Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) CL Conseil et Expertise a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2016, des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des années 2013, 2014 et 2015 et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1807097 du 5 août 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à cette demande en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés de l'année 2015 et une majoration de 80 % relative à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée.
M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les revenus qui leur ont été assignés au titre des années 2013, 2014 et 2015.
Par un jugement numéro 1807099 du 5 août 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à cette demande en ce qui concerne l'année 2013.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 29 octobre 2020, sous le numéro 20NC03162, et des mémoires enregistrés le 7 juin 2021 et 25 avril 2022, la SAS Ciap Invest, venant aux droits de la SELARL CL Conseil et Expertise, représentée par Me Grignard-Gardner, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en tant qu'il n'a que partiellement admis sa demande ;
2°) de la décharger, en droits et pénalités, des impositions laissées à sa charge et de l'amende de l'article 1737 du code général des impôts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le paiement du solde de la facture Borlot est bien intervenu par virement fin décembre 2013 de sorte que la taxe sur la valeur ajoutée de 4 900 euros était bien déductible au plus tard le 7 janvier 2014 date du débit bancaire ; en tout état de cause, la somme de 4 096 euros est bien déductible au 7 janvier 2014 s'agissant du paiement de la somme de 25 000 euros ;
- la facture du 20 août 2014 Orditech n'est pas un faux, elle correspond au bon de livraison du matériel le 20 août 2014, n° 5219, et la taxe est donc déductible ; la facture n'a été réglée qu'en 2016 du fait de problèmes techniques constatés sur l'équipement livré ; la circonstance que la facture remise comporterait un numéro et un taux de taxe sur la valeur ajoutée erronés ne lui est pas imputable et ne saurait établir l'existence d'un faux ;
- les prestations facturées aux clients Isola et Marwo ne sont pas des prestations continues de tenue de compte mais des prestations ponctuelles relatives à la révision des comptes des exercices clos le 30 septembre 2015, ces prestations ont bien été effectuées en janvier 2016 et se rapportent au résultat de cet exercice ;
- les primes de bilan de l'exercice 2015 ont bien été versées aux salariés au cours de l'année 2016 ;
- le serveur informatique ayant bien été acquis auprès de la société Orditech, les amortissements de cette immobilisation sont bien déductibles ;
- c'est à tort que le service a regardé les sommes versées à M. B... en règlement des créances Borlot et TTP comme des revenus distribués sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts alors qu'il est justifié que ces créances lui avaient été cédées ;
- la pénalité pour manœuvre frauduleuse et l'amende de l'article 1737 du code général des impôts ayant assorti les rappels et redressements relatifs au serveur informatique Orditech ne sont pas fondées dès lors que la réalité de l'acquisition de cette immobilisation et l'authenticité de cette facture sont établies.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 28 octobre 2020, sous le numéro 20NC03143, et un mémoire enregistré le 7 juin 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Grignard-Gardner, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;
2°) de les décharger, en droits et pénalités, des impositions laissées à leur charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le service a regardé les sommes versées à M. B... par la société CL Conseil et Expertise en règlement des créances Borlot et TTP comme des revenus distribués sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts alors qu'il est justifié que ces créances lui avaient été cédées.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de commerce ;
- la décision n° 2021-942 QPC du Conseil Constitutionnel du 21 octobre 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... ;
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SELARL CL Conseil et Expertise, dont les bénéfices sont soumis de plein droit à l'impôt sur les sociétés, a pour activité l'expertise comptable et le conseil en gestion de patrimoine. Elle s'est transformée en société par actions simplifiée sous la dénomination de Ciap Invest. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016. Par propositions de rectification des 12 décembre 2016 et 24 avril 2017, le service l'a informée qu'il envisageait, selon la procédure contradictoire de rectification prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, d'effectuer divers rappels et redressements en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés. La société ayant refusé certaines de ces rectifications, elles ont été partiellement maintenues par lettre du 28 août 2017 ainsi qu'à la suite d'une entrevue avec le supérieur hiérarchique du 21 décembre 2017. Les impositions supplémentaires, assorties pour certaines de pénalité pour manœuvres frauduleuses et d'une amende, ont été mises en recouvrement le 8 juin 2018. La réclamation formée par la société contre ces impositions a été rejetée par l'administration le 24 septembre 2018. M. D... B..., gérant de la SELARL CL Conseil et Expertise, a été regardé comme le bénéficiaire de de revenus réputés distribués sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts à raison de sommes qui lui ont été versées par cette société. Les rehaussements envisagés à ce titre par le service ont été portés à sa connaissance par propositions de rectification des 12 décembre 2016 et 3 mai 2017 selon la procédure contradictoire de rectification. M. B... ayant refusé partiellement ces rectifications, elles sont été confirmées par lettre du 14 septembre 2017. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ont été mis en recouvrement les 31 juillet et 31 août 2018. La réclamation formée par M. B... contre ces impositions a été rejetée 24 septembre 2018. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, la SAS Ciap Invest et M. B... relèvent appel des jugements du 5 août 2020 par lesquels le tribunal administratif n'a que partiellement fait droit à leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions.
