Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Schaeffer et Cie a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la région Grand Est à lui verser, d'une part, la somme de 11 505,31 euros TTC au titre du solde du marché avec intérêts moratoires au taux légal majoré de 8 points, d'autre part, la somme de 42 300 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi en raison de l'allongement de la durée du chantier.
Par un jugement n° 1903821 du 30 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 septembre 2020, la SAS Schaeffer et Cie, représentée par Me Deleau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1903821 du 30 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant la condamnation de la région Grand Est ;
2°) à titre principal, au titre du solde du marché, de condamner la région Grand Est à lui verser la somme de 11 505,31 euros TTC ainsi que les intérêts au taux légal majoré de 8 points à compter de la présente requête et la capitalisation de ces intérêts ;
3°) à titre principal de condamner la région Grand Est à lui verser la somme de 42 300 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi en raison de l'allongement de la durée du chantier ;
4°) à titre subsidiaire, de diligenter une expertise aux fins notamment de se prononcer sur l'origine et la cause des retards d'exécution qui lui sont imputés ainsi que de la durée de l'allongement de la durée du chantier ;
5°) de mettre à la charge de la région Grand Est la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les pénalités de retard dans l'exécution des travaux ne sont pas fondées dans la mesure où aucune stipulation contractuelle ne prévoit un délai partiel d'exécution ; les retards sont imputables à une modification de la consistance des travaux par le maître d'œuvre et au retard de l'entreprise titulaire du lot plâtrerie ;
- les pénalités de retard dans la remise des plans d'atelier et de chantier ne sont pas fondées dans la mesure où le retard est imputable au maître d'œuvre et à l'entreprise du lot plâtrerie ;
- le solde du marché s'élève à la somme de 11 505,31 euros TTC ;
- la région Grand Est, qui est responsable de son mandataire, a commis une faute en n'intervenant pas alors qu'elle avait été alertée à de nombreuses reprises sur une interruption du chantier du 9 février au 13 juin 2016 ;
- son préjudice résultant de la faute du maître de l'ouvrage s'élève à la somme de 42 300 euros ;
- à titre subsidiaire, une expertise doit être diligentée pour déterminer l'origine et les causes des retards et de l'allongement de la durée du chantier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2021, la région Grand Est, représentée par Me Palmier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Schaeffer et Cie la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la demande présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg plus de six mois après la décision rejetant implicitement le mémoire en réclamation est irrecevable car tardive ;
- à titre principal également, la société appelante est irrecevable à contester l'application des pénalités de retard pour la remise des documents dans la mesure où ces pénalités n'ont pas été contestées dans le mémoire en réclamation ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics, alors en vigueur ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denizot,
- les conclusions de M. A...,
- et les observations de Me Papin pour la société Schaeffer et Cie ainsi que celles de Me Monaji pour la région Grand Est.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 10 décembre 2015, la région Alsace, aux droits de laquelle est venue la région Grand Est, représentée par la SERS agissant en qualité de maître d'ouvrage délégué, a attribué à la société Schaeffer et Cie le lot n° 404 " génie climatique - installations sanitaires " relatif à l'opération de restructuration et d'extension du lycée Le Corbusier. Par un courrier du 4 avril 2018, la société Schaeffer et Cie a adressé un premier projet de décompte final au maître d'œuvre. Par un deuxième courrier du 14 avril 2018, la société Schaeffer et Cie a adressé au maître d'œuvre un projet de décompte final rectificatif dans lequel figurait, outre le montant total des travaux exécutés fixé à 265 207,80 euros TTC, la somme de 42 300 euros au titre du préjudice qu'elle estimait avoir subi en raison de l'allongement des délais du chantier. Par un ordre de service du 25 juin 2018, le maître d'ouvrage délégué a notifié à la société Schaeffer et Cie un décompte général mentionnant, outre le montant des travaux exécutés, des pénalités d'un montant de 52 198,04 euros. Par un jugement du 30 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la société Schaeffer tendant à la condamnation de la région Grand Est à lui verser la somme de 11 505,31 euros au titre de l'exécution du marché, ainsi que la somme de 42 300 euros au titre de l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi. La société Schaeffer et Cie relève appel de ce jugement.
