Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge de leur cotisation d'impôt sur le revenu établie au titre de l'année 2016.
Par un jugement n° 1702046 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 mai 2020, M. et Mme B..., représentés par Me Bale, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de les décharger de l'imposition contestée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le centre des intérêts vitaux de M. B... est établi en Suisse, pays dans lequel il a son domicile, où il travaille et perçoit ses salaires et où il est imposé ainsi qu'il ressort de l'attestation de l'administration fiscale suisse ; dès lors, il doit être regardé comme résident en Suisse au sens de l'article 4 de la convention fiscale franco-suisse ; en conséquence, ses salaires ne peuvent être imposés qu'en Suisse en application de l'article 17 de la même convention ;
- la circonstance qu'il soit propriétaire d'un immeuble en France dans lequel réside son épouse dont il est séparé de fait depuis au moins huit années n'a pas pour effet de le rendre résident en France ; la circonstance qu'ils ont effectué une déclaration commune au titre des revenus de l'année 2016 ne saurait faire obstacle à ce qu'il rapporte la preuve de ce qu'il n'est pas résident en France et qu'il est résident en Suisse ; l'administration aurait dû lui faire bénéficier du droit à l'erreur.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention du 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et son épouse ont déposé une déclaration conjointe au titre des revenus perçus au cours de l'année 2016 comprenant la pension de retraite versée à Mme B..., à laquelle ils ont joint une déclaration des revenus de source étrangère à raison des salaires perçus en Suisse par M. B.... Par un courrier du 14 septembre 2017, ils ont présenté une réclamation au motif que l'avis d'imposition les reconnaissait redevables d'un montant de 1 664 euros. Cette réclamation a été rejetée par une décision de l'administration fiscale du 25 septembre 2017. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 17 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à la décharge de cette imposition.
2. Si une convention bilatérale conclue entre deux Etats en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
Sur l'application de la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré./Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ".
4. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économique ". En application de l'article 6 du même code : " (...) Sauf application des dispositions du 4 et du second alinéa du 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnés au premier alinéa ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention " Monsieur ou Madame ". (...) 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : / a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ; / b. Lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; / c. Lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts ".
5. Pour l'application des dispositions du paragraphe a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer.
6. Il n'est pas contesté que les époux B... ont déclaré leurs revenus dans une déclaration modèle 2042 commune à raison de leur foyer établi à leur résidence dans la commune de La Roche Morey (Haute-Saône). Cette déclaration ne comporte aucune indication selon laquelle les époux seraient séparés. La circonstance que Mme B... a déposé des déclarations à son seul nom et qu'elle a occupé une résidence dans un autre département au cours des années antérieures ne saurait établir qu'au titre de l'année 2016 les époux ne résidaient pas ensemble à leur domicile conjugal. S'il est constant que M. B... occupe un emploi salarié en Suisse, sur les revenus duquel il est imposé dans cet Etat, et qu'il y dispose d'un logement permanent, ces circonstances établissent seulement l'existence de ses séjours en Suisse pour les besoins de sa profession alors qu'il ne soutient pas disposer d'attaches ou de liens personnels dans ce pays. Il résulte des éléments déclarés par les intéressés que M. B... a habité en France avec son épouse et y a établi le centre de ses intérêts familiaux sans que les pièces qu'il produit ne rapportent la preuve du contraire. Par suite, c'est à bon droit que les époux B... ont été soumis à une imposition commune en France au titre de leurs revenus de l'année 2016 en vertu des dispositions précitées du code général des impôts.
7. Si les époux B... invoquent une erreur de leur part en ayant effectué une déclaration commune, d'une part, il résulte de ce qui précède qu'ils ne l'établissent pas, d'autre part et en tout état de cause, en invoquant " le droit à l'erreur ", ils ne précisent pas en vertu de quelle règle l'administration fiscale aurait dû spontanément réparer une telle erreur.
Sur l'application de la convention fiscale bilatérale conclue avec la Suisse :
8. Aux termes de l'article 4 de la convention du 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. / 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : / a) Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites ". En application de l'article 17 de la même convention : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 18 à 21, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat ". Aux termes de l'article 25 de cette convention : " Il est entendu que la double imposition sera évitée de la manière suivante : A. En ce qui concerne la France : / 1. Nonobstant toute autre disposition de la présente convention, les revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu'en Suisse conformément aux dispositions de la convention, et qui constituent des revenus imposables d'un résident de France, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsqu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt suisse n'est pas déductible de ces revenus, mais le résident de France a droit, sous réserve des conditions et limites prévues aux a et b, à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal : / a) Pour les revenus non mentionnés au paragraphe 1, b, au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus à condition que le résident de France soit soumis à l'impôt suisse à raison de ces revenus ".
9. Si en application de l'article 4 de la convention ci-dessus visée, M. B... peut être regardé comme résident de chacun des deux Etats, il résulte des éléments de fait analysés au point 6 ci-dessus que M. B... a disposé d'un foyer d'habitation permanent en France avec son épouse au titre de l'année 2016. Par suite, eu égard aux relations personnelles étroites que celui-ci a conservées en France au cours de l'année en litige, M. B... doit être regardé comme résident de France au sens des stipulations du a) du 2 de l'article 4 de la convention fiscale franco-suisse.
10. Par ailleurs, les salaires de M. B... ayant été imposés en Suisse en vertu de l'article 17 de la convention fiscale bilatérale, c'est à bon droit que l'administration a mis en œuvre le dispositif du crédit d'impôt prévu par l'article 25 de la même convention.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les époux B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 20NC01138
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