Sur les impositions laissées à la charge de la SELARL CL Conseil et Expertise :
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période en litige : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) / 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué... 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits... ".
S'agissant de la taxe déductible ayant grevé la facture Borlot :
3. Il résulte de l'instruction que la société requérante a déduit le 27 décembre 2013, à hauteur de 4 900 euros, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé une note d'honoraires de 25 000 euros hors taxes (HT) et 29 900 euros toutes taxes comprises (TTC) émise le 27 décembre 2013 par la société Borlot sous le numéro 1789. Il ressort de ce document qu'un acompte de 4 900 euros avait été versé au cours de l'année 2012 de sorte que le solde à régler s'élevait à la somme TTC de 25 000 euros. Il ressort du relevé de compte bancaire produit par la société requérante que ce solde de 25 000 euros a été réglé par elle seulement le 7 janvier 2014 ainsi que le reconnaît le ministre en défense. En vertu des règles ci-dessus rappelées la société requérante n'était pas fondée à déduire la somme de 4 900 euros de taxe sur la valeur ajoutée le 27 décembre 2013 dès lors que le droit à déduction n'était pas encore né en l'absence de règlement et c'est à juste titre que l'administration en a effectué le rappel. En revanche, elle est fondée à soutenir, sur le fondement de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, qu'elle était en droit d'opérer au titre du mois de janvier 2014 la déduction de la somme de 4 096 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le paiement du solde des honoraires litigieux à hauteur de 25 000 euros TTC. Par suite, la SAS Ciap Invest est fondée à demander la décharge de la somme de 4 096 euros de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois de janvier 2014.
S'agissant de la taxe déductible ayant grevé l'acquisition de l'immobilisation Orditech :
4. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et 205 et suivants de l'annexe 2 au même code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.
5. La société requérante a comptabilisé le 20 août 2014 pour la somme de 40 269 euros TTC par le débit des comptes " Matériel informatique " et " Taxe sur la valeur ajoutée déductible sur immobilisation " et par le crédit du compte fournisseur Orditech, l'acquisition d'une immobilisation présentée comme étant un serveur informatique portant la référence PY RX 200 XEON ES 2620 64GB. Afin de justifier de cette écriture, la société requérante a produit une facture n° 3356 du 16 avril 2014 présentée comme émanant du fournisseur Orditech, mentionnant une taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6 %, ainsi qu'un bon de livraison n° 5219 mentionnant une date de livraison du 20 août 2014. Elle soutient avoir réglé cette acquisition le 15 août 2016 par chèque. L'administration a toutefois constaté au sein de la société Orditech, dans le cadre de l'exercice du droit de communication, que cette société n'avait pas établi de facture portant ce numéro et pour ce montant à destination de la société requérante mais que la facture portant le numéro 3356, datée de l'année 2011, concernait un autre client pour la somme de 3 887,39 euros TTC. Elle a en en outre constaté que la société Orditech avait émis une facture n° 6980 du 30 avril 2015 de livraison du même matériel informatique pour la somme de 40 269,60 euros TTC au taux de taxe sur la valeur ajoutée de 20 % à destination de la société Grenke Location dans le cadre d'un contrat de crédit-bail dont la société CL Conseil et Expertise était le preneur mais qui a été comptabilisée par erreur dans le compte client de CL Conseil et Expertise. L'administration a effectivement constaté que la société requérante avait comptabilisé les loyers afférents à ce contrat de location du 4 mai 2015. L'administration a déduit de ces constatations que la facture n° 3356 du 16 avril 2014 était fictive et avait permis à la société requérante de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée et des annuités d'amortissement sans justification.
