santé, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 16 avril 2020 et le 2 juin 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 31322, R. 31323 et R. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Wurtz, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... et M. D..., ressortissants albanais, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 18 février 2014. Par deux arrêtés du 9 mai 2018, le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination ils sont susceptibles d'être renvoyés. Mme E... et M. D... relèvent appel des jugements du 23 octobre 2018 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. Les requêtes n° 19NC00768 et n° 19NC00770 présentées respectivement par Mme E... et M. D... concernent la situation d'un couple. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :
En ce qui concerne la décision refusant à Mme E... le bénéfice d'un titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 dudit code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office (...) transmet son rapport médical au collège de médecins. ".
4. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
5. En premier lieu, s'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel est transmis au collège de médecins, ces dispositions prévoient en revanche que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins, et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.
6. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet de la Moselle, en particulier d'un bordereau de transmission établi le 18 avril 2018 par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'attention de la préfecture de la Moselle, que le rapport médical sur l'état de santé de Mme E... prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi le 29 novembre 2017 par un médecin qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis du 4 février 2018. Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège, conformément aux dispositions des articles R. 312-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
7. En deuxième lieu, si Mme E... soutient qu'il n'est pas démontré que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration aurait été émis au terme d'une délibération collégiale, le cas échéant au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle, comme le permettent les dispositions précitées de l'arrêté du 27 décembre 2016, la mention " après en avoir délibéré (...) " figurant dans cet avis implique nécessairement, à défaut d'élément susceptible d'en faire douter, que les membres du collège de médecins ont pu confronter leurs points de vue avant de rendre leurs avis, quand bien même les modalités de ce délibéré ne sont pas précisées. A cet égard, les circonstances que les membres du collège exerceraient dans des lieux éloignés et que l'avis a été émis un dimanche ne sont pas de nature à établir l'absence de collégialité de la délibération. Par suite, le moyen tiré du défaut de délibération collégiale des médecins ayant émis l'avis doit être écarté.
8. En troisième lieu, par son avis émis le 4 février 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de Mme E... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ne ressort des pièces du dossier ni que les deux médicaments prescrits à l'intéressée pour le traitement de son état anxio-dépressif ne pourraient être remplacés par des spécialités disponibles en Albanie ni que la psychothérapie qu'elle a entreprise en France ne pourrait être reprise dans son pays. Dans ces conditions et à supposer que, comme le mentionnent les certificats médicaux produits par la requérante, l'absence de prise en charge de son stress post-traumatique l'exposerait à un risque de décompensation majeure aux conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Albanie. Dès lors le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision refusant à M. D... le bénéfice d'un titre de séjour :
9. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de M. D... avant de lui opposer un refus de titre de séjour.
10. En deuxième lieu, eu égard aux circonstances analysées au point 8, rien ne s'oppose à ce que M. D... retourne avec son épouse en Albanie. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet aurait méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé au regard de son pouvoir de régularisation doivent être écartés.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour assortir les refus de titre de séjour d'obligations de quitter le territoire français.
12. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
13. Eu égard aux circonstances analysées au point 8, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à Mme E... de quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
14. M. D..., qui ne donne aucune précision sur les affections dont il serait atteint, n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français le concernant méconnaîtrait ces dispositions.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
15. En premier lieu, les arrêtés contestés comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles sont fondées les décisions fixant le pays de destination de Mme E... et M. D..., alors notamment que le préfet n'était pas tenu de détailler dans ses arrêtés les raisons pour lesquelles il estimait que les intéressés n'encouraient pas de risques d'être soumis dans leur pays d'origine à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
16. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 8, c'est par une exacte appréciation de la situation de Mme E... que le préfet a fixé l'Albanie comme le pays à destination duquel elle était susceptible d'être éloignée.
17. Enfin, M. D... ne donnant aucune indication sur son état de santé, ainsi qu'il a déjà été dit au point 14, il n'est pas fondé à invoquer les risques que pourrait comporter pour sa santé un renvoi en Albanie.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent ainsi qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes présentées par Mme E... et M. D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Moselle.
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N° 19NC00768-19NC00770