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06/07/2021 | FRANCE | N°20NC00391

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 20NC00391


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 19 mars 2018 par laquelle le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Cormontreuil l'a licencié en fin de stage pour insuffisance professionnelle, ensemble le rejet de son recours gracieux et de condamner le CCAS à lui verser la somme de 80 000 euros.

Par un jugement n° 1900078 du 17 juillet 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes.

Procédure

devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 février 2020 et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 19 mars 2018 par laquelle le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Cormontreuil l'a licencié en fin de stage pour insuffisance professionnelle, ensemble le rejet de son recours gracieux et de condamner le CCAS à lui verser la somme de 80 000 euros.

Par un jugement n° 1900078 du 17 juillet 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 février 2020 et 8 juin 2021, M. C... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 juillet 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 19 mars 2018 par laquelle le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Cormontreuil l'a licencié en fin de stage pour insuffisance professionnelle, ensemble le rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au président du CCAS de Cormontreuil de procéder à un réexamen de sa situation au regard de son droit à titularisation ;

4°) de condamner le président du CCAS de Cormontreuil à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation du préjudice subi ;

5°) de mettre à la charge du président du CCAS de Cormontreuil le versement d'une somme de 4 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'autorité, qui a signé la décision contestée, n'est pas identifiée en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision de refus de titularisation, qui revêt un caractère disciplinaire en l'espèce, devait être motivée ;

- la commission administrative paritaire, qui s'est réunie préalablement au prononcé de la décision litigieuse, était irrégulièrement composée ;

- la décision, qui revêt un caractère disciplinaire, est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été mis à même de faire valoir des observations, d'être assisté d'une personne de son choix et de prendre connaissance de son dossier administratif, malgré les multiples demandes qu'il a adressées ;

- la décision est entachée d'erreur de droit et d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle n'est pas fondée sur son insuffisance professionnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses qualités et compétences professionnelles ;

- l'illégalité des décisions contestées lui a causé un préjudice évalué à 80 000 euros ;

- sa requête n'est pas tardive dès lors qu'il n'a réceptionné la décision du bureau d'aide juridictionnelle que le 16 décembre 2019.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 mars 2021, le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Cormontreuil, représenté par la Selarl Cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel est tardive ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 5 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le décret n°92-849 du 28 août 1992 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été employé par le CCAS de Cormontreuil à compter du 1er mars 2014 comme agent contractuel puis comme agent social stagiaire à compter du 1er décembre 2016 pour exercer des fonctions d'auxiliaire de soins au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Résidence du Bord de Vesle ". Par une décision du 19 mars 2018, le président de ce CCAS a licencié l'intéressé pour insuffisance professionnelle à compter du 24 avril 2018 et l'a radié des cadres à compter de la même date. Par une décision du 2 juillet 2018, le président du CCAS a rejeté le recours gracieux de M. B.... Ce dernier fait appel du jugement du 17 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de ces deux décisions et, d'autre part, à la condamnation du CCAS de Cormontreuil à lui verser la somme de 80 000 € en réparation du préjudice subi.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le CCAS de Cormontreuil :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. ". En vertu de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ce délai est interrompu par une demande d'aide juridictionnelle et un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.

3. M. B... a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 20 août 2019, soit moins de deux mois après la date de notification du jugement attaqué. Cette demande ayant donné lieu à une décision d'admission du bureau d'aide juridictionnelle du 5 décembre 2019, notifiée le 12 décembre 2019 suivant, la requête d'appel, enregistrée au greffe de la cour le 13 février 2020, n'est pas tardive. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le CCAS de Cormontreuil doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article 4 du décret n° 92-849 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents sociaux territoriaux : " Les candidats recrutés en application du 1° de l'article 3 en qualité d'agent social, ainsi que les candidats inscrits sur une liste d'aptitude au grade d'agent social principal de 2e classe et recrutés sur un emploi d'une collectivité ou d'un établissement public sont nommés stagiaires pour une durée d'un an par l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " La titularisation des stagiaires intervient à la fin du stage par décision de l'autorité territoriale au vu notamment d'une attestation de suivi de la formation d'intégration établie par le Centre national de la fonction publique territoriale. Lorsque la titularisation n'est pas prononcée, le stagiaire est soit licencié s'il n'avait pas préalablement la qualité de fonctionnaire, soit réintégré dans son grade d'origine. Toutefois, l'autorité territoriale peut, à titre exceptionnel, décider que la période de stage est prolongée d'une durée maximale d'un an ".

