Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2000761 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 octobre 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 28 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
s'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'absence de prise en charge de sa pathologie aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié au Kosovo et que les troubles dont il souffre sont en lien avec les faits dont il a été témoin dans ce pays ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que, devant se voir attribuer de plein droit un titre de séjour en application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant kosovar né le 5 août 1990, est entré en France, une première fois, le 30 avril 2016, selon ses déclarations. Le 8 juillet 2016, il a fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Allemagne, responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il a exécuté cette mesure le 4 octobre 2016. Il est ensuite, à nouveau, entré en France irrégulièrement le 10 octobre 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 9 juillet 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 30 janvier 2019. Le 7 juin 2019, M. B... a sollicité son admission au séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 28 novembre 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) "
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. En l'espèce, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé, dans son avis du 1er octobre 2019, que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier que le requérant souffre d'une dépression grave à mélancoliforme nécessitant un suivi psychothérapique et un traitement par antidépresseurs, anxiolytiques et hypnotiques. Pour contester l'avis du collège des médecins de l'OFII selon lequel le défaut de prise en charge ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le requérant produit ses ordonnances ainsi qu'un certificat médical qui se borne à indiquer que son état de santé nécessite un suivi et des soins constants, sans plus de précision. Ces documents ne remettent pas en cause l'appréciation portée par le préfet sur la gravité de l'état de santé de M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. B..., célibataire sans enfant, réside en France depuis octobre 2017, auprès de sa mère, qui est également en situation irrégulière, et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Kosovo où vivent son père et sa soeur. En outre, son frère, dont la demande d'asile était en cours d'instruction à la date de la décision litigieuse, ne bénéficie que d'un droit au séjour provisoire. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet du Bas-Rhin n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision litigieuse n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de séjour ayant été écartés, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.
9. En deuxième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Ainsi qu'il a été dit au point n°5, M. B... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Bas-Rhin ne pouvait pas légalement l'obliger à quitter le territoire français.
10. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 et 7 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peine ou traitements inhumains ou dégradants ". L'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, disposait : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
12. M. B... soutient qu'il craint pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine en raison des menaces dont lui et sa famille ont été victimes de la part d'un criminel qui a violé sa soeur. Toutefois, la seule production de son récit ne permet pas d'établir la réalité et l'actualité des craintes alléguées, alors qu'au demeurant tant l'OFPRA que la CNDA ont rejeté sa demande d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 20NC03038