Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera le cas échéant reconduite.
Par un jugement n° 2000321 du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n°2003101 le 23 octobre 2020, Mme B..., représentée par Me Diop, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 12 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 13 janvier 2020 ;
3°) d'ordonner le réexaminer de sa situation administrative dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les soins nécessités par son état de santé ne sont pas disponibles au Maroc ;
- sa seule famille vit en France ;
- elle est sans emploi et dépourvue de ressources au Maroc ;
- son père était un ancien combattant de l'armée française ;
- l'obliger à quitter la France reviendrait à la condamner à brève échéance ;
- l'absence de soins au Maroc mettra sa vie en danger.
La requête a été communiquée au préfet de la Marne qui a produit des pièces le 31 mars 2022.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 14 et 15 août 1957 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Grossrieder, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 20 mars 1965, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 13 janvier 2020, le préfet de la Marne a refusé de le lui délivrer, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera le cas échéant reconduite. Mme B... relève appel du jugement du 12 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Pour refuser de délivrer à Mme B... un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Marne s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 22 novembre 2019. Selon cet avis, l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, l'intéressée peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il est également indiqué que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a subi entre 2016 et 2018 plusieurs interventions chirurgicales de cures de deux pathologies cancéreuses qui nécessitent désormais un suivi régulier accompagné d'une thérapie psychologique. Pour remettre en cause l'accès effectif aux soins au Maroc, la requérante produit divers certificats médicaux, lesquels, s'ils attestent de la nécessité d'un suivi médical très régulier et multidisciplinaire, ne précisent toutefois pas l'impossibilité d'accès à ces soins au Maroc. La production de certificats médicaux émanant de l'institut Jean Godinot en date du 25 octobre 2016, 29 mai 2019 et 30 septembre 2020, établis à la demande de la requérante, stéréotypés et peu circonstanciés, affirmant que les problèmes de santé de Mme B..., ne peuvent pas bénéficier du suivi indispensable au Maroc sont insuffisants pour remette en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII sur l'accessibilité aux soins. Dans ces conditions, la décision de refus de séjour opposée par le préfet de la Marne à Mme B... n'est pas entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France régulièrement le 24 juin 2014 pour subir des soins pour traiter une récidive de cancer. Si elle se prévaut de ce qu'elle a fixé le centre de ses intérêts en France, qu'elle est démunie et sans ressources au Maroc, ces seuls éléments ne suffisent pas en eux-mêmes à regarder le refus de titre de séjour comme portant au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. De plus, l'intéressée, célibataire sans enfant qui ne démontre pas une quelconque insertion en France, a vécu au Maroc jusqu'à l'âge de 50 ans où réside encore sa mère qui l'a hébergée jusqu'à son arrivée en France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points précédents, l'arrêté en cause n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur ses conséquences sur sa situation individuelle.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
10. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, les documents produits par la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 22 novembre 2019 selon lequel, comme il a déjà été dit, l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, l'intéressée peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié et voyager sans risque vers son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, cette décision n'est pas non plus entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
12. Pour les mêmes raisons que celles précédemment décrites au point 11 du présent arrêt, l'intéressée ne saurait soutenir qu'en l'absence d'une prise en charge adaptée à son état de santé au Maroc, elle y serait victime de traitements prohibés par les stipulations ci-dessus reproduites. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2020 du préfet de la Marne. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Grossrieder, présidente de chambre,
Mme Stenger, première conseillère.
Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 avril 2022.
L'assesseure la plus ancienne,
Signé : L. StengerLa présidente-rapporteure,
Signé : S. Grossrieder
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 20NC03101