Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés des 13 avril et 17 septembre 2018 par lesquels le maire de la commune de Val de Briey l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire à compter du 1er mai 2018 et lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de vingt-quatre mois à compter du 1er octobre 2018.
Par un jugement n° 1801757, 1803514 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 septembre 2020, 22 octobre et 6 décembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Roth, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2018 lui infligeant la sanction d'exclusion temporaire ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que son moyen relevant de la légalité externe de la décision attaquée avait été présenté plus de deux mois après l'introduction de sa requête et était pour ce motif irrecevable ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- il a établi en première instance que les allégations à son encontre n'étaient pas fondées et qu'il a été victime de harcèlement ;
- il a fait l'objet d'une réintégration qui a conduit à une réduction de ses responsabilités et à une dégradation de ses conditions de travail ;
- la circonstance qu'il ait travaillé durant sa période d'éviction est sans incidence sur le bien-fondé de son action à l'encontre de la mesure disciplinaire attaquée ;
- les conclusions présentées par la commune de Val de Briey sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 mars et 18 novembre 2021, la commune de Val de Briey conclut au rejet de la requête, à la suppression des passages injurieux, outrageants et diffamatoires en vertu de l'article L. 741-2 du code de justice administrative et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du même code.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;
- plusieurs passages du mémoire du 22 octobre 2021 présentent un caractère injurieux, outrageants et diffamatoires pour lesquels la suppression doit être prononcée en vertu de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,
- et les observations de Maître Barbier-Renard représentant la commune de Val de Briey.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., agent de maîtrise principal territorial, responsable d'une équipe du centre technique de la commune de Val de Briey, a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire par arrêté du 13 avril 2018. Après avoir saisi le conseil de discipline, le maire de la commune de Val de Briey a, par un arrêté du 17 septembre 2018, infligé à son agent la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de vingt-quatre mois. M. B... étant en congé de maladie ordinaire du 29 mars 2018 au 17 décembre 2018, le maire a, par arrêté du 12 octobre 2018, procédé au retrait de l'arrêté portant exclusion. Le fonctionnaire ayant été reconnu apte à l'exercice de ses fonctions à compter du 17 décembre 2018, le maire a, par un nouvel arrêté du 10 décembre 2018, exclu M. B... de ses fonctions du 17 décembre 2018 au 16 décembre 2020. M. B... relève appel du jugement du 7 juillet 2020 en tant que le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 17 décembre 2018 lui infligeant la sanction d'exclusion temporaire.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que, dans sa demande enregistrée le 27 décembre 2018, M. B..., n'a invoqué, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision attaquée, qu'un moyen tiré de ce que le dossier disciplinaire présenté devant le conseil de discipline était constitué à charge et a contesté le bien fondé des éléments produits par la collectivité qui l'emploie. Contrairement à ce que soutient le requérant, ce moyen, qui tend à contester la matérialité des faits reprochés, relève de la légalité interne de la décision du 17 décembre 2018. Les moyens de légalité externe, tirés de l'irrégularité de la composition du dossier de saisine du conseil de discipline et de l'insuffisance du délai dont M. B... a disposé pour préparer sa défense, qui ont été présentés par le requérant, dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 19 mars 2020, après l'expiration du délai de recours contentieux, sont fondés sur une cause juridique distincte et constituent une demande nouvelle présentée tardivement. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a écarté ces moyens comme irrecevables.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) / troisième groupe : / la rétrogradation ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; (...) ".
4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. Pour prendre la sanction litigieuse de l'exclusion temporaire de fonctions de vingt-quatre mois, le maire de la commune de Val de Briey s'est fondé, selon les termes de la décision en litige, sur le comportement de l'agent envers son équipe, et notamment sur le fait qu'il a incité à des actes de rébellion, de désobéissance ou d'intimidation, en exerçant sur certains d'entre eux, une pression psychologique. Est également mentionné le motif tiré de ce qu'il a permis aux agents sous son autorité à ne pas effectuer leurs heures de travail et à ne pas réaliser les travaux qui étaient demandés aux services techniques municipaux. Le maire lui reproche également son attitude envers son supérieur hiérarchique direct, son manque de probité et la méconnaissance de son devoir de réserve et de discrétion, ainsi que ses manquements aux règles et procédures fixées par la collectivité. La décision attaquée se fonde enfin sur son attitude générale conduisant à désorganiser les services, ce qui a engendré des coûts supplémentaires à la commune.
