Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 février 2021 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2100590 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2021, M. A... C..., représenté par Me Scribe, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 18 février 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " tout autre titre qui correspondrait à sa situation " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 1500 sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé et est stéréotypé ;
- le préfet a méconnu l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'il n'a pas pu faire valoir ses observations avant que la décision contestée ne soit édictée ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
La requête a été communiquée au préfet de l'Aube qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Une mise en demeure de produire a été adressé au préfet de l'Aube le 10 novembre 2021.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Stenger.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant arménien, né le 12 avril 1989, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 30 novembre 2007. A compter de 2009, il a bénéficié de plusieurs titres de séjour en qualité d'étranger malade valables du 22 juillet 2009 au 21 juillet 2010, puis du 29 septembre 2010 au 28 septembre 2011. Sa demande de renouvellement du 7 juillet 2011 lui ayant été refusée, il a fait l'objet, le 19 février 2013, d'une première obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre par le préfet du Val-d'Oise à laquelle il n'a pas déféré. Il a sollicité, le 17 janvier 2014, la régularisation de sa situation administrative en invoquant à nouveau son état de santé et a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étranger malade valables du 9 janvier 2014 au 8 janvier 2015, du 21 avril 2015 au 20 avril 2016, du 21 avril 2016 au 20 avril 2017 et enfin du 10 novembre 2017 au 9 novembre 2019. Toutefois, par un arrêté du 18 février 2021, le préfet de l'Aube a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 3 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Il ressort de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 10 juin 2020 que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, son état de santé pouvant en outre lui permettre de voyager sans risques vers son pays d'origine.
4. Il est constant que M. C... a bénéficié en France d'une double transplantation rénale, la dernière greffe ayant été réalisée le 25 mai 2020. Or, il ressort d'un certificat médical du 12 mai 2021, produit pour la première fois en appel, établi par le Dr B..., médecin néphrologue à l'hôpital Saint-Louis de Paris, qui suit le requérant depuis sa première greffe, que ce dernier présente " une cardiopathie hypertrophique post hypertensive et une hyperparathyroïdie secondaire hypercalcémique nécessitant un traitement au long cours par du Cincalcet, traitement majeur pour éviter l'augmentation des calcifications interstitielles sur le greffon rénal ". Il est également mentionné dans ce certificat médical que son " état de santé est incompatible avec un retour dans son pays d'origine où le suivi de cette greffe et l'accès à un traitement antirejet spécifique et agent calcimimétique ne sont pas possibles " et que le traitement antirejet optimum pour l'intéressé n'est disponible qu'en France et que sans ce traitement, en cas de perte du greffon rénal, son pronostic vital est engagé. Dans ces conditions, cette pièce médicale est de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précité. Dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, en se fondant sur cet avis et en mentionnant qu'aucun élément n'est de nature à le remettre en cause, le préfet de l'Aube a méconnu les dispositions du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a entaché d'illégalité le refus de titre de séjour pour raisons de santé opposé à M. C.... En outre, si pour prendre le refus de titre de séjour attaqué, le préfet a également retenu que la présence en France de M. C... représente une menace à l'ordre public, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'eu égard aux condamnations pénales retenues à son encontre et à la nature des infractions en cause, sa présence en France puisse être regardée comme constituant une telle menace. M. C... est par suite fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour prise à son encontre est entachée d'illégalité ainsi que, par voie de conséquence, les décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination.
5. Il résulte de tout ce qui précède et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés dans la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté contesté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Il y a lieu, compte tenu de ce qui précède, d'enjoindre au préfet de l'Aube de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
7. La présente instance n'a pas donné lieu à des dépens. Par suite, les conclusions présentées par M. C... sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2100590 du 3 juin 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 18 février 2021 par lequel le préfet de l'Aube a refusé à M. C... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Aube de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera M. C... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Aube.
N° 21NC01943 2