Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2107949 du 9 mars 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 mars 2022, M. A..., représenté par Me Kilinç, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2021 de la préfète du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne pourra pas bénéficier d'une procédure de regroupement familial ;
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par ordonnance du 13 avril 2022, la clôture a été fixée au 18 mai 2022.
Un mémoire présenté pour la préfète du Bas-Rhin a été enregistré le 6 septembre 2022, postérieurement à la clôture d'instruction, n'a pas été communiqué.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 27 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Marchal, conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. M. A..., ressortissant turc né le 16 janvier 1982, est régulièrement entré en France le 23 septembre 2018. Le 21 janvier 2021, il a présenté une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 27 octobre 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. A... fait appel du jugement du 9 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté litigieux :
2. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Il ressort des pièces du dossier M. A... est marié, depuis le 1er septembre 2020, à une compatriote résidant régulièrement en France avec laquelle il a eu un enfant le 5 avril 2020. L'épouse de M. A... est toutefois également mère de deux enfants issus d'une précédente relation et disposant de la nationalité française. L'épouse de M. A..., qui séjourne régulièrement en France depuis 2004, contribue de manière effective à l'entretien et à l'éducation de ses deux de nationalité française, ainsi qu'en témoigne la délivrance à l'intéressée, depuis plusieurs années, d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Dans ces conditions, l'arrêté litigieux conduirait nécessairement soit, dans le cas où l'épouse du requérant et leur fils suivrait M. A..., à priver les enfants français de l'épouse de Mme A... de la présence de leur mère, soit dans le cas où l'épouse de M. A... et leur fils ne suivrait pas ce dernier, à priver cet enfant de la présence de son père. Par suite, l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 octobre 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. A... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de délivrer un tel titre à M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros à Me Kilinç, avocat de M. A..., sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 mars 2022 et l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 27 octobre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. A... un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Kilinç la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Goujon-Fischer, président,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : S. MarchalLe président,
Signé : J.-F. Goujon-Fischer
La greffière,
Signé : E. Delors
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
E. Delors
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N° 22NC0785