Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Aube a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n°1902673 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2020, Mme D... E..., représentée par Me Ouriri, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 16 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la sous-préfète de Bar-sur Aube n'avait pas compétence pour signer l'arrêté du 16 juillet 2019 ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision méconnaît le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 314-9 dudit code ;
- la décision viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- dans l'attente du prononcé du divorce, il est dans son intérêt de se voir attribuer une carte de séjour pour pouvoir faire valoir ses droits devant les autorités judiciaires françaises.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- il est excipé de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour ;
- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2021, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Stenger a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... née A..., ressortissante cambodgienne, a épousé le 5 octobre 2015, au Cambodge, M. F... E.... Elle est entrée en France le 9 mai 2016 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité de conjoint de français valable du 20 avril 2016 au 20 avril 2017. Elle a sollicité le 19 mars 2019 le renouvellement du titre de séjour qu'elle avait obtenu sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 16 juillet 2019, le préfet de l'Aube a refusé de lui renouveler le titre de séjour ainsi sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme E... relève appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 16 juillet 2019.
Sur le moyen commun aux décisions attaquées :
2. Mme C... B..., sous-préfète de l'arrondissement de Bar-sur-Aube et signataire de l'arrêté attaqué, a reçu, par un arrêté du 26 avril 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans l'Aube, délégation à l'effet de signer tous actes relevant de la compétence de l'Etat dans le département, à l'exception de certains au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers en cas d'absence ou d'empêchement simultané de la secrétaire générale de la préfecture et de la sous-préfète de l'arrondissement de Nogent-sur-Seine. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces dernières n'auraient pas été absentes ou empêchées le 16 juillet 2019, date de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de sa signataire doit être écarté comme manquant en fait, nonobstant la circonstance qu'ait été seulement indiquée sur l'acte en litige l'absence de la secrétaire générale de la préfecture de l'Aube.
Sur les autres moyens relatifs à la légalité de la décision portant refus de séjour :
3. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...) ". Aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 313-12 de ce même code : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. (...) ". Aux termes de l'article L. 314-9 du même code : " La carte de résident est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition qu'il séjourne régulièrement en France, que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ".
4. Il est constant qu'à la date de la décision attaquée, la communauté de vie entre la requérante et son époux français avait pris fin et que le couple était en instance de divorce, comme l'atteste l'ordonnance de non conciliation rendue le 19 juin 2018 par le juge aux affaires familiales de Troyes. Dans ces conditions, les circonstances que le divorce n'était pas encore prononcé à la date à laquelle a été édicté l'arrêté en litige et que son époux a été condamné à lui verser une pension alimentaire sont sans incidence sur la légalité de cet acte, contrairement à ce que soutient Mme E..., qui au demeurant s'appuie sur ce point sur une référence jurisprudentielle erronée. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, au regard des dispositions précitées des articles L. 313-11 et L. 313-12, que le préfet de l'Aube a refusé de renouveler le titre de séjour qui lui avait été précédemment délivré.
5. Pour les mêmes raisons que celles indiquées au point précédent, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de l'Aube a méconnu les dispositions du 3° de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.
6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Comme il a été dit au point 4 du présent arrêt, Mme E... est séparée de son mari. Elle est sans charge de famille et ne fait état d'aucune insertion particulière dans la société française. En outre, elle n'établit ni même n'allègue être dépourvue d'attaches familiales au Cambodge où elle a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans. Dans ces conditions, la décision en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît ainsi pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.
8. Si Mme E... soutient que, compte tenu de l'ordonnance de non-conciliation précitée, elle doit pouvoir, afin de défendre ses intérêts, demeurer sur le territoire français le temps de la procédure de divorce engagée, la décision contestée ne prive toutefois pas la requérante de la possibilité de faire valoir ses droits en se faisant représenter par un avocat ou, le cas échéant, en sollicitant un visa lui permettant de séjourner en France pour les besoins de la procédure judiciaire et n'est pas de nature à faire obstacle, par elle-même, à ce que cette procédure de divorce suive normalement son cours. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de renouvellement de son titre de séjour en litige la prive de ses droits à la défense doit être écarté.
Sur les autres moyens relatifs à la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme E... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
10. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 7° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française (...) ".
11. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que la communauté de vie entre la requérante et son époux de nationalité français avait cessé à la date de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
12. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 du présent arrêt.
13. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... née A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Aube.
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N°20NC01458