Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, les décisions non formalisées tendant à lui infliger " les mesures portant sanction(s) disciplinaire(s) " de " désarmement ", de " relève de son commandement ", de " renvoi en France " et d'" ordre de prendre l'avion le 9 janvier 2018 ", d'autre part, la décision du 9 janvier 2018 par laquelle le commandant du groupement tactique logistique " Via Domitia " a décidé de ne pas lui attribuer la médaille d'outre-mer avec agrafe " Sahel ", à titre disciplinaire et enfin d'annuler la décision du 1er mars 2018 par laquelle le chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de 10 jours d'arrêts. Par le même recours, M. A... a également demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 29 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté le recours administratif préalable qu'il a exercé le 21 juin 2018 contre la décision du 18 mai 2018 du chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg mettant fin à son habilitation " secret défense ".
Par un jugement n° 1904834 du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mars 2021, M. A..., représenté par Me Branchet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 janvier 2021 en tant qu'il rejette ses demandes d'annulation, d'une part, des décisions non formalisées tendant à lui infliger " les mesures portant sanction(s) disciplinaire(s) " de " désarmement ", de " relève de son commandement ", de " renvoi en France " et d'" ordre de prendre l'avion le 9 janvier 2018 ", d'autre part, de la décision du 9 janvier 2018 par laquelle le commandant du groupement tactique logistique " Via Domitia " a décidé de ne pas lui attribuer la médaille d'outre-mer avec agrafe " Sahel ", à titre disciplinaire et enfin la décision du 1er mars 2018 par laquelle le chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de 10 jours d'arrêts ;
2°) de prescrire toutes mesures de nature à assurer la pleine exécution de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du Conseil d'Etat du 13 juillet 2016 a consacré l'obligation d'introduire son recours dans un délai raisonnable dans un souci de sécurité juridique qui ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce, la bonne administration de la justice implique que le juge puisse censurer des sanctions illégales sans en être empêché par un moyen tiré de la tardiveté ; les circonstances de l'espèce justifiaient que le délai de recours soit supérieur à un an ;
- les décisions litigieuses sont entachées d'une insuffisance de motivation ;
- elles sont entachées de vices de forme et de procédure ;
- les faits reprochés ne sont pas établis par l'administration ;
- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation et disproportionnées ;
- elles sont entachées d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023 et non communiqué, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me Branchet pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., lieutenant-colonel de l'armée de terre affecté au groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg, a été déployé en opération extérieure (OPEX) au Mali dans le cadre de l'opération Barkhane en qualité de chef d'un détachement de soutien, du 17 septembre 2017 au 12 janvier 2018. A la suite d'un différend avec le chef du détachement infrastructure de la " plateforme opérationnelle désert " de Gao, puis à une altercation avec son chef de corps, avec le représentant du commandement de la force et avec deux autres officiers, les 2 et 3 janvier 2018, il a été désarmé et rapatrié d'OPEX avant le terme de son mandat. Le 9 janvier 2018, le commandant du groupement tactique logistique " Via Domitia " a décidé, à titre disciplinaire, de ne pas lui attribuer l'agrafe " Sahel " de la médaille d'outre-mer. Le 1er mars 2018, le chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg a prononcé à l'encontre de M. A... la sanction disciplinaire de 10 jours d'arrêts. Par une décision du 18 mai 2018, le chef du groupement de soutien de la base de défense de Phalsbourg n'a pas agréé la demande d'habilitation " secret défense " de M. A.... Le 21 juin 2018, M. A... a saisi la Commission des recours des militaires pour contester cette décision. Par une décision du 29 avril 2019, la ministre des armées a rejeté ce recours administratif préalable.
