Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2201238 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Abdelli, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2201238 du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à défaut, dans ce même délai, de procéder au réexamen de sa situation personnelle dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé, notamment au regard du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la loi n° 79-587 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- il est entaché de nombreuses erreurs de faits