Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2020 par lequel le préfet de la Moselle a ordonné son assignation à résidence et a pris à son encontre une décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2005785 du 6 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 octobre 2020, M. B... C..., représentée par Me Grodwohl, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 octobre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, d'effacer son signalement dans le fichier européen de non-admission, et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- il n'est pas établi que le jugement attaqué comporte la signature du magistrat désigné et du greffier d'audience ;
- le jugement est entachée d'une erreur d'appréciation.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
- le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'assignation à résidence :
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu du dépôt d'une nouvelle demande de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
- le préfet n'a pas procédé à un examen préalable particulier de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né respectivement en 1980 et de nationalité bosnienne, est entré irrégulièrement en France le 4 septembre 2015 accompagné de son épouse et de ses enfants. A... ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmées par la Cour nationale du droit d'asile. Le 16 février 2017, des mesures d'éloignement ont été prises à leur encontre dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Strasbourg le 31 mai 2017. Le 26 avril 2018, M. et Mme C... ont déposé une demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêtés du 20 février 2020, le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. A la suite d'un contrôle d'identité le 19 septembre 2020, par arrêté du même jour, le préfet de la Moselle a ordonné l'assignation à résidence de M. C... et a pris à son encontre une décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement du 6 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 19 septembre 2020.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la minute du jugement n° 2005785 du 6 octobre 2020 comporte les signatures du magistrat désigné et de la greffière d'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative.
3. En deuxième lieu, les moyens tirés de ce que les premiers juges et le magistrat désigné auraient commis " une erreur d'appréciation ", qui relève du bien-fondé du jugement, est sans incidence sur sa régularité.
4. Il s'ensuit que les moyens tirés de l'irrégularité des jugements de première instance ne peuvent qu'être écartés.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / Sauf s'il n'a pas satisfait à une précédente obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, le présent III n'est pas applicable à l'étranger obligé de quitter le territoire français au motif que le titre de séjour qui lui avait été délivré en application de l'article L. 316-1 n'a pas été renouvelé ou a été retiré ou que, titulaire d'un titre de séjour délivré sur le même fondement dans un autre Etat membre de l'Union européenne, il n'a pas rejoint le territoire de cet Etat à l'expiration de son droit de circulation sur le territoire français dans le délai qui lui a, le cas échéant, été imparti pour le faire. / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. / (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
7. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
8. En premier lieu, pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de la Moselle s'est fondé sur les circonstances que M. C... n'a pas exécuté les mesures d'éloignement qui lui ont été notifiées les 16 février 2017 et 20 février 2020, dont la légalité a été confirmée pour cette dernière par jugement du tribunal administratif de Strasbourg le 7 juillet 2020, et qu'il ne justifie pas de liens intenses et stables sur le territoire français. Le préfet de la Moselle, qui a détaillé le parcours de M. C... depuis son arrivée en France 2015, a par suite pris en considération la durée de sa présence sur le territoire français, l'absence de liens en France et le maintien en situation irrégulière malgré les deux mesures d'éloignement. Dans ces conditions, dès lors que le préfet a apprécié les critères fixés par les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prendre sa décision d'interdiction de retour sur le territoire français, la circonstance qu'il n'est pas fait mention dans l'arrêté attaqué du dépôt par le requérant d'une demande de titre de séjour le 11 septembre 2020, seulement quelques jours avant la date de la décision attaquée, et sans qu'au demeurant ne soit établie la date à laquelle cette demande aurait été réceptionnée par le services de la préfecture, ne caractérise pas un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé.
9. En deuxième lieu, M. C... était en France depuis cinq ans à la date de la décision attaquée. Comme il a déjà été dit précédemment, le requérant ne justifie d'aucun lien social ou familial en France. Il n'est pas démontré que la scolarité de ses enfants ne pourrait se poursuivre dans son pays d'origine où la cellule familiale pourra se reconstituer, son épouse faisant également l'objet de deux mesures d'éloignement. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans. M. C... a déjà fait l'objet de mesures d'éloignement par arrêtés des 16 février 2017 et 20 février 2020 et ne s'y était pas conformé. Une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français avait déjà été prise à son encontre le 21 décembre 2017. En outre, le requérant ne justifie pas de la réalité de menaces personnelles qu'il encourt en cas de retour en Bosnie-Herzégovine. Au demeurant, tous ses recours dans le cadre de sa demande d'asile ont été rejetés par la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, M. C... ne justifie pas de circonstances humanitaires qui pourraient faire obstacle à ce que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. Il s'ensuit que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
10. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, (..) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (..) ".
11. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. C... avait fait l'objet le 20 février 2020, soit depuis moins d'un an, d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité avait été confirmée par le jugement précité du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Strasbourg comme il a déjà été dit précédemment. D'une part, M. C... soutient avoir déposé une demande de titre de séjour le 11 septembre 2020 sans toutefois l'établir. Il ne justifie pas être titulaire d'un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à se maintenir sur le territoire français. L'obligation de quitter le territoire français n'étant pas abrogée, le préfet de la Moselle a pu légalement décider de la mettre à exécution en assignant l'intéressé à résidence. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, ne justifiant pas de la date de dépôt de sa demande de titre de séjour, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de sa situation. Il ne peut non plus soutenir que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 20NC03087