Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C..., épouse E..., a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2019 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1908603 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juin 2020, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 10 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
s'agissant du refus de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier et complet de sa situation ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- c'est à tort que le tribunal a écarté les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- le préfet n'a pas mis en oeuvre de procédure contradictoire avant de prendre la décision fixant le pays de renvoi ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., de nationalité marocaine née le 20 janvier 1972, est entrée sur le territoire français le 13 août 2016 en qualité de conjointe d'un ressortissant français. Elle a obtenu le renouvellement de son titre de séjour jusqu'au 21 juin 2019. Le 27 mai 2019, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, en faisant valoir sa qualité de victime de violences conjugales. Par un arrêté du 10 octobre 2019, le préfet de la Moselle a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite à l'expiration de ce délai. Mme E... fait appel du jugement du 16 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la demande de titre de séjour présentée par Mme E..., que celle-ci a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en se prévalant uniquement de sa qualité de victime de violences conjugales. Contrairement à ce qu'elle soutient, le préfet de la Moselle a procédé à un examen de sa demande au regard de l'ensemble des éléments caractérisant sa situation portée à sa connaissance. Il n'était nullement tenu de l'examiner d'office sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'aucune demande sur ce fondement n'avait été formulée par l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Mme E..., célibataire et sans enfant, n'était présente en France que depuis un peu plus de trois ans à la date de la décision en litige. Si elle fait valoir qu'elle est bien intégrée en France où elle a travaillé dans le cadre d'un contrat d'insertion et bénéficie d'un logement autonome, cette circonstance n'est pas suffisante à établir que la décision en litige porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale alors qu'elle n'est pas dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans et où résident encore ses frères et soeurs. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressée en France, le préfet de la Moselle n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision litigieuse n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 4, le préfet de la Moselle n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de la requérante et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
6. En premier lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination n'aurait pas été précédée de l'organisation de la procédure contradictoire préalable prévue par les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté comme inopérant.
7. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 4, le préfet de la Moselle n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision fixant le Maroc comme pays de destination sur la situation personnelle de la requérante.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., épouse E..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 20NC01387