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08/03/2022 | FRANCE | N°19NC01083

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 08 mars 2022, 19NC01083


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et M. A... C..., agissant en leur nom propre et en leur qualité d'ayants droit de M. B... C..., ont demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier intercommunal " Emile Durkheim " d'Epinal à leur verser les sommes respectives de 50 000 et de 25 000 euros en réparation, d'une part, du préjudice d'anxiété et des troubles dans les conditions d'existence de leur père et grand-père, décédé d'un choc septique résultant des complications liées à une sur-irradiatio

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et M. A... C..., agissant en leur nom propre et en leur qualité d'ayants droit de M. B... C..., ont demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier intercommunal " Emile Durkheim " d'Epinal à leur verser les sommes respectives de 50 000 et de 25 000 euros en réparation, d'une part, du préjudice d'anxiété et des troubles dans les conditions d'existence de leur père et grand-père, décédé d'un choc septique résultant des complications liées à une sur-irradiation par radiothérapie, d'autre part, du préjudice d'affection qu'ils estiment avoir subi du fait de ce décès.

Par une ordonnance n° 1800677 du 14 février 2019, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande pour irrecevabilité manifeste.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 11 octobre 2021, M. D... C... et M. A... C..., représentés par Me Welzer, agissant en leur nom propre et en leur qualité d'ayants droit de M. B... C..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1800677 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Nancy du 14 février 2019 ;

2°) de condamner le centre hospitalier " Emile Durkheim " d'Epinal à leur verser les sommes respectives de 50 000 et de 25 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier " Emile Durkheim " d'Epinal la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'ordonnance de première instance doit être annulée pour irrégularité dès lors que le premier juge a considéré, à tort, que leur demande était entachée d'irrecevabilité manifeste pour défaut de liaison du contentieux et pour méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- traité pour un cancer de la prostate au centre de radiothérapie du centre hospitalier " Jean Monnet " d'Epinal, leur père et grand-père, M. B... C..., a subi des doses excessives d'irradiations, qui sont à l'origine de son décès survenu le 18 mai 2007 ;

- la responsabilité du centre hospitalier n'est plus à démontrer dès lors que la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 2 juillet 2015, a reconnu le lien entre les sur-irradiations et le décès de M. B... C... et a déclaré, en conséquence, le médecin radiothérapeute, dont il était le patient, et le radio-physicien de cet établissement coupables d'homicide involontaire à son encontre ;

- en leur qualité d'ayants droit de M. B... C... et de victimes indirectes, ils sont fondés à réclamer respectivement les sommes de 50 000 et de 25 000 euros, d'une part, au titre du préjudice d'anxiété et des troubles dans les conditions d'existence, dont a été directement victime leur père et grand-père, d'autre part, au titre de leur préjudice d'affection.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2019, la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) et le centre hospitalier intercommunal " Emile Durkheim " d'Epinal, représentés par Me Hocquet-Berg, concluent, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que les prétentions indemnitaires de M. D... C... et de M. A... C... soient ramenées à de plus justes proportions, en tout état de cause, à la mise à la charge des requérants de la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les créances de M. D... C... et de M. A... C... sont prescrites ;

- la demande de première instance est irrecevable pour défaut de liaison du contentieux ;

- la demande de première instance et la requête d'appel sont irrecevables pour méconnaissance des exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- la réalité et l'étendue du préjudice d'anxiété et des troubles dans les conditions d'existence de M. B... C... ne sont pas établis et, en tout état de cause, les sommes réclamées pour ces chefs de préjudice doivent être ramenées à de plus justes proportions ;

- les sommes réclamées par M. D... C... et par M. A... C... au titre de leur préjudice d'affection doivent être ramenées à de plus justes proportions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse,

- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Né le 12 janvier 1923, M. B... C... a été pris en charge par le centre de radiothérapie du centre hospitalier " Jean Monnet " d'Epinal, devenu centre hospitalier intercommunal " Emile Durkheim ", où il a subi, du 11 mai au 17 juin et du 20 juin au 5 juillet 2005, trente-sept séances de radiothérapie pour le traitement de son cancer de la prostate. Il a présenté, le 10 avril 2016, une rectite radique sévère qui, s'aggravant avec l'apparition le 3 janvier 2007 d'une fistule recto-vésicale au niveau supérieur du rectum, a entraîné une dégradation rapide de son état de santé, puis son décès le 18 mai 2007 d'un choc septique. Imputant ce décès à des doses excessives d'irradiations causées par la négligence et l'imprudence du radiophysicien et du radiothérapeute lors de l'utilisation du matériel de radiothérapie, M. D... C... et M. A... C..., agissant en leur nom propre et en leur qualité d'ayants droit de M. B... C..., ont saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal " Emile Durkheim " d'Epinal à leur verser les sommes respectives de 50 000 et de 25 000 euros en réparation, d'une part, du préjudice d'anxiété et des troubles dans les conditions d'existence de leur père et grand-père, d'autre part, de leur préjudice d'affection. Ils relèvent appel de l'ordonnance n° 1800677 du 14 février 2019 qui rejette leur demande pour irrecevabilité manifeste.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. "

