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11/05/2023 | FRANCE | N°21NC00977

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 11 mai 2023, 21NC00977


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) JR a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1909141 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge en, droits et pénalit

és, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) JR a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1909141 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge en, droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1909140 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 1er avril 2021 et un mémoire enregistré le 16 avril 2021, M. A..., représenté par Me Comin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1909140 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les véhicules automobiles dont la société JR disposait au titre de la période vérifiée ont bien été utilisés pour les besoins de l'exploitation du restaurant et la part d'utilisation privative, en l'occurrence 10 %, a bien été réintégrée dans les bénéfices imposables ainsi que la part de l'amortissement excédentaire ; contrairement à ce que soutient l'administration, la société JR ne disposait d'aucun véhicule utilitaire ; peu importe en conséquence le caractère " haut de gamme " de ces véhicules.

- les sommes litigieuses ne sauraient faire l'objet d'une imposition sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts en tant qu'avantages occultes dès lors que la société JR a pris soin de comptabiliser et préciser les modalités de calcul de l'avantage en nature qu'il a retiré du fait de l'usage partiellement privatif des véhicules conformément à l'article 54 bis du code général des impôts.

Par un mémoire enregistré le 9 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II) Par une requête enregistrée le 1er avril 2021 et un mémoire complémentaire enregistré le 12 avril 2021, l'EURL JR, représentée par Me Comin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1909141 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les véhicules automobiles dont elle disposait au titre de la période vérifiée ont bien été utilisés pour les besoins de l'exploitation du restaurant et la part d'utilisation privative par M. A..., en l'occurrence 10 %, a bien été réintégrée dans les bénéfices imposables ainsi que la part de l'amortissement excédentaire ; contrairement à ce que soutient l'administration, elle ne disposait d'aucun véhicule utilitaire ; peu importe en conséquence le caractère " haut de gamme " de ces véhicules.

Par un mémoire enregistré le 9 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Comin, représentant les requérants, qui produit une attestation.

Des notes en délibéré, enregistrées au greffe le 13 avril 2023, ont été présentées pour M. A... et l'EURL JR.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL JR a exploité, jusqu'au 26 septembre 2016, un restaurant situé à Oberhofen-sur-Moder à l'enseigne " Aux Trois Fleurs ". Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Par une proposition de rectification du 9 novembre 2017, notifiée selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a porté à la connaissance de la société qu'elle envisageait, notamment, la réintégration dans ses bénéfices imposables des années 2014, 2015 et 2016, des charges liées à l'utilisation de véhicules de tourisme. Ces rectifications ont été maintenues par lettre du 20 février 2018 en réponse aux observations de la société du 12 janvier 2018. Les suppléments d'impôt sur les sociétés correspondant à ces rectifications ont été mis en recouvrement le 15 février 2019 en dépit de l'avis défavorable de la commission des impôts directs du 26 novembre 2018. La réclamation préalable de la société du 24 avril 2019 a été rejetée le 9 octobre 2019. L'administration a regardé M. A..., gérant de l'EURL JR, comme le bénéficiaire d'avantages occultes, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts, à raison de l'utilisation privative des véhicules appartenant à sa société. L'intéressé a été rendu destinataire d'une proposition de rectification du 17 novembre 2017 l'informant des rectifications envisagées en conséquence au titre des années 2014, 2015 et 2016. Ces rectifications ont été maintenues par lettre du 20 février 2018 en réponse aux observations de la société du 18 janvier 2018. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été mis en recouvrement au cours de l'année 2019. La réclamation préalable de M. A... du 13 juin 2019 a été rejetée le 9 octobre 2019. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, l'EURL JR et M. A... relèvent respectivement appel des jugements du 2 février 2021 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires.

Sur les bénéfices imposables de l'EURL JR :

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

3. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

4. Il résulte de l'instruction que la société JR a acquis le 9 avril 2013 une voiture de marque Audi modèle A6 Quattro qu'elle a revendue le 23 juin 2014. Le 19 juin 2014, elle a acheté un véhicule de marque Mercedes modèle E350 qu'elle a conservé jusqu'au 17 novembre 2014. Enfin, elle a pris en location de longue durée, du 5 décembre 2014 au 5 août 2016, une voiture de marque Maserati modèle Ghibli. L'EURL JR a déduit de ses bénéfices imposables les charges liées à l'usage de ces véhicules de tourisme à l'exclusion d'une fraction de 10 %, comptabilisée en tant qu'avantage en nature, correspondant à leur utilisation privative par son gérant M. A.... Afin de réintégrer les charges déduites par l'EURL JR liées à l'usage de ces véhicules de tourisme, l'administration fiscale a estimé qu'elles n'avaient pas été exposées dans l'intérêt de l'exploitation du restaurant.

5. Il résulte de l'instruction que les véhicules litigieux sont des luxueuses berlines de tourisme destinées au transport des personnes, particulièrement inadaptées aux nécessités de l'approvisionnement d'un restaurant. Or, l'administration rapporte la preuve que la société JR disposait au titre de la période vérifiée d'un fourgon utilitaire Citroën, celui-ci adapté aux besoins de l'exploitation, ainsi qu'en atteste le tableau des amortissements de l'année 2014 et la déclaration modèle 2065 de l'année 2016 faisant apparaître cette immobilisation sous le numéro 108. Dans ces conditions, les documents produits par la société requérante, concernant la destruction d'un véhicule utilitaire, ne permettent pas d'établir qu'il s'agirait du même véhicule. Si la société requérante soutient pour la première fois, au cours de l'audience, que le maintien de cet élément à l'actif résulterait d'une erreur matérielle, elle ne l'établit pas, par la production à la barre, plusieurs années après la procédure de contrôle, d'une attestation de son expert-comptable. Les autres attestations produites par la société requérante, relatives à l'utilisation des véhicules, sont dépourvues de valeur probante dès lors qu'elles comportent toutes l'ajout de la mention typographiée " A ces occasions, j'ai pu constater que M. C... A... s'est déplacé avec un véhicule de marque Maserati " en dessous des indications manuscrites du déclarant. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'administration rapporte la preuve que les véhicules litigieux n'ont pas été utilisés pour les besoins de l'exploitation de son restaurant. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a réintégré dans ses bénéfices imposables les charges liées à leur utilisation qu'elle avait déduites.

Sur les revenus de capitaux mobiliers de M. A... :

6. Aux termes du c) de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ". Il résulte de ces dispositions que doivent être imposées comme avantages occultes les dépenses effectivement exposées et concourant au financement d'un avantage en nature qui n'a pas été explicitement inscrit en comptabilité, en méconnaissance des dispositions de l'article 54 bis du même code.

7. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les véhicules de tourisme litigieux n'ont pas été utilisés dans l'intérêt de l'EURL JR. C'est dès lors à juste titre que l'administration a considéré que les sommes exposées pour l'utilisation de ces véhicules avaient été distribuées entre les mains de M. A..., associé unique et gérant de la société, qui en avait la disposition. Contrairement à ce que soutient M. A..., la société JR n'a pas explicitement comptabilisé l'avantage résultant de l'utilisation privative à hauteur de 90 % de ces véhicules puisqu'elle s'est bornée à le faire qu'à hauteur de 10 %. Par suite, c'est en faisant une exacte application des dispositions ci-dessus reproduites que l'administration a imposé M. A... au titre des sommes correspondantes sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL JR et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes ci-dessus visées de l'EURL JR et de M. A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL JR, à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N°s 21NC00977 et 21NC00985

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00977
Date de la décision : 11/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SELARL MC CONSULTANTS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-05-11;21nc00977 ?
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