Sur les le bien-fondé des pénalités de retard infligées à la société Schaeffer et Cie :
En ce qui concerne les pénalités pour retard dans l'exécution des travaux :
2. Aux termes de l'article 4.1 " délai d'exécution des travaux " du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) : " Les stipulations correspondantes figurent dans l'acte d'engagement et éventuellement dans le calendrier prévisionnel annexé ". Aux termes de son article 4.3 : " Sauf stipulations différentes dans l'additif au CCAP, les stipulations du CCAG sont seules applicables ". Aux termes de l'article 4.1 de l'additif au CCAP : " Les termes de l'article 4.1 du CCAP sont complétés par les dispositions suivantes : / Les stipulations correspondantes figurent dans l'acte d'engagement et dans le calendrier prévisionnel. / La date de démarrage des travaux sera fixée par ordre de service. Conformément à l'article 28.1 du CCAG travaux, la période de préparation d'un mois (minimum) est comprise dans le délai d'exécution / (...) / Le délai d'exécution propre à chaque lot commence à partir de la date de démarrage des travaux fixée par ordre de service. ". Aux termes de l'article 4.3.1 de l'additif au CCAP : " a) Retards dans l'exécution des travaux / Le montant des pénalités sera déterminé par l'application d'une formule unique pour l'ensemble des lots : / Pénalité journalière = racine carrée du montant HT du marché initial et des avenants en plus ou en moins pour le lot considéré, avec un montant minimum de 150 €/ jour calendaire de retard. / Dans l'hypothèse de la notification de pénalités auxquelles le Maître d'ouvrage aura décidé de conférer un caractère provisoire, les pénalités pourront être transformées en pénalités définitives si l'une des deux conditions suivantes est remplie : / ou l'entrepreneur n'a pas achevé les travaux lui incombant dans le délai d'exécution propre à son lot / ou l'entrepreneur, bien qu'ayant terminé ses travaux dans ce délai, a perturbé la marche du chantier (...) ".
3. Il résulte du planning prévisionnel annexé à l'ordre de service du 26 janvier 2016 que la société Schaeffer et Cie disposait d'un délai de 205 jours à compter du 9 février 2016, soit jusqu'au 17 octobre 2016, pour exécuter les travaux sur consigne de la maîtrise d'œuvre en charge de l'ordonnancement, pilotage et coordination (OPC). Ce même planning prévoyait que les travaux devaient être finalisés, après une période de cinq semaines d'essais de mise en service, soit le 21 novembre 2016. Le maître d'ouvrage, sur le fondement de l'article 4.3.1 de l'additif au CCAP, a appliqué, pour un montant de 31 498,04 euros, des pénalités pour 67 jours de retard dans l'exécution des travaux, au titre de la période du 17 octobre 2016 au 23 décembre 2016.
S'agissant de la possibilité d'infliger des pénalités définitives pour un retard partiel dans l'exécution des travaux :
4. Il résulte des stipulations précitées de l'article 4.3.1 de l'additif au CCAP que le contrat en litige prévoyait la possibilité de transformer des pénalités provisoires en pénalités définitives lorsque l'entrepreneur a perturbé la marche du chantier ou n'a pas achevé les travaux lui incombant dans le délai d'exécution propre à son lot. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement des courriers du bureau d'études du 1er juin 2016 et de l'architecte du 5 septembre 2016 que le retard de la société Schaeffer dans la commande de panneaux rayonnant a eu des conséquences négatives sur l'avancement du chantier. En outre, il résulte de l'instruction que la société Schaeffer et Cie n'avait pas achevé les travaux propres à son lot le 21 novembre 2016. Par suite, pour ce double motif, la région Grand Est pouvait transformer les pénalités provisoires en pénalités définitives. Dès lors, la société Schaeffer et Cie n'est pas fondée à soutenir que les pénalités infligées ne seraient pas justifiées au motif qu'aucune stipulation contractuelle ne prévoyait un délai partiel d'exécution.
S'agissant de l'imputabilité des retards à la société Schaeffer et Cie :
5. En premier lieu, il résulte d'un courrier du 12 octobre 2015 et d'un extrait de la décomposition des prix globale et forfaitaire de l'offre de la société Schaeffer que celle-ci, dans le cadre de la procédure de passation, a proposé, après régularisation de son offre, des panneaux rayonnant de marque Zehnder de type Flatline, comportant différentes dimensions. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction, et plus particulièrement du courrier émanant de la maîtrise d'œuvre du 25 août 2016 que le choix d'enlever les cornières visibles sur les faux-plafonds ne modifiait pas les détails indiqués par l'architecte pendant la phase de passation du marché. Par suite, la société Schaeffer et Cie n'établit pas que la modification de la longueur des panneaux rayonnant commandés résulterait du choix de la maîtrise d'œuvre d'ôter les cornières apparentes des faux-plafonds.
6. En second lieu, il résulte du compte-rendu de chantier n° 29 du 2 août 2016 que, contrairement à ce qu'allègue la société requérante, la société Sari, titulaire du lot plâtrerie, a transmis ses plans d'atelier et de chantier le 17 juin 2016 au maître d'œuvre qui les a adressés, le même jour, à la société Schaeffer. En outre, contrairement à ce qu'allègue la société Schaeffer et Cie, il ne résulte aucunement de l'instruction que le chantier aurait été interrompu au cours de la période de février à juin 2016. Par ailleurs, il résulte du compte-rendu de chantier du 7 juin 2016 que la société titulaire du lot n° 420 " couverture étanchéité " a mis hors d'eau définitivement le chantier le 6 juin 2016 soit à une date antérieure à celle qui était prévue par le planning contractuel adossé à l'ordre de service du 26 janvier 2016. Enfin, il résulte d'un courrier du 16 septembre 2016 que le retard mis par la société Schaeffer à commander les panneaux rayonnants initialement prévus dans son offre résulte exclusivement de raisons économiques liées aux prix de son fournisseur. Ainsi, la société Schaeffer n'établit pas que les panneaux rayonnant de marque Zhender de type Flatline ne pouvait pas être commandée avant le 7 octobre 2016, en raison de contraintes techniques liées à la tardiveté d'une mise hors d'eau définitive du chantier ou de la mise à disposition des plans d'atelier et de chantier par la société Sari.
