Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux recours distincts, la fédération départementale des chasseurs de la Haute-Marne a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler pour excès de pouvoir l'article 3 de l'arrêté n° 1416 du 28 mai 2018 du préfet de la Haute-Marne et l'article 3 de l'arrêté n° 1985 du 27 mai 2019 de la préfète de la Haute-Marne, portant interdiction de la chasse le mercredi quel que soit son mode et pour l'ensemble des espèces chassables.
Par un jugement nos 1801428 et 1901417 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ces deux requêtes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 juillet 2020 et 29 août 2022, la fédération départementale des chasseurs de la Haute-Marne, représentée par Me Lagier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les articles 3 des arrêtés n° 1416 du 28 mai 2018 et n° 1985 du 27 mai 2019;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ses demandes sont recevables ;
- les arrêtés litigieux constituent une mesure de police générale, absolue et disproportionnée et infondée : elle couvre l'ensemble du département, des gibiers, de la saison et des modes de chasse, s'appliquant même aux propriétés closes, sans justification, sans exception pour les tirs d'été, et alors que la chasse collective en forêt domaniale est limitée à certains jours ; ils portent atteinte à la propriété privée ;
- les premiers juges ont ignoré le moyen relatif au fait que la réglementation de la chasse en forêt domaniale permet un usage très large au public ;
- ils sont insuffisamment motivés ;
- ils méconnaissent les dispositions de l'article R. 424-1 du code de l'environnement et sont entachés d'erreur de droit ;
- ils sont entachés de détournement de pouvoir ;
- l'administration n'est pas fondée à se prévaloir d'avis unanimes souhaitant un maintien de l'interdiction de la chasse le mercredi, au regard des modalités de la consultation.
Par un mémoire enregistré le 22 juillet 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 26 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 6 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par deux arrêtés des 28 mai 2018 et 27 mai 2019, le préfet puis la préfète de la
Haute-Marne ont fixé les dates d'ouverture et de clôture de la chasse dans ce département. L'article 3 de chacun de ces arrêtés interdit la chasse le mercredi, pour tous modes de chasse et pour l'ensemble des espèces chassables. La fédération départementale des chasseurs de la Haute-Marne relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces articles.
Sur la régularité du jugement :
2. Les premiers juges n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments invoqués par la fédération demanderesse à l'appui de ses moyens. Les considérations selon lesquelles la réglementation de la chasse en forêt domaniale comporte déjà des limitations des jours de chasse constituent un argument au soutien des moyens contestant la nécessité et la proportionnalité des mesures litigieuses, auxquels le tribunal a répondu, et non un moyen autonome ou une branche de moyen. La requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les premiers juges ont omis de répondre à un moyen.
Sur la légalité des arrêtés litigieux :
3. En premier lieu, les arrêtés litigieux visent notamment l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, ainsi que le code de l'environnement, indiquent que l'interdiction de chasser un jour par semaine a pour objet d'assurer la sécurité des enfants d'âge scolaire et de leurs accompagnateurs le mercredi, et précisent en outre que cette interdiction s'inscrit dans la démarche de partage de la nature entre l'ensemble des utilisateurs. Ils comportent ainsi un exposé suffisant des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de l'interdiction litigieuse de la chasse le mercredi. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette mesure ne peut, dès lors, qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, si la requérante conteste l'unanimité des avis exprimés lors des procédures de consultation organisées par l'administration préalablement aux arrêtés litigieux, dont se prévaudrait l'administration dans ses écritures, elle ne démontre pas en quoi l'administration, qui ne s'est pas estimée en compétence liée, aurait méconnu des dispositions applicables, ou une procédure à laquelle elle aurait décidé spontanément de se soumettre. Pour le surplus, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure consultative préalable à l'adoption des arrêtés litigieux n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : / 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. / (...) 3° Le représentant de l'Etat dans le département est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d'application excède le territoire d'une commune ".
6. D'une part, si l'article R. 424-1 du code de l'environnement ouvre la possibilité au préfet d'interdire l'exercice de la chasse de certaines espèces ou d'une catégorie de spécimen d'espèces, de limiter le nombre des jours de chasse et de fixer les heures de chasse du gibier sédentaire et des oiseaux de passage afin de favoriser la protection et le repeuplement du gibier, il n'exclut pas que cette même autorité, sur le fondement de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales précité, limite le droit de chasse pour un motif de sécurité publique.
7. D'autre part, il est constant que toute forme de chasse a été interdite en
Haute-Marne depuis plusieurs décennies d'abord le jeudi, puis le mercredi, sur le fondement notamment, en dernier lieu, de l'article R. 424-1 du code de l'environnement. S'il ressort des écritures de l'administration que l'évolution de la population de gibier ne justifie plus le recours à ces dispositions, l'interdiction de la chasse le mercredi est ancrée dans les esprits, ce qui fait courir un risque spécifique aux jeunes enfants et à leurs accompagnateurs en cas de reprise des activités cynégétiques lors de ce jour de la semaine, durant lequel ce public peut ne pas avoir conscience de la nécessité d'adopter des précautions particulières. Compte tenu de ces circonstances locales particulières, l'interdiction de toutes les pratiques de chasse au cours d'un unique jour par semaine, et qui n'est de ce fait pas générale ou absolue, présente un caractère nécessaire et proportionné, alors même que cette interdiction s'applique sans limitation de temps et concerne tous les gibiers et tous les modes de chasse. A cet égard, la mesure de police contestée ne saurait être regardée comme disproportionnée au motif que l'interdiction comprend également la fauconnerie et la vènerie sous terre avec l'usage de chiens de chasse, qui n'est au demeurant, pour cette dernière, pas exempte de tout danger pour les enfants, ces modes de chasse étant dans le département, selon l'administration non sérieusement contestée sur ce point, anecdotiques.
8. Enfin, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, l'interdiction de chasser un jour par semaine ne porte pas au droit de propriété une atteinte d'une gravité telle que le sens et la portée de ce droit s'en trouveraient dénaturés et cette interdiction est justifiée par le motif d'intérêt général que constitue la sécurité des enfants d'âge scolaire et de leurs accompagnateurs dans un département où existent de vastes forêts fréquentées par un nombreux public familial ou associatif.
9. Il suit de là que le représentant de l'Etat dans le département de la Haute-Marne a pu légalement imposer l'interdiction litigieuse sur le fondement de ses pouvoirs de police générale.
10. En quatrième lieu, les articles litigieux mentionnent également que la mesure d'interdiction s'inscrit dans une démarche de partage de la nature entre l'ensemble des utilisateurs. Un tel motif n'est cependant pas au nombre de ceux pouvant justifier la restriction du droit de chasse. Toutefois, il résulte de l'instruction que les auteurs des arrêtés contestés auraient pris les mêmes décisions s'ils s'étaient fondés sur le motif de sécurité publique exposé au point 7. Dans ces conditions, l'illégalité de ce second motif est sans incidence sur la légalité des mesures en litige.
11. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les interdictions litigieuses auraient été édictées pour des considérations étrangères à l'intérêt général, de sorte que le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la fédération départementale des chasseurs de la Haute-Marne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses demandes.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la fédération départementale des chasseurs de la Haute-Marne est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération départementale des chasseurs de la Haute-Marne et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Marne.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ghisu-Deparis, présidente de chambre,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022.
La rapporteure,
Signé : A. A...La présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé :N. BassoLa République mande et ordonne à la préfète de la Haute-Marne, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 20NC02085