Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 19 avril 2021 par lesquels la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, d'une part, a ordonné son transfert aux autorités belges responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2102930 du 29 avril 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés du 19 avril 2021, a enjoint à la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. A... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 mai 2021, la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2102930 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 29 avril 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.
La préfète du Bas-Rhin soutient que le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation des faits et d'une erreur de droit dès lors que l'information prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été donnée au requérant dans une langue qu'il comprend et qu'il a bénéficié d'un entretien individuel conforme aux dispositions de l'article 5 du règlement précité et dans une langue qu'il comprend.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er septembre 2021, M. A..., représenté par Me Gaudron, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'enjoindre à la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de transfert :
- l'information prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 ne lui a pas été donnée dès l'introduction de sa demande d'asile ;
- cette information ne lui a pas été communiquée dans une langue qu'il comprend ;
- il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel conforme aux dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et dans une langue qu'il comprend ;
- la décision de transfert méconnaît les dispositions de l'article 17, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés et les dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
S'agissant de la décision d'assignation à résidence :
- il n'a pas reçu les informations sur les modalités d'exercice de ses droits, sur les obligations qui lui incombent, et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour, en méconnaissance de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'assignant à résidence est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de transfert ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de son caractère disproportionné.
Par un mémoire en réplique enregistré le 25 novembre 2021, la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin, s'oppose au prononcé d'un non-lieu à statuer.
Elle soutient que la circonstance qu'une décision de transfert ne puisse plus être exécutée ne saurait conduire la juridiction à prononcer un non-lieu à statuer, l'acte en cause n'ayant pas disparu de l'ordonnancement juridique à l'expiration du délai de transfert de six mois.
Par ordonnance du 10 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 janvier 2022.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 23 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laubriat a été entendu au cours de l'audience publique.
1. M. A..., ressortissant guinéen, est entré irrégulièrement sur le territoire français. Il a sollicité l'asile en France le 16 mars 2021 auprès des services de la préfecture du Bas-Rhin. La comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes avec le fichier européen Eurodac a permis de constater que ses empreintes avaient déjà été relevées par les autorités belges à l'occasion du dépôt d'une demande d'asile. Les autorités belges, saisies d'une demande de reprise en charge, ont accepté leur responsabilité le 30 mars 2021. Par un arrêté du 19 avril 2021, la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, a ordonné le transfert de M. A... aux autorités belges. Par un second arrêté du même jour, le requérant a fait l'objet d'une décision d'assignation à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours. La préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, fait appel du jugement du 29 avril 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces deux arrêtés.
Sur l'appel du préfet :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. Le premier alinéa de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 572-4 du même code : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 572-1 peut, dans les conditions et délais prévus à la présente section, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 572-2 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office avant l'expiration d'un délai de quinze jours. Toutefois, ce délai est ramené à quarante-huit heures dans les cas où une décision d'assignation à résidence en application de l'article L. 751-2 ou de placement en rétention en application de l'article L. 751-9 a été notifiée avec la décision de transfert ou que l'étranger fait déjà l'objet de telles mesures en application des articles L. 731-1, L. 741-1, L. 741-2, L. 751-2 ou L. 751-9. / Lorsque le tribunal administratif a été saisi d'un recours contre la décision de transfert, celle-ci ne peut faire l'objet d'une exécution d'office avant qu'il ait été statué sur ce recours ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni un sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Comme l'a jugé le Conseil d'Etat dans son avis n° 450341 du 28 mai 2021, dans le cadre d'un recours contre une décision de transfert, l'expiration du délai de transfert, qui a pour conséquence que l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale, prive d'objet le litige. Il appartient au juge saisi de le constater en prononçant un non-lieu à statuer.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel la préfète de la région Grand Est préfète du Bas-Rhin a ordonné la remise de M. A... aux autorités belges est intervenu moins de six mois après l'accord de ces autorités pour sa reprise en charge, soit dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a été interrompu par le recours que M. A... a introduit devant le tribunal administratif de Strasbourg sur le fondement des dispositions, de l'article L. 572-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai a commencé à courir le 30 avril 2021, date à laquelle le jugement du tribunal sur ce recours a été notifié à la préfète du Bas-Rhin. Le délai de transfert étant ainsi expiré à la date à laquelle cette cour statue, la décision de transfert en litige est devenue caduque et ne peut plus être légalement exécutée. Par conséquent, les conclusions aux fins d'annulation du jugement du 29 avril 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg annulant l'arrêté de transfert du 19 avril 2021 sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions de M. A... à fin d'injonction :
6. Il ressort des termes du jugement du 29 avril 2021 que le tribunal administratif de Strasbourg a enjoint à la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin, de réexaminer la demande d'asile de M. A... dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement. Il appartient en conséquence à la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin, d'exécuter ce jugement et de réexaminer la demande d'asile de M. A.... Les conclusions en injonction formulées par M. A... devant la cour, auxquelles il a déjà été fait droit par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg, que l'Etat, sous peine d'une procédure d'exécution, est tenu d'exécuter, étaient donc, dès l'enregistrement de la requête, sans objet et donc irrecevables.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gaudron d'une somme au titre des frais que M. A... aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21NC01311 présentée par la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin.
Article 2 : Les conclusions de M. A... à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Laubriat, président,
- M. Meisse, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.
Le président,
signé
A. LAUBRIATL'assesseur le plus ancien,
signé
E. MEISSE
La greffière,
C. JADELOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
signé
C. JADELOT
2
N° 21NC01311