7. Dès lors, la société Schaeffer et Cie n'est pas fondée à soutenir que le retard dans la commande des panneaux rayonnants ne lui serait pas imputable et que les pénalités qui lui ont été infligées à ce titre pour un montant de 31 498,04 euros ne seraient pas justifiées.
En ce qui concerne le retard dans la remise des plans d'atelier et de chantier :
8. Aux termes du b de l'article 4.3.1 de l'additif au CCAP : " Une pénalité de 150 euros par jour de retard sera appliquée pour sanctionner les retards dans la production de tous documents (...) Il s'agit notamment de : / - la production des plans d'atelier et de chantier des ouvrages pour approbation des Maîtres d'Œuvre et du Contrôle Technique (...) ". Aux termes de l'article 8.2 de l'additif au CCAP : " Conformément aux dispositions de l'article 8.2 du CCAP, il est précisé que le maître d'œuvre est chargé de l'établissement des plans d'exécution des ouvrages. / Le maître d'œuvre n'étant pas chargé des plans d'atelier et de chantier (PAC) et de détail de fabrication, ceux-ci seront établis par les entreprises et soumis au visa du maître d'œuvre et à l'approbation du contrôleur technique avant l'exécution des travaux correspondants ".
9. La région Grand Est a infligé à la société Schaeffer et Cie une pénalité de 20 700 euros pour un retard de 138 jours dans la remise de plans d'atelier et de chantier (PAC), au titre de la période du 25 mai au 10 octobre 2016. Il résulte de l'instruction que, par un courrier électronique du 11 mai 2016, la maîtrise d'œuvre avait mis en demeure la société Schaeffer et Cie d'achever la synthèse des PAC à compter du 25 mai 2016. Si la société Schaeffer et Cie a déposé des plans le 19 juillet 2016, il résulte également de l'instruction que ces plans n'ont été définitivement validés par la maîtrise d'œuvre que le 10 octobre 2016.
10. D'une part, il résulte de l'instruction, et plus particulièrement du compte-rendu de chantier n° 29 du 2 août 2016, que la société Sari, titulaire du lot plâtrerie avait remis ses PAC le 17 juin 2016. Par suite, la société Schaeffer, n'établit pas que le retard dans la remise de ses PAC serait imputable à la société Sari.
11. D'autre part, ainsi qu'il a été dit précédemment, dans la mesure où le retard dans la commande des panneaux rayonnant résulte exclusivement de motifs économiques, la société Schaeffer et Cie n'est pas fondée à soutenir que la remise tardive des PAC serait imputable aux modifications techniques engagées en cours d'exécution du chantier.
12. Enfin, la société Schaeffer n'établit pas que la remise des documents le 19 juillet 2016, qui ont fait l'objet d'un visa de l'architecte, correspondrait à la remise de l'ensemble des PAC demandés par l'OPC dans sa mise en demeure du 11 mai 2016. En se bornant à soutenir qu'elle ignorait les dimensions exactes des panneaux rayonnants alors que cette incertitude résultait de ses propres hésitations sur le choix de panneaux sur mesure, la société Schaeffer et Cie ne justifie pas que les pénalités ne pouvaient lui être infligées en raison de l'impossibilité de connaître la dimension exacte des panneaux.
13. Dès lors, la société Schaeffer et Cie n'est pas fondée à soutenir que les pénalités de 20 700 euros pour retard dans la remise des PAC ne seraient pas justifiées.
Sur la responsabilité du maître d'ouvrage :
14. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
15. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne résulte aucunement de l'instruction que le chantier aurait été interrompu au titre de la période de février à juin 2016. En outre, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'ouvrage a été définitivement mis hors d'eau le 6 juin 2016 alors que le planning prévisionnel contractuel prévoyait que l'ouvrage devait être mis hors d'eau le 10 juin 2016. Par suite, dans la mesure où le chantier n'a pas connu un allongement en raison d'un retard dans la mise hors d'eau du bâtiment, il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'ouvrage aurait, à ce titre, commis une faute dans la direction ou le contrôle du chantier. Au demeurant, le préjudice dont se prévaut la société Schaeffer et Cie n'est pas établi.
16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de diligenter la mesure d'expertise sollicitée et d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance, que la société Schaeffer et Cie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la région Grand Est, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Schaeffer et Cie demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Schaeffer et Cie le versement de la somme de 1 500 euros à la région Grand Est sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Schaeffer et Cie est rejetée.
Article 2 : La société Schaeffer et Cie versera à la région Grand Est une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Schaeffer et Cie et à la région Grand Est.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.
Le rapporteur,
Signé : A. DenizotLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin, préfète de la région Grand Est, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 20NC02864