Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 6 décembre 2017 par laquelle l'autorité militaire de deuxième niveau, le général de corps d'armée de la région de gendarmerie Grand Est et la gendarmerie pour la zone de défense et de sécurité Est, a prononcé la sanction du premier groupe de trente jours d'arrêts avec dispense d'exécution à son encontre et d'enjoindre à la ministre des armées, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, de retirer de tous ses dossiers administratifs les pièces relatives à la sanction infligée et d'en donner attestation.
Par un jugement n° 1800604 du 17 juillet 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2019, M. D..., représenté par la Selarl MDMH, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon du 17 juillet 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 6 décembre 2017 par laquelle l'autorité militaire de deuxième niveau, le général de corps d'armée de la région de gendarmerie Grand Est et la gendarmerie pour la zone de défense et de sécurité Est, a prononcé la sanction du premier groupe de trente jours d'arrêts avec dispense d'exécution à son encontre ;
3°) d'enjoindre à la ministre des armées, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de retirer de tous ses dossiers administratifs toute pièce relative à la sanction qui lui a été infligée, de la détruire et d'en donner attestation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- ses agissements, qui relèvent de la maladresse, ne sont pas constitutifs d'une faute ;
- la sanction prononcée est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., première conseillère,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., avocate de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a intégré la gendarmerie mobile de Belfort le 29 janvier 2007. Dans le cadre d'une enquête administrative diligentée par l'inspection générale de la gendarmerie nationale entre le 5 et 27 novembre 2015 en raison d'une plainte déposée par l'un de ses collègues pour des propos contraires à la déontologie, une décision du 1er juin 2016 portant sanction disciplinaire du blâme du ministre a été infligée à M. D..., ainsi qu'à cinq autres de ses collègues. Par jugement du 5 septembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a annulé cette sanction. Par décision du 6 décembre 2017, notifiée le 8 février 2018, une sanction disciplinaire de trente jours d'arrêts avec dispense d'exécution a été infligée au requérant. M. D... fait appel du jugement du 17 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Le considérant 6 du jugement attaqué indique les motifs pour lesquels le tribunal a estimé que la décision de sanction litigieuse n'était pas entachée d'inexactitude matérielle des faits. Par suite, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4137-1 du code de la défense : " Sans préjudice des sanctions pénales qu'ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent : 1° A des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4137-2 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 434-12 du code de la sécurité intérieure : " Le policier ou le gendarme ne se départit de sa dignité en aucune circonstance. En tout temps, dans ou en dehors du service, y compris lorsqu'il s'exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation ". Aux termes de l'article R. 434-27 du même code : " Tout manquement du policier ou du gendarme aux règles et principes définis par le présent code de déontologie l'expose à une sanction disciplinaire en application des règles propres à son statut, indépendamment des sanctions pénales encourues le cas échéant ".
5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis.
6. Pour prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de M. D..., l'autorité militaire de deuxième niveau s'est fondée sur les conclusions d'une enquête administrative diligentée du 2 au 27 novembre 2015 par l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) qui a révélé que ce dernier avait publié sur un réseau de communication électronique social, alors accessible au public sans restriction, des " posts " et des photographies tendancieux et provocants de nature à nuire à la neutralité de la gendarmerie nationale, qu'il a d'ailleurs supprimés lorsqu'il a appris l'existence d'une enquête administrative. En outre, il résulte des tenues vestimentaires portées par l'intéressé sur certaines photos publiées ou des commentaires émis sur ce compte que sa qualité de gendarme était apparente. Ces faits sont établis par les captures d'écran du compte de l'intéressé et par les propres déclarations de ce dernier lors de son audition par les services de l'IGGN. La circonstance que le requérant, qui admet que les photos et/ou commentaires, ont pu faire l'objet de mauvaise interprétation, a agi par maladresse, sans intention de véhiculer une idéologie qu'il ne partage pas, ne saurait ôter le caractère fautif aux agissements en cause, contraires aux dispositions précitées de l'article R. 434-12 du code de la sécurité intérieure. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et qu'ils ne constitueraient pas une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 4137-2 du même code : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les sanctions du premier groupe sont : / (...) e) Les arrêts ; (...) ". Aux termes de l'article R. 4137-33 du même code : " Le sursis est prononcé pour un délai déterminé par l'autorité qui a infligé la sanction. Ce délai ne peut être inférieur à trois mois ni excéder douze mois. En cas de sursis, la sanction de consigne ou d'arrêts n'est ni exécutée ni inscrite, la réprimande, le blâme ou le blâme du ministre n'est pas inscrit. Si le militaire fait, au cours du délai de sursis, l'objet d'une sanction égale ou supérieure à la sanction ayant fait l'objet d'un sursis, il est mis fin au sursis et la sanction non encore exécutée s'ajoute à la nouvelle sanction. Les sanctions assorties d'un sursis ne sont inscrites au dossier individuel que lorsque le sursis est révoqué ".
8. Eu égard à la gravité des faits et aux effets d'une sanction d'arrêts prononcée avec sursis, qui n'est pas inscrite au dossier individuel de l'intéressé, l'autorité disciplinaire n'a pas pris, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, une sanction disproportionnée en décidant d'infliger à M. D... trente jours d'arrêts avec sursis, malgré ses très bons états de service.
9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la ministre des armées.
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N° 19NC02824