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27/06/2023 | FRANCE | N°22NC01388

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 27 juin 2023, 22NC01388


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2021 du préfet du Doubs portant retrait de sa carte de séjour pluriannuelle et obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2200249 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mai 2022 et 14 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Bouzekri, demande à la co

ur :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 1er décembre 2021...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2021 du préfet du Doubs portant retrait de sa carte de séjour pluriannuelle et obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2200249 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mai 2022 et 14 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Bouzekri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 1er décembre 2021 en tant qu'il porte retrait de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, dans les mêmes conditions d'astreinte, de procéder au réexamen de sa situation personnelle dans un délai de quinze jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Il soutient que :

- la décision portant retrait de la carte de séjour pluriannuelle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la mesure où il justifie contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire, enregistré le 28 juin 2022, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par courrier du 5 mai 2023, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, que la cour est susceptible, dans l'hypothèse où elle annulerait le retrait de la carte pluriannuelle de M. A..., d'enjoindre que lui soit délivrée, non pas une carte de séjour temporaire ainsi qu'il le demande, mais une carte pluriannuelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye,

- et les observations de Me Handi, substituant Me Bouzekri, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant égyptien né le 5 décembre 1977, est entré irrégulièrement en France en 2006. Il s'est vu délivrer par le préfet du Doubs, depuis le 25 novembre 2014, des cartes de séjour temporaires puis, à compter du 7 janvier 2017, plusieurs cartes de séjour pluriannuelles, en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 1er décembre 2021, le préfet du Doubs a retiré la carte de séjour pluriannuelle de M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, en tant qu'il porte retrait de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprenant celles figurant initialement au 6° de l'article L. 313-11 : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". L'article L. 433-4 du même code dispose, comme le faisait antérieurement l'article L. 313-17 : " (...) L'étranger bénéficie, à sa demande, du renouvellement de cette carte de séjour pluriannuelle s'il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il été précédemment titulaire ". L'article L. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Si l'étranger cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations, la carte de séjour peut lui être retirée par une décision motivée (...) ". Enfin, aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) "

3. M. A... est le père de trois enfants de nationalité française, Mouna et Ahmed, nés le 28 avril 2014 et Moustafa, né le 27 septembre 2015, issus de son mariage avec Mme B..., célébré en France le 18 mai 2013. Il ressort des pièces du dossier que les deux membres du couple et les trois enfants partagent le même domicile, une visite inopinée de la police de l'air et des frontières réalisée le 29 juillet 2021 ayant permis de constater que le logement était compatible avec la vie de couple et que la communauté de vie était effective, les seules séparations mentionnées dans les éléments soumis à l'instruction datant de 2011 et 2015. L'existence d'une telle communauté de vie permet de présumer de la contribution de M. A... à l'éducation et à l'entretien de ses enfants.

4. Sa compagne a indiqué qu'il ne vivait au domicile que quelques jours par mois et, a confié à l'assistante sociale qui la suit, qu'il ne contribuerait que très faiblement aux dépenses du ménage. Toutefois, l'intéressé produit des justificatifs attestant de sa présence à proximité du domicile conjugal, ainsi que de la réalisation d'achats au profit de sa famille. Dès lors, il doit être regardé comme contribuant, depuis au moins deux ans à la date de l'arrêté litigieux, à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. Il est, dans ces conditions, fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'erreur d'appréciation en estimant qu'il ne remplissait pas les conditions mentionnées à l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en lui retirant, pour ce motif, la carte pluriannuelle dont il était titulaire. L'annulation de ce retrait de titre de séjour entraîne, par voie de conséquence, celle de l'obligation de quitter le territoire édictée sur son fondement. M. A... est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution./ La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

6. En l'absence de changement de circonstance de fait ou de droit, l'exécution du présent arrêt implique d'enjoindre que soit délivrée à M. A..., non pas une carte de séjour temporaire ainsi qu'il le demande, mais la carte pluriannuelle dont il était titulaire, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans cette attente, en raison de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, et en vertu de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet délivrera sans délai à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour l'autorisant expressément à exercer une activité professionnelle. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 1 500 euros à verser à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2200249 du tribunal administratif de Besançon du 3 mai 2022 et les décisions du préfet du Doubs du 1er décembre 2021 portant retrait de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer une carte de séjour pluriannuelle à M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant expressément à travailler.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeL'assesseure la plus ancienne,

Signé : M. Bourguet-Chassagnon

La greffière,

Signé : M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. C...

2

N° 22NC01388


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01388
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BOUZEKRI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-27;22nc01388 ?
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