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19/10/2021 | FRANCE | N°21NC00606

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 19 octobre 2021, 21NC00606


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2003389 du 11 février 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2003389 du 11 février 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mars 2021, M. B... A..., représenté par Me Champy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003389 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 11 février 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 2 décembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle lui a été notifiée sans l'assistance d'un interprète et ne lui a pas été traduite dans une langue qu'il comprend ;

- la décision en litige est également entachée d'un vice de procédure dès lors que, en méconnaissance du droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par les principes généraux du droit de l'Union européenne, il n'a pas été mis à même de présenter ses observations ;

- la décision est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant fixation du pays de destination méconnaît le principe du contradictoire garanti par l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et par le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2021, le préfet de

Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 ;

- le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;

- le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... est un ressortissant arménien, né le 16 janvier 1987. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France le 24 janvier 2019. Examinée dans le cadre de la procédure accélérée en application du 1° du premier paragraphe de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 25 septembre 2020, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 17 décembre 2020. Estimant que l'intéressé avait perdu le droit de se maintenir sur le territoire français, conformément aux dispositions du 7° du premier alinéa de l'article L. 743-2 du même code, alors en vigueur, le préfet de

Meurthe-et-Moselle, par un arrêté du 2 décembre 2020 pris sur le fondement du 6° du premier paragraphe de l'article L. 511-1 du même code, alors en vigueur, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. A... a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 2 décembre 2020. Il relève appel du jugement n° 2003389 du 11 février 2021, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, les irrégularités affectant les conditions de la notification d'une décision administrative, si elles peuvent faire obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux, sont, en revanche, sans incidence sur sa légalité. Par suite et alors que, au surplus, aucune disposition législative ou réglementaire ne met à la charge de l'administration de telles obligations, M. A... ne saurait utilement soutenir qu'il n'a pas bénéficié, lors de la notification de la décision en litige, de l'assistance d'un interprète, ni d'une traduction de cette décision dans une langue qu'il comprend.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".

4. D'une part, M. A... ne saurait utilement invoquer une méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui s'adresse uniquement, ainsi qu'il résulte clairement des dispositions en cause, aux institutions, organes et organismes de l'Union. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

5. D'autre part, lorsqu'il présente une demande d'asile, que celle-ci soit examinée ou dans le cadre de la procédure accélérée, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français sur ce fondement, ne saurait ignorer que, en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet, le cas échéant, d'un refus d'admission au séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... n'aurait pas été entendu lors du dépôt en préfecture de sa demande d'asile, ni qu'il aurait été empêché, au cours de l'instruction de cette demande selon la procédure accélérée, de faire valoir auprès de l'administration tous les éléments jugés utiles à la compréhension de sa situation personnelle. Par suite, alors que l'intéressé ne pouvait raisonnablement ignorer que, en cas de rejet de sa demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, il perdrait le droit de se maintenir sur le territoire français et pourrait alors faire l'objet d'une mesure d'éloignement, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes du deuxième alinéa du premier paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, " la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée ". Contrairement aux allégations de M. A..., la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences du deuxième alinéa du premier paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, il ne ressort ni des motifs de la décision en litige, ni des autres pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... au regard de l'ensemble des éléments portés à sa connaissance. Par suite et alors qu'il n'est pas contesté que le requérant n'a pas informé l'administration de ses problèmes de santé préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement litigieuse, le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté.

9. En cinquième et dernier lieu, M. A... ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions, alors en vigueur, du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour contester la légalité de la décision en litige, celle-ci n'impliquant pas, par

elle-même le renvoi de l'intéressé en Arménie.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

10. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

11. En deuxième lieu, M. A... ne saurait utilement invoquer, pour contester la légalité de la décision en litige, les dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983, concernant les relations entre l'administration et les usagers, et celles de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui ont été respectivement abrogées par l'article 5 du décret du 6 juin 2001, pris pour l'application du chapitre II du titre II de la loi du 12 avril 2000 et relatif à l'accusé de réception des demandes présentées aux autorités administratives, et par l'article 6 de l'ordonnance du 23 octobre 2015, relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration. En tout état de cause, à supposer même que le requérant ait entendu se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, il résulte des dispositions des articles L. 512-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'administration signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et les décisions accessoires qui l'accompagnent. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté comme inopérant.

12. En troisième lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est dès lors suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'est présent sur le territoire français que depuis le 24 janvier 2019. Célibataire et sans enfant à charge, il ne justifie d'aucune attache familiale ou personnelle, ni d'une intégration particulière en France. Il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.

15. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

16. Si M. A... fait valoir qu'il craint pour sa vie et sa sécurité en cas de retour en Arménie, il n'apporte, en dehors de son propre récit, aucun élément au soutien de ses allégations. Par suite et alors que, au demeurant, sa demande d'asile a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 2 décembre 2020. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

N° 21NC00606 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00606
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : CHAMPY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-19;21nc00606 ?
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