Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2007517 du 28 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 juin 2021, M. A..., représenté par Me Zimmermann, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités allemandes ;
3°) d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a assigné à résidence ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur l'arrêté de transfert :
- il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel conforme aux dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- la décision de transfert a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 17, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 et de l'article L.742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est, subsidiairement, entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces mêmes dispositions ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Sur l'arrêté portant assignation à résidence :
- il est illégal du fait de l'illégalité de la décision de transfert ;
- il est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation personnelle ;
- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
Par une lettre du 29 juin 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R.611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert aux autorités allemandes, cette décision ne pouvant plus être légalement exécutée compte tenu de l'expiration du délai de six mois prévu à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par une lettre en réponse au moyen d'ordre public enregistrée le 30 juin 2021, la préfète du Bas-Rhin a informé la cour que le transfert aux autorités allemandes de M. A... avait été exécuté le 15 janvier 2021 et qu'il y a donc toujours lieu de statuer sur la requête.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 août 2021, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable car tardive ;
- elle est également irrecevable dès lors qu'elle ne fait que reproduire la demande de première instance ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 17 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 18 octobre 2021.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laubriat a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant nigérian, serait entré en France le 28 août 2020, selon ses déclarations, en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. La comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes avec le fichier Eurodac a permis de constater que ses empreintes avaient déjà été relevées par les autorités allemandes à l'occasion du dépôt d'une demande d'asile. Par un arrêté du 27 octobre 2020, la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, a ordonné le transfert de M. A... aux autorités allemandes. Par un arrêté du 27 novembre 2020, le requérant a fait l'objet d'une décision d'assignation à résidence. M. A... fait appel du jugement du 28 décembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel.
3. Il est constant que le requérant a bénéficié, le 14 septembre 2020, de l'entretien individuel exigé par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il ressort du compte-rendu de cet entretien qu'à supposer qu'il ait été effectivement mené en langue française, sans l'assistance d'un interprète, en méconnaissance de l'obligation prévue par l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... a en tout état de cause compris la portée des informations légales qui lui ont été fournies, a pu utilement présenter des observations et a signé ledit compte rendu en attestant de l'exactitude des renseignements le concernant. Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a relevé, qu'en l'espèce, l'irrégularité éventuelle résultant de l'absence d'interprète n'a pas privé l'intéressé d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 précité, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Par ailleurs, le deuxième alinéa de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur prévoit que : " Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ". Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
5. M. A... se borne à reprendre en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés en première instance, les moyens tirés de ce que la décision de transfert aurait été prise en méconnaissance des articles 17, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013, L.742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg dans son jugement du 28 décembre 2020 et énoncés au point 9 dudit jugement. Pour les mêmes motifs, c'est à bon droit que le premier juge a écarté le moyen tiré de ce que la préfète, en ne faisant pas usage de la clause de souveraineté de l'article 17 précité, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. A... n'était en France que depuis deux mois. S'il se prévaut de la présence de sa compagne, une compatriote résidant régulièrement en France, et de leur fille née le 17 avril 2020, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, mener une vie commune avec sa compagne et sa fille, ni contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de cette enfant. A cet égard, l'attestation produite à hauteur d'appel par la compagne de M. A... est dépourvue de valeur probante. En tout état de cause, eu égard au caractère très récent de son séjour en France, la décision en litige n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, la préfète n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté d'assignation à résidence :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision de transfert n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, M. A... ne saurait se prévaloir par la voie de l'exception de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision portant assignation à résidence.
9. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que, pour assigner M. A... à résidence, la préfète du Bas-Rhin, après avoir visé les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étranges et du droit d'asile alors applicables, a rappelé que l'intéressé fait l'objet d'une décision portant transfert aux autorités allemandes. La décision en litige énonce également que le requérant ne dispose pas des moyens lui permettant de se rendre en Allemagne et qu'il n'a pas la possibilité d'acquérir légalement ces moyens, étant dépourvu de ressources. Enfin, en se bornant à soutenir qu'il n'existe pas de perspective raisonnable d'éloignement, le requérant n'établit pas que la préfète n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle. Cette décision comporte ainsi l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Cette motivation rèvèle en outre un examen approfondi de la situation personnelle de M. A.... Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen sérieux et particulier de la situation de l'intéressé ne peuvent qu'être écartés.
10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Pour ces mêmes raisons, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... doit également être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Laubriat, président,
- M.Meisse, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.
Le président,
signé
A. LAUBRIATL'assesseur le plus ancien,
signé
E. MEISSE
La greffière,
signé
C. JADELOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
signé
C. JADELOT
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N° 21NC01663