6. La société requérante entend expliquer ces constatations par l'acquisition auprès de la société Orditech de deux serveurs informatiques différents, l'un acquis sur fonds propres le 20 août 2014, ayant donné lieu à la facture 3356, l'autre financé en 2015 par crédit-bail ayant donné lieu à la facture n° 6980. Afin d'en justifier elle produit un procès-verbal de constat d'huissier de justice, établi le 29 octobre 2018, faisant état de différents courriels de la société Orditech et comportant deux bons de livraison émanant de cette société de nature, selon elle, à établir la livraison effective de ces deux matériels. Elle justifie également du débit d'un chèque de 40 269, 60 euros le 26 octobre 2016 au profit de la société Orditech, présenté comme le règlement de la facture 3356, postérieurement à l'échéance du 16 mai 2014, du fait d'un litige s'étant élevé entre les parties concernant la conformité de l'équipement. L'examen des deux bons de livraison, lesquels concernent exactement le même matériel, fait toutefois apparaître que celui présenté comme ayant été établi le 20 août 2014 porte le numéro 5219, tandis que celui présenté comme ayant été établi le 30 avril 2015 porte le numéro 5220. Or, il n'est pas vraisemblable que la société Orditech n'aurait livré aucune marchandise à aucun client durant la totalité de la période comprise entre le 20 août 2014 et le 30 avril 2015. Il y a également lieu de relever que le constat d'huissier ne fait pas mention de l'existence physique dans les locaux de la société requérante des deux serveurs informatiques qui devraient s'y trouver selon elle. Dans ces circonstances, compte tenu de l'ensemble des éléments relevés par l'administration et notamment des éléments établis par le vérificateur dans le cadre du droit de communication et eu égard au manque de cohérence des justifications avancées par la société requérante, l'administration doit être regardée comme établissant que la facture n° 3356 du 16 avril 2014 ne correspond pas à la livraison de l'immobilisation qui y est mentionnée et a pu à juste titre refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur cette facture pour un montant de 6 711,60 euros.
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
S'agissant des clients Isola et Marwo :
7. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1 (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apports et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés (...) 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : a. Pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution ".
8. La société requérante a facturé et comptabilisé au titre de l'exercice 2016 des factures du 20 janvier 2016 de prestations de révision des comptes des exercices clos le 30 septembre 2015 des sociétés Isola, pour la somme de 10 200 euros HT, et Marwo, pour la somme de 5 750 euros HT. Afin de rattacher les produits correspondant à ces deux factures au résultat de l'exercice 2015, la période vérifiée en matière d'impôt sur les sociétés ayant pris fin le 31 décembre 2015, le service s'est fondé sur la circonstance que ces prestations de nature continue auraient été nécessairement réalisées au cours de l'année 2015, les clients devant obligatoirement déclarer leurs résultats avant le 31 décembre de cette année. Par ces seuls éléments, l'administration, à qui incombe la charge de la preuve du bien-fondé de ces redressements, effectués selon la procédure contradictoire de rectification et concernant des produits, n'établit pas l'inexactitude des écritures comptables litigieuses. Par suite, la société requérante est fondée à demander que la somme de 15 950 euros soit déduite de son bénéfice imposable de l'année 2015.
S'agissant des primes de bilan :
9. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges celles-ci comprenant notamment 1° les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre (...)/Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. / 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à la condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice et figurent au relevé des provisions prévu à l'article 54 ". Il résulte de ces dispositions que les dépenses de personnel non encore réglées à la clôture d'un exercice ne peuvent être déduites des résultats de cet exercice qu'à la condition que l'entreprise ait pris à l'égard de salariés des engagements quant au principe et au mode de calcul des sommes dues. Ces dépenses font partie des " frais à payer " lorsque l'obligation de leur versement est certaine et elles peuvent donner lieu à la constitution de provisions lorsque la nécessité de les régler apparaît probable à la clôture de l'exercice.