3. Il résulte de l'instruction que la requête d'appel de M. D... C... et M. A... C... n'est pas la reproduction intégrale et exclusive des écritures de première instance et qu'elle comporte une critique de l'ordonnance attaquée. En outre, les circonstances que le contentieux n'aurait pas été lié avant la saisine du tribunal ou que la créance serait prescrite sont sans incidence sur la recevabilité de l'appel. Par suite, les fins de non-recevoir opposées par les défendeurs doivent être écartées.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ".

5. Pour rejeter pour irrecevabilité manifeste les conclusions à fin d'indemnisation présentées en première instance par M. D... C... et par son fils, M. A... C..., le premier juge a fait droit aux fins de non-recevoir opposées en défense par la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) et a estimé que, en méconnaissance respectivement des articles R. 411-1 et R. 421-1 du code de justice administrative, la demande des intéressés, d'une part, ne contenait ni exposé des faits et moyens, ni énoncé des conclusions soumises au juge, d'autre part, n'avait pas été précédée de l'intervention de la décision de l'administration sur une demande préalablement formée devant elle.

6. En premier lieu, contrairement aux allégations des défendeurs, la demande de première instance comporte des éléments factuels sur les raisons et sur les circonstances du décès de M. B... C.... Elle comporte également des développements permettant à la cour d'apprécier le fait générateur du dommage, les chefs de préjudice allégués et le lien de causalité entre le premier et les seconds. La circonstance que ces préjudices ne seraient pas suffisamment caractérisés, si elle est susceptible d'affecter le montant de la réparation, s'avère, en revanche, sans incidence sur la recevabilité des conclusions indemnitaires. Par suite, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les requérants agiraient au nom de l'ensemble des victimes des sur-irradiations imputables au centre de radiothérapie du centre hospitalier intercommunal " Emile Durkheim " d'Epinal, la demande de première instance ne méconnait pas les exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge et à ce que soutiennent le centre hospitalier et son assureur.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, par un courrier du 13 septembre 2016, reçu le 16 septembre suivant, dont le centre hospitalier intercommunal " Emile Durkheim " a accusé réception le 21 septembre 2016, et dont il avait été justifié devant le tribunal, M. D... C... et M. A... C..., agissant en leur qualité d'ayants droit de M. B... C... et en leur nom propre, ont adressé à cet établissement, par l'intermédiaire de leurs conseils, une demande préalable d'indemnisation dans laquelle ils sollicitent, notamment, le versement des sommes de 50 000 et 25 000 euros au titre du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi du fait du décès de leur père et grand-père survenu le 18 mai 2007. Par suite, alors même que la copie de ce courrier versée au dossier ne comporte pas la signature manuscrite de leurs auteurs, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative manque également en fait, de sorte que le premier juge ne pouvait se fonder sur le défaut de liaison du contentieux pour rejeter la requête comme irrecevable.

8. En troisième lieu, si les défendeurs entendent se prévaloir d'une prescription de la créance, une telle circonstance serait seulement susceptible d'entacher le bien-fondé des conclusions indemnitaires, et non leur recevabilité.

9. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande pour irrecevabilité manifeste et à demander l'annulation pour irrégularité de cette ordonnance. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nancy pour qu'il statue à nouveau sur la demande des requérants.

Sur les frais de justice :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. D... C... et de M. A... C..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la société hospitalière d'assurance mutuelle et par le centre hospitalier interdépartemental " Emile Durkheim " d'Epinal au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les requérants en application de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1800677 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Nancy du 14 février 2019 est annulée.

Article 2 : M. D... C... et M. A... C... sont renvoyés devant le tribunal administratif de Nancy pour qu'il soit statué sur leur demande.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, au centre hospitalier intercommunal " Emile Durkheim " d'Epinal et à la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM).

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01083
Date de la décision : 08/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-04 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. - Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. - Exécution du traitement ou de l'opération.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : WELZER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-08;19nc01083 ?
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