2. Par un jugement n° 1904834 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevable la demande de M. A... tendant d'une part, à l'annulation des décisions non formalisées tendant à lui infliger " les mesures portant sanction(s) disciplinaire(s) " de " désarmement ", de " relève de son commandement ", de " renvoi en France " et d'" ordre de prendre l'avion le 9 janvier 2018 " ainsi que les décisions, formalisées, des 9 janvier et 1er mars 2018 et d'autre part, à l'annulation de la décision du 29 avril 2019. Par la requête enregistrée sous le n° 21NC00905, M. A... relève appel du jugement en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des différentes décisions non formalisées et des mesures disciplinaires des 9 janvier et 1er mars 2018.
Sur la régularité du jugement attaqué :
En ce qui concerne les décisions des 9 janvier et 1er mars 2018 :
3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 de ce code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I. - Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. Le recours administratif formé auprès de la commission conserve le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention de la décision prévue à l'article R. 4125-10. Sous réserve des dispositions de l'article L. 213-6 du code de justice administrative, tout autre recours administratif, gracieux ou hiérarchique, formé antérieurement ou postérieurement au recours introduit devant la commission, demeure sans incidence sur le délai de recours contentieux. / (...) III. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes ou de décisions : 1° Concernant le recrutement du militaire, l'exercice du pouvoir disciplinaire, ou pris en application de l'article L. 4139-15-1 ; (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a notamment demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions des 9 janvier et 1er mars 2018 ne lui attribuant pas la médaille d'outre-mer agrafe " Sahel " à titre disciplinaire et lui infligeant une sanction de 10 jours d'arrêts. Les deux recours exercés devant la commission des recours des miliaires contre ces actes ont été rejetés pour incompétence les 2 et 19 mars 2018, le recours ayant donné lieu à la décision du 29 avril 2019 précédemment mentionné ne concernant, pour sa part, que la contestation de la décision mettant fin à l'habilitation " secret défense ". Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le recours hiérarchique exercé par l'intéressé à l'encontre des décisions des 9 janvier et 1er mars 2018 a été rejeté par une décision du chef de l'état-major de l'armée de Terre du 1er juin 2018. Cette décision a été notifiée le 7 juin 2018 et comportait la mention des voies et délais de recours. La demande de M. A... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Strasbourg le 25 juin 2019. Cette demande était dès lors tardive. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions des 9 janvier et 1er mars 2018 comme tardives et donc irrecevables.
En ce qui concerne les décisions non formalisées de " désarmement ", de " relève de son commandement ", de " renvoi en France " et d'" ordre de prendre l'avion le 9 janvier 2018 " :
5. Sauf dans le cas où des dispositions législatives ou réglementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. Ce délai n'est pas réouvert par l'intervention d'une décision implicite ou explicite sur un second recours gracieux ou hiérarchique, alors même que celui-ci a été présenté dans les deux mois à compter du jour où le délai a normalement commencé à courir, un second recours administratif ne conservant pas le délai de recours contentieux.
6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a manifesté sa connaissance des décisions non formalisées qu'il conteste, au plus tard, le 20 février 2018, date à laquelle il a exercé un recours devant la commission des recours des militaires en décrivant avec précision le déroulement de la fin de son mandat en OPEX et son rapatriement. Contrairement à ce qu'il soutient, M. A..., dès son retour en France au mois de janvier 2018, a exercé à de nombreuses reprises des recours concernant sa situation. En outre, et en tout état de cause, M. A... n'apporte aucun élément relatif à la situation personnelle ou médicale de nature à justifier que la juridiction n'ait pu être saisie que le 25 juin 2019. Par suite, M. A... ne justifie pas que des circonstances particulières imposeraient qu'un délai raisonnable supérieur à un an lui soit accordé. La demande de M. A... n'ayant été enregistrée que le 25 juin 2019 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg, soit plus d'une année après le 20 février 2018, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de ces décisions non formalisées comme tardives et donc irrecevables.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation des mesures non formalisées et des décisions des 9 janvier et 1er mars 2018 prononcées à titre disciplinaire.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023
Le rapporteur,
Signé : A. DenizotLa présidente,
Signé : A. Samson-Dye
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
N° 21NC00905