10. L'administration a réintégré dans le bénéfice imposable de l'année 2015 les provisions comptabilisées à hauteur de 163 525 euros par la société requérante au titre des exercices 2013, 2014 et 2015 pour le paiement de primes de bilan et des charges sociales correspondantes après avoir constaté qu'aucune prime de ce type n'avait été versée aux salariés au cours de la période vérifiée. La société requérante fait valoir que les dotations comptabilisées le 31 décembre 2015 d'un montant total de 53 525 euros ont donné lieu à des versements aux salariés au cours de l'année 2016 et produit afin d'en justifier les bulletins de salaire et les copies des chèques remis aux salariés concernés. Il ressort de ces pièces ainsi que de la proposition de rectification que certaines de ces sommes ont été versées à des salariés qui ne faisaient pas partie de l'effectif de l'entreprise au cours de l'exercice 2015 ce qui exclut qu'elles puissent être admises en déduction au titre de cet exercice en l'absence de travail effectif. S'agissant des sommes versées aux salariés présents au cours de l'exercice 2015, la société requérante n'est en mesure de faire état, à la clôture de cet exercice, d'aucun engagement de sa part quant au principe et au mode de calcul de primes de bilan. Par suite, c'est en faisant une exacte application des règles ci-dessus rappelées que l'administration a refusé la déduction de la somme de 53 525 euros au 31 décembre 2015.
S'agissant des amortissements de l'immobilisation Orditech :
11. Il résulte des dispositions du 2° du 1 de l'article 39 du code général des impôts que figurent parmi les charges déductibles du résultat : " les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation ".
12. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la SELARL CL Conseil et expertise n'a pas acquis un serveur informatique de la société Orditech en 2014, la facture du 16 avril 2014 étant fictive. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'amortissement de cette immobilisation inexistante figurant dans les écritures comptables de la société au titre des exercices clos en 2014 et 2015.
S'agissant des revenus réputés distribués :
13. Aucune imposition n'a été assignée à la société requérante à raison des revenus réputés distribués entre les mains de M. B... son gérant à raison des sommes qui lui ont été versées. Par suite, comme le soutient le ministre, les moyens invoqués par la société requérante, tirés de ce que ses sommes ne constitueraient pas des rémunérations occultes au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts, sont inopérants.
En ce qui concerne les pénalités et l'amende :
14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses... ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; 2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle ".
15. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société requérante n'a pas acquis une immobilisation informatique auprès de la société Orditech au cours de l'année 2014 et que la facture du 16 avril 2014 produite afin d'en justifier n'est pas authentique. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la pénalité pour manœuvre frauduleuse et l'amende prévue à l'article 1737 ne seraient pas justifiées au motif que la réalité de l'acquisition du matériel et l'authenticité de la facture seraient établies.
Sur la situation de M. B... :
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
16. Aux termes de l'article 108 du code général des impôts : " Les dispositions des articles 109 à 117 fixent les règles suivant lesquelles sont déterminés les revenus distribués par :/1° Les personnes morales passibles de l'impôt prévu au chapitre II du présent titre ". Aux termes du c) de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ".