5. M. B..., employé par le CCAS de Cormontreuil, a été nommé agent social stagiaire à compter du 1er décembre 2016 pour exercer des fonctions d'auxiliaire de soins au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Résidence du Bord de Vesle ". A l'issue de son année de stage, aucune décision de titularisation n'a été prise. M. B... conservant ainsi la qualité de stagiaire jusqu'à l'intervention de la décision litigieuse, cette dernière a pour objet non seulement le licenciement de M. B... pour insuffisance professionnelle à compter du 24 avril 2018 mais également le refus de sa titularisation à l'issue de son stage.

6. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire, se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.

7. Il résulte de ce qui précède que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.

8. Il ressort des pièces du dossier que la décision par laquelle le président du CCAS de Cormontreuil a décidé de ne pas titulariser M. B... en qualité d'agent social est motivée par les difficultés relationnelles que rencontrait M. B... avec les résidents de l'établissement, leurs familles ou ses collègues de travail, attestées par la tenue de propos agressifs ou menaçants ou l'adoption de comportements inappropriés. Ces griefs, s'ils sont susceptibles de se rattacher à l'appréciation générale de la manière de servir du requérant pouvant fonder un licenciement pour insuffisance professionnelle, sont aussi de nature à justifier une sanction disciplinaire. Par suite, en application des principes ci-avant rappelés, le CCAS devait mettre à même l'intéressé de présenter ses observations avant de prendre la décision contestée, ce dont il est constant qu'il n'a pas fait. Dès lors, M. B..., qui a été privé d'une garantie, est fondé à soutenir que la collectivité a méconnu le principe du contradictoire et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision du 19 mars 2018 par laquelle le président du CCAS a refusé de prononcer sa titularisation et l'a licencié, ensemble le rejet de son recours gracieux.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 mars 2018 refusant de le titulariser et le licenciant, ensemble le rejet de son recours gracieux du 2 juillet 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Eu égard au motif qui la fonde, l'annulation de la décision du 19 mars 2018 implique que la situation de M. B... au regard de ses droits à titularisation soit réexaminée, après l'avoir mis à même de présenter ses observations. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au président du CCAS de Cormontreuil de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions indemnitaires :

11. En se bornant à solliciter la somme de 80 000 euros en réparation des préjudices subis dans ses conditions d'existence, sans apporter aucune précision, M. B... n'établit pas qu'il a subi un préjudice indemnisable résultant de l'illégalité fautive dont sont entachées les décisions des 19 mars et 2 juillet 2018. Ses conclusions indemnitaires doivent en conséquence être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

12. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont le CCAS de Cormontreuil demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

13. D'autre part, M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., conseil de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge du CCAS de Cormontreuil, qui est la partie perdante à l'instance, le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1900078 du 17 juillet 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, la décision du 19 mars 2018 par laquelle le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Cormontreuil a refusé de titulariser M. B... et l'a licencié pour insuffisance professionnelle et le rejet de son recours gracieux du 2 juillet 2018, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au président du CCAS de Cormontreuil de procéder au réexamen de la situation de M. B... au regard de ses droits à titularisation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le CCAS de Cormontreuil versera à Me A..., avocat de M. B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au CCAS de Cormontreuil.

2

N° 20NC00391


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00391
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Nominations. Titularisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GABON

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-06;20nc00391 ?
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