6. D'une part, en se bornant à soutenir que la commune de Val de Briey n'établit pas ses allégations et qu'il a été victime de harcèlement moral, le requérant ne conteste pas utilement la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Il ressort au contraire du rapport disciplinaire de saisine du conseil de discipline du 13 juillet 2018, particulièrement détaillé et étayé par plusieurs rapports du directeur général des services et comptes rendus du responsable des services techniques, ainsi que par des témoignages d'usagers et de collègues de M. B..., qui s'appuient sur des faits très circonstanciés et convergents, que l'intéressé a été à l'origine d'une dégradation des conditions de travail et du climat délétère dans la commune, qui ont engendré un état de stress au travail de plusieurs agents, constaté par les psychologues au travail dans un rapport du 4 août 2017. Différents témoignages produits par la commune mentionnent que M. B... exerçait une emprise sur plusieurs agents de son service ou sur ceux du service des espaces verts rattachés de fait au centre technique municipal, qu'il pouvait se montrer menaçant envers plusieurs d'entre eux, notamment en les désignant sous les termes de " traitres " ou de " balance ". Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le requérant a usé de son autorité pour inciter certains d'entre eux à simuler un mal être au travail afin de corroborer ses allégations de harcèlement moral. Il ressort également des éléments produits en défense que des demandes d'intervention d'autres services ou d'associations, auprès des services techniques communaux, sont restées sans réponse ou ont été réalisées avec retard, sur instruction de M. B.... L'intéressé a refusé catégoriquement d'utiliser le logiciel " INFOTECH " de traitement des commandes de travaux adressées aux services techniques et de se rendre à la formation de ce logiciel, faisant ainsi obstacle au calcul du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée sur les travaux en régie. La commune établit en outre, par les pièces qu'elle produit, qui ne sont pas utilement contestées, que M. B... a donné des consignes à ses agents afin de retarder leur prise de service, réduire au minimum leur temps d'intervention journalier, et les a fait intervenir à son domicile, durant une semaine, pendant les heures de service et même au-delà, afin d'y réaliser des travaux à son bénéfice. Enfin, l'intéressé est intervenu auprès de la police nationale, par un courrier sous en-tête de la commune, et a demandé qu'une contravention infligée pour non-respect d'un stop à un agent de ses services soit retirée. L'ensemble de ces faits révèlent un manquement aux obligations professionnelles et aux devoirs d'obéissance, de probité, et de réserve de M. B.... Par suite, et alors même que la manière de servir du requérant a été estimée satisfaisante par sa hiérarchie les années précédant le prononcé de la sanction en litige, l'autorité disciplinaire ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts et a pu à bon droit estimer que les faits reprochés au requérant constituaient une faute de nature à justifier une sanction.
7. Il s'ensuit qu'eu égard à la gravité des faits reprochés, aux fonctions d'encadrement exercées par M. B... et aux conséquences qu'ils ont eu pour certains agents de la commune en grande souffrance, pour l'image des services communaux et pour les finances locales, la commune de Val de Briey n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, infligé une sanction disproportionnée en décidant de prendre à l'encontre de l'intéressé la sanction du troisième groupe de l'exclusion temporaire de fonctions de deux ans.
8. D'autre part, comme l'ont jugé les premiers juges, il ne ressort pas, en tout état de cause, des pièces du dossier que M. B... aurait été victime de harcèlement moral de la part de la nouvelle équipe municipale. Le seul dépôt d'une plainte pour de tels faits, dont les suites éventuellement données par les autorités judiciaires ne sont au demeurant pas précisées en appel par le requérant, ne suffisent pas pour tenir établis les agissements qui auraient été commis par le maire et le directeur général des services de la commune de Val-de-Briey à son encontre. Par suite, la sanction contestée n'est entachée ni d'un détournement de procédure ni d'un détournement de pouvoir.
9. Enfin, les conditions de sa réintégration à l'issue de sa période d'exclusion temporaire de fonction, au 17 décembre 2020, sont sans incidence sur la légalité de la décision prononçant cette sanction.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées par la commune de Val de Briey tendant à la suppression d'écrits injurieux, outrageants ou discriminatoires :
11. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, le juge administratif peut, dans les causes dont il est saisi, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.
12. Les passages dont la suppression est demandée par la commune de Val de Briey n'excèdent pas le droit à la libre discussion et ne présentent pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire. Les conclusions tendant à leur suppression doivent par suite être rejetées.
Sur les frais d'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Val de Briey, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Val de Briey et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à la commune de Val de Briey une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Val de Briey est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Val de Briey.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Lambing, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.
La rapporteure,
Signé : S. LAMBING Le président,
Signé : J. MARTINEZ
La greffière,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne au préfet de Meurthe-et-Moselle en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
2
N° 20NC02648