Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Cosinvest a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la restitution d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 192 890 euros au titre de l'année 2014.
Par un jugement n° 1803219 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 septembre 2020, la SARL Cosinvest, représentée par Me Rollet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la restitution du crédit d'impôt recherche demandé ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les pièces qu'elle produit de nouveau devant la cour démontrent que la réalisation des dix-neuf projets formant la base du crédit d'impôt sollicité a nécessité la levée de verrous scientifiques et techniques par rapport à l'état de l'art disponible répondant aux conditions de l'article 244 quater B du code général des impôts et de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code au titre du développement expérimental et de la recherche appliquée ;
- ces mêmes projets, avec les mêmes justifications, avaient ouvert droit au crédit d'impôt au titre des années précédentes 2012 et 2013 sans objection de l'administration qui avait pourtant effectué une vérification de comptabilité au cours de l'année 2015 ;
- le refus de restitution au titre de cette année 2014 repose sur une erreur de l'administration sur l'identité de la société ayant conduit les recherches attestant qu'elle n'a pas pris connaissance du dossier et de la réalité de l'activité de la société SAF.
Par un mémoire enregistré le 8 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Cosinvest, société mère d'un groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts, a saisi l'administration fiscale d'une demande de restitution d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2014, à raison des dépenses de recherche exposées par l'une de ses filiales, la société SAF, ayant une activité d'injection de matières plastiques pour le secteur de l'emballage, des parfums, des cosmétiques et de l'alimentaire. Par une décision du 19 mars 2018, l'administration a rejeté cette demande. La SARL Cosinvest relève appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la restitution de ce crédit d'impôt recherche.
2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou d'installations pilotes. (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations (...) c) les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel mentionnées à la première phrase du b et au b bis (...). ". Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III à ce code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : (...)/b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. / Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ;/ c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. ". Ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt recherche que les dépenses exposées pour le développement ou l'amélioration substantielle de matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque du projet de recherche, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation de ces techniques. Au contraire, il résulte des dispositions précédemment citées que des opérations consistant à perfectionner des matériels ou procédés existants ou à en développer des fonctionnalités particulières et qui se traduisent par des améliorations non substantielles de techniques déjà existantes ne caractérisent pas des opérations de développement expérimental présentant un caractère de nouveauté.
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations, et, notamment d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.
4. Il résulte de l'instruction qu'à l'appui de sa demande de crédit d'impôt recherche, la société requérante entend se prévaloir de dix-neuf projets réalisés par la société SAF ayant nécessité selon elle des dépenses de recherche appliquée et de développement expérimental. Ces projets ont consisté à concevoir, en vue de leur fabrication, à partir des spécifications du client, des emballages de parfums et de produits cosmétiques tels que pots, socles, coiffes, capots et couvercles pour des marques réputées. Compte tenu du niveau élevé d'exigences de la part du client, il est indéniable que la conception de ces produits a rencontré de nombreux problèmes techniques dont la résolution a nécessité de multiples études préalables, des réunions de concertation avec le client et les fournisseurs de matières, et la réalisation de prototypes d'essais et de tests. Cependant, en dépit de ces éléments, il ressort des annexes produites, dépeignant les divers projets, présentant les difficultés rencontrées et mentionnant la réalisation de recherches, d'études et d'essais, accompagnée d'un schéma ou d'une photo, que la société SAF, pour chaque projet en litige, s'est bornée à conduire une succession d'essais en vue de surmonter les difficultés rencontrées pour la production des produits, correspondant aux attentes de ses clients, sans exploiter le résultat de ces essais pour construire des connaissances raisonnées. En particulier, il ne résulte pas de l'instruction qu'afin de résoudre les difficultés techniques rencontrées, dont il n'est pas établi qu'elles constituaient à proprement parler des verrous scientifiques ou technologiques, telles que les contraintes d'injection et de dessin ou l'exigence de ne pas faire apparaître de points d'injection ou de joints, la société SAF ait mis au point, ou amélioré substantiellement, des procédés dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque. Dès lors, les projets en litige doivent être regardés comme des opérations consistant à perfectionner des procédés existants et qui se sont traduits par des améliorations non substantielles de techniques déjà existantes. Si la société requérante soutient avoir réalisé des opérations de recherche les années précédentes et postérieures à raison des mêmes projets, lui ayant ouvert droit au crédit d'impôt, elle n'établit pas que ces opérations seraient identiques à celles de l'année 2014 litigieuse. Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'administration, en se fondant sur ce motif et sans commettre aucune confusion entre la société SAF et sa société mère, a estimé, afin de refuser la restitution du crédit d'impôt, que les dépenses afférentes aux projets en litige ne constituaient pas des dépenses de recherche au sens des dispositions ci-dessus reproduites.
5. La société requérante, laquelle n'a pas fait au demeurant l'objet d'une procédure de rectification et d'une imposition supplémentaire consécutive à une telle procédure, ne saurait utilement invoquer sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, les décisions par lesquelles l'administration fiscale a accepté ses demandes de remboursement d'un crédit d'impôt recherche pour les années 2012 et 2013, dès lors que ces décisions, non motivées, ne comportent aucune prise de position formelle sur la situation de fait de la société au regard des dispositions précitées de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cosinvest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Cosinvest est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cosinvest et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 20NC02781
2