Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société de droit portugais Garovito Construções LDA a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2009 à 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 103463 du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.
Par un arrêt n° 17NC02099 du 20 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la société Garovito Construções LDA contre ce jugement.
Par une décision du 7 octobre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour la société Garovito Construções LDA, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 20 novembre 2018 en tant seulement qu'il porte sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos de 2009 à 2011 et a renvoyé l'affaire dans cette mesure devant la même cour.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 août 2017 et des mémoires complémentaires, enregistrés les 17 octobre 2018 et 19 mai 2021, la société Garovito Construções LDA, représentée par Me D..., doit être regardée comme demandant à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 juin 2017 en tant qu'il porte sur les suppléments d'impôt sur les sociétés ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration n'a pas mentionné expressément dans l'avis de vérification qu'elle entendait vérifier l'existence d'un établissement stable en France ;
- l'administration lui a indiqué qu'elle disposait d'un délai de deux mois pour contester la décision de rejet de sa réclamation préalable devant le tribunal administratif, alors qu'en réalité, elle disposait d'un délai de quatre mois ;
- elle ne dispose pas d'un établissement stable en France au sens des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts ; c'est à tort que l'administration a considéré que les opérations qu'elle réalise en France forment un cycle commercial complet ;
- elle ne dispose pas d'un établissement stable en France au sens des stipulations de la convention franco-portugaise ;
- l'administration ne démontre pas l'existence de revenus occultes qui seraient imposables sur le fondement de l'article 111-c du code général des impôts ou de revenus distribués imposables sur le fondement de l'article 109 1-2° du même code ; elle n'établit pas la qualité de maître d'affaire de M. B... ; en tout état de cause, elle n'établit pas que les sommes ont été désinvesties de la société et distribuées à M. B....
Par des mémoires, enregistrés les 27 février 2018 et 12 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par la société requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme C..., désignée en qualité de rapporteure publique, par décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 28 mai 2021 conformément aux articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative,
- et les observations de Me D..., représentant la société Garovito Construções LDA.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2012, l'administration fiscale a notamment considéré que la société Garovito Construções LDA, dont le siège se trouve au Portugal, disposait en France d'un établissement stable non déclaré et a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires réalisé en France au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011. Par un jugement du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de la société tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée consécutifs à ce contrôle. Par une décision du 7 octobre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour la société Garovito Construções LDA, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 20 novembre 2018 en tant seulement qu'il porte sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos de 2009 à 2011 et a renvoyé dans cette mesure l'affaire devant la même cour.
Sur le principe de l'imposition en France :
2. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. ". D'autre part, aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-portugaise du 14 janvier 1971 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable ". Aux termes de l'article 5 de la même convention : " 3. 1) Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2) l'expression " établissement stable " comprend notamment : a) un siège de direction ; b) une succursale ; c) un bureau ; d) une usine ; e) un atelier ; f) une mine, une carrière ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles ; g) un chantier de construction ou de montage dont la durée dépasse douze mois. 3) On ne considère pas qu'il y a " établissement stable " si : a) Il est fait usage d'installations aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison de marchandises appartenant à l'entreprise ; b) Des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison ; c) Des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de transformation par une autre entreprise ; d) Une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins d'acheter des marchandises ou de réunir des informations pour l'entreprise ; e) Une installation fixe d'affaires est utilisée, pour l'entreprise, aux seules fins de publicité, de fourniture d'informations, de recherches scientifiques ou d'activités analogues qui ont un caractère préparatoire ou auxiliaire. 4. Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant, autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, visé au paragraphe 6, est considérée comme " établissement stable " dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que l'activité de cette personne ne soit limitée à l'achat de marchandises pour l'entreprise. 5. Une entreprise d'assurance de l'un des Etats contractants est considérée comme ayant un établissement stable dans l'autre Etat contractant dès l'instant que, par l'intermédiaire d'un représentant n'entrant pas dans la catégorie des personnes visées au paragraphe 6 ci-après, elle perçoit des primes sur le territoire de ce dernier Etat ou assure des risques situés sur ce territoire. 6. On ne considère pas qu'une entreprise d'un Etat contractant a un établissement stable dans l'autre Etat contractant du seul fait qu'elle y exerce son activité par l'entremise d'un courtier, d'un commissionnaire général ou de tout autre intermédiaire jouissant d'un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité. 7. Le fait qu'une société qui est un résident d'un Etat contractant contrôle ou soit contrôlée par une société qui est un résident de l'autre Etat contractant ou qui y exerce son activité (que ce soit par l'intermédiaire d'un établissement stable ou non) ne suffit pas, en lui-même, à faire de l'une quelconque de ces sociétés un établissement stable de l'autre. ".
3. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
4. Il résulte de l'instruction que la société Garovito Construções LDA a facturé au cours des années en litige des prestations de maçonnerie à des sociétés ou des particuliers domiciliés en France, notamment dans la Meuse, et dont la plupart sont des clients habituels de la société. L'administration indique, sans être sérieusement contredite, que la société exerce son activité en France toute l'année ou, à tout le moins, une bonne partie de l'année et qu'elle emploie pour ce faire des salariés. Lors de son audition, menée le 26 septembre 2012 par un contrôleur du travail de la direction du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social dans le cadre d'une procédure de contrôle d'une autre société, M. B..., qui s'est présenté comme l'un des associés de la société requérante, a indiqué que celle-ci employait six à sept salariés à l'année pour son activité en France. Il est par ailleurs constant que la société loue de manière permanente des appartements dans le département de la Meuse afin d'y loger ses salariés. Il n'est, en outre, pas contesté que la société a pris en location un local dans la Meuse afin d'y stocker le matériel utile à son activité et que des véhicules utilisés par la société pour son exploitation en France stationnent dans la cour de ce local. Il résulte, enfin, de l'instruction que la société possède deux comptes bancaires en France qui ont été ouverts par M. B..., pour lesquels ce dernier bénéficie seul d'une procuration et qui mentionnent comme adresse postale le domicile personnel de M. B.... Dans ces conditions et alors même que le gérant de droit de la société, domicilié au Portugal, disposerait également d'un logement en France et qu'il ferait des déplacements réguliers entre la France et le Portugal, la société Garovito Construções LDA doit être regardée comme disposant d'un établissement stable en France et comme exerçant une activité lucrative en France au sens de l'article 209 du code général des impôts. Compte tenu de ce qui précède, la société Garovito Construções LDA doit être regardée comme ayant disposé en France, de façon permanente, d'une installation fixe d'affaires. Il s'ensuit que la société requérante doit également être regardée comme ayant un établissement stable au sens des stipulations précitées des articles 5 et 7 de la convention franco-portugaise. Par suite, l'administration a pu à bon droit assujettir la société requérante à l'impôt sur les sociétés au titre des années litigieuses en application des dispositions combinées du I de l'article 209 du code général des impôts et des stipulations précitées de la convention fiscale entre la France et le Portugal.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. En premier lieu, la circonstance que la décision de rejet de la réclamation préalable adressée à la société le 13 octobre 2015 aurait comporté une mention des voies et délais de recours erronée est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (...) ". Aux termes du III de l'article 95 de l'annexe III au code général des impôts : " Les assujettis établis dans un autre Etat membre de l'Union européenne, qui réalisent des opérations imposables en France ou qui doivent y accomplir des formalités, peuvent désigner un mandataire pour effectuer, sous la responsabilité exclusive de leur mandant, tout ou partie des formalités incombant à ces personnes et, en cas d'opérations imposables, pour acquitter la taxe en leur nom ". L'exercice régulier du droit de vérification de comptabilité suppose le respect des garanties légales prévues en faveur du contribuable vérifié, au nombre desquelles figure notamment l'envoi ou la remise de l'avis de vérification auquel se réfère l'article L. 47 du même livre.
7. D'une part, ni ces dispositions ni aucun autre texte n'obligent l'administration à informer le contribuable, avant la vérification, de la nature des impôts qui feront l'objet de la vérification. L'avis de vérification du 29 octobre 2012 indiquait expressément que le contrôle porterait sur l'ensemble des " déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées " au titre de la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2012 et comportait ainsi les mentions prévues par les dispositions précitées. Par ailleurs, il ressort de la proposition de rectification du 21 décembre 2012 que c'est à la suite du débat oral et contradictoire avec la société Garovito Construções LDA et de l'examen de ses pièces comptables que le vérificateur a fait savoir à la société contribuable que les éléments constitutifs d'un établissement stable en France étaient réunis. Par suite, la circonstance que l'avis de vérification ne mentionne pas que les investigations du vérificateur concerneraient l'existence d'un établissement stable en France et ne se réfère pas au droit de reprise en cas d'activité occulte prévu par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, n'est pas de nature à vicier la régularité des opérations de vérification.
8. D'autre part, la société Garovito Construções LDA soutient que la procédure d'imposition suivie à son encontre était irrégulière dès lors que l'avis de vérification de comptabilité du 29 octobre 2012 n'avait été adressé qu'à la personne qu'elle avait désignée, en application du III de l'article 95 de l'annexe III au code général des impôts, comme mandataire au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, alors que le contrôle avait également porté sur les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés.
9. Il résulte de l'instruction que l'administration a adressé un avis de vérification de comptabilité du 29 octobre 2012 au " représentant de la société Garovito Construções LDA ", à l'adresse déclarée du siège de la société en France. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration n'a nullement adressé le pli à M. B... en sa qualité de représentant légal de la société, le nom de ce dernier ne figurant pas sur l'avis en litige. Si l'adresse à laquelle l'avis de vérification a été adressé est celle du domicile de ce dernier, il est constant que l'administration n'avait connaissance que de cette adresse en France, déclarée par la société Garovito Construções LDA lors du dépôt de ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée. Il s'ensuit que la société requérante, qui a été avertie du contrôle, n'a été privée effectivement d'aucune garantie de procédure attachée à la vérification de comptabilité. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait sur ce point entachée d'irrégularité.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
10. La société requérante soutient que n'ayant pas été invitée à désigner le bénéficiaire des distributions consécutives aux rehaussements de son bénéfice imposable et ne démontrant pas l'appréhension de ces sommes, l'administration ne pouvait regarder M. B... comme le bénéficiaire et l'imposer sur le fondement des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts. Cependant, le fondement légal des impositions mises à la charge de son associé, M. B..., est sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige relatives à l'impôt sur les sociétés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Garovito Construções LDA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Garovito Construções LDA est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Garovito Construções LDA et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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N° 20NC02948