Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 14 avril 2022 par lequel la préfète de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.
Par un jugement n° 2201543 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 octobre 2022, M. C... B..., représenté par Me Garcia, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé ;
- le refus de séjour : est insuffisamment motivé ; méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales en ce que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public et en ce que sa vie privée et familiale est établie en France ; repose sur une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ; viole les articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; repose sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire repose sur une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré 1er décembre 2022, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. C... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la constitution ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., ressortissant congolais né le 7 février 1984 à Kinshasa, est entré en France le 1er mai 2012 selon ses déclarations. Après son éloignement le 12 septembre 2017, il est revenu en France et a sollicité une mesure de régularisation laquelle, le 26 mars 2018, a donné lieu à un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français. M. C... B... a contesté cette mesure. Cette cour a, en dernier lieu, par un arrêt n° 18NC02129 du 21 mars 2019, confirmé la légalité cet arrêté. Saisi d'une nouvelle demande de régularisation, le préfet de l'Aube, par un arrêté du 14 avril 2022, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit à défaut d'exécution volontaire. M. C... B... relève appel du jugement du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale' d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié', "travailleur temporaire' ou "vie privée et familiale', sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Le requérant établit vivre en concubinage depuis l'année 2020 avec une compatriote titulaire d'une carte de résidente valable jusqu'en 2027 et fait valoir qu'une enfant est née de cette relation le 28 septembre 2017 tandis un nouvel enfant issu de cette union est né le 14 novembre 2022, postérieurement à l'arrêté attaqué. Contrairement à ce que soutient l'autorité préfectorale, la reconstitution de la cellule familiale dans le pays d'origine des intéressés ne paraît pas possible dès lors que la compagne du requérant est mère de deux premiers enfants ayant des relations avec leurs pères en France. Dans ces conditions, compte tenu de la réalité et de la durée de la vie familiale de l'intéressé en France et en dépit de ce que sa mère se trouve dans son pays d'origine, la décision par laquelle le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour a méconnu les normes ci-dessus reproduites. Par suite, M. C... B... est fondé à demander l'annulation de ce refus de séjour ainsi que, par voie de conséquence, de toutes les décisions contenues dans l'arrêté litigieux.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. L'annulation ci-dessus prononcée implique nécessairement que le préfet de l'Aube délivre à M. C... B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu par suite, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui enjoindre d'y procéder selon les modalités figurant au dispositif du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. M. C... B... ayant été admis à l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Garcia, sous réserve de sa renonciation au versement de la part contributive de l'Etat à l'aide juridique, de la somme de 1 500 euros au titre des frais que M. C... B... aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait été admis à l'aide juridictionnelle.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 2201543 du 20 septembre 2022 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Aube du 14 avril 2022 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Aube de délivrer à M. C... B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Garcia la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au versement de la part contributive de l'Etat à l'aide juridique.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... B..., à Me Garcia et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie du présent arrêt sera transmise au préfet de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 22NC02572