Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 par lequel le préfet des Ardennes l'a assignée à résidence.
Par un jugement n° 2200174 du 1er février 2022, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2022, Mme B..., représentée par Me Segaud-Martin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er février 2022 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 16 décembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de réexaminer sa situation, sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'insuffisance de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les modalités de l'assignation à résidence méconnaissent les stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet des Ardennes n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née en 1984 et de nationalité centrafricaine, serait entrée irrégulièrement en France le 2 octobre 2018 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée, en dernier lieu par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 7 décembre 2020. Elle a alors sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 21 avril 2021, le préfet des Ardennes a estimé qu'elle ne disposait plus d'un droit à se maintenir sur le territoire français et a pris à son encontre une mesure d'éloignement assortie d'une interdiction de retour pour une durée d'un an. Par un jugement du 26 juillet 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté en tant qu'il portait obligation de quitter le territoire et fixait le pays de destination. Le préfet des Ardennes a alors, par un arrêté du 19 octobre 2021, de nouveau fait obligation à l'intéressée de quitter le territoire français. Puis, par un arrêté du 16 décembre 2021, l'autorité préfectorale a prononcé son assignation à résidence. Mme B... relève appel du jugement du 1er février 2022 par lequel le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 16 décembre 2021.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". L'article L. 732-1 du même code prévoit que les décisions d'assignation à résidence sont motivées.
3. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée qu'elle comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
5. La décision par laquelle l'autorité préfectorale assigne un ressortissant étranger à résidence ne constitue pas une mesure d'éloignement en tant que telle. Par suite, Mme B... ne saurait utilement soutenir, pour contester la décision en litige, que le retour de sa fille mineure en République centrafricaine méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Si Mme B... soutient vivre en France depuis 2018 et y avoir ancré sa vie privée et familiale avec sa fille âgée de 3 ans, ces circonstances sont toutefois sans incidence sur la légalité de la décision prononçant son assignation à résidence en vue d'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre le 19 octobre 2021, dont elle n'indique pas au demeurant qu'elle l'aurait contestée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " (...) Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf (...) : / a) s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent; / b) s'il a fait l'objet d'une arrestation ou d'une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi; / c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente (...) ; / f) s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours (...) ".
9. D'une part, l'assignation à résidence prévue par les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2 du présent arrêt constitue une mesure alternative au placement en rétention lorsque l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que son éloignement demeure une perspective raisonnable. D'autre part, si les mesures de contrainte imposées à Mme B..., à savoir une présentation trois fois par semaine au commissariat de Charleville-Mézières, restreignent provisoirement sa liberté de circuler, elles n'ont ni pour objet ni pour effet de l'en priver. Par suite, la requérante ne saurait utilement se prévaloir des stipulations précitées de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet des Ardennes.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2022.
La rapporteure,
Signé : H. A... Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 22NC00469