17. D'abord, il résulte de l'instruction que la société CL Conseil et Expertise a comptabilisé au cours de l'exercice 2015 deux factures d'honoraires du fournisseur Borlot s'élevant à 34 500 euros TTC chacune. Le compte du fournisseur Borlot a été débité de cinq virements formant le total de 69 000 euros en règlement de ces factures dont l'administration a établi, à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès de l'établissement bancaire, que le bénéficiaire en avait été en réalité M. B..., gérant et associé de la société. Alors que la comptabilité de la société CL Conseil et Expertise a ainsi dissimulé le destinataire réel des virements bancaires qu'elle avait effectués, M. B... entend néanmoins justifier l'encaissement de ces sommes en produisant une convention, présentée comme ayant été signée le 8 juillet 2015, par laquelle la société Borlot, en présence du débiteur cédé la société CL Conseil et Expertise, représentée par M. B..., aurait cédé à ce dernier la créance qu'elle détenait sur sa cliente. Cette cession de créance est présentée comme ayant pour cause le projet de la société Borlot d'acquérir certains des mandats de commissaires aux comptes que détenait M. B.... Si la convention datée du 8 juillet 2015 a bien été produite le 14 février 2017 par la société Borlot en réponse au droit de communication effectué auprès d'elle par le service et si la comptabilité de cette société paraît retracer une telle opération de cession de créance, ces éléments ne sont pas pour autant de nature à établir la réalité et la date de cette cession de créance en l'absence de date certaine, de sa comptabilisation correcte au sein de la société CL Conseil et Expertise et de l'absence de justification du motif qui aurait poussé la société Borlot à céder sa créance à l'intéressé, la cause ou la contrepartie de cette cession n'étant même pas mentionnée dans la convention produite. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a regardé l'encaissement par M. B... de la somme de 69 000 euros versée par la société CL Conseil et Expertise comme une rémunération occulte au sens des dispositions ci-dessus reproduites, imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
18. Ensuite, il résulte de l'instruction que le compte créditeur du fournisseur d'immobilisations TTP dans les écritures de la société CL Conseil et Expertise a été débité de deux virements des 8 avril et 17 juin 2015 pour la somme totale de 29 300 euros dont l'administration a établi, à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès de l'établissement bancaire, que le bénéficiaire en avait été en réalité M. B.... Alors que la comptabilité de la société CL Conseil et Expertise a ainsi dissimulé le destinataire réel des virements bancaires qu'elle avait effectués, M. B..., afin de justifier de l'encaissement de ces sommes, soutient qu'il détenait sur le gérant de la société TTP, M. A..., une créance de remboursement d'un prêt de 29 300 euros qu'il aurait cédée à la société TTP de laquelle il serait ainsi devenu le créancier du paiement du prix de la créance qu'il venait de céder. Il soutient que par convention du 20 mars 2015 il aurait cédé sa créance sur la société TTP à la société CL Conseil et Expertise de laquelle il serait ainsi devenu le créancier pour le paiement du prix de la créance. Si cette convention du 20 mars 2015 a été produite au cours de l'année 2017 en réponse au droit de communication exercé par l'administration, cet élément n'est pas pour autant de nature à établir la réalité et la date de cette cession de créance en l'absence de date certaine, de production de la première convention par laquelle M. B... aurait cédé sa créance détenue sur M. A... à la société TTP, ni même de la justification d'une créance de M. B... envers M. A.... Par suite, c'est à juste titre que l'administration a regardé l'encaissement par M. B... de la somme de 29 300 euros versée par la société CL Conseil et Expertise comme une rémunération occulte au sens des dispositions ci-dessus reproduites, imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
En ce qui concerne les pénalités :
19. M. B... ne conteste les majorations pour manquement délibéré qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts que dans la mesure où il conteste le bien-fondé des impositions. Par suite, le moyen sera écarté par les motifs ci-dessus exposés.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la société CL Conseil et Expertise est seulement fondée à demander les réductions en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés conformément aux motifs ci-dessus énoncés et la réformation dans cette mesure du jugement attaqué. M. B... n'est, en revanche, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à titre principal dans ces instances, verse à M. B... et à la société Ciap Invest une somme au titre des frais exposés par eux.
D E C I D E :
Article 1er : La société Ciap Invest est déchargée de la somme de 4 096 euros de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois de janvier 2014.
Article 2 : Il est déduit du bénéfice imposable de la société Ciap Invest au titre de l'année 2015 la somme de 15 950 euros.
Article 3 : La société Ciap Invest est déchargée du supplément d'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes établis au titre de l'année 2015 dans la mesure de la réduction de base prononcée à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le jugement n° 1807097 du 5 août 2020 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Ciap Invest est rejeté.
Article 6 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Ciap Invest, à M. et Mme B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AGNELLe président,
Signé : J. MARTINEZ
La greffière,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
N°s 20NC03143 et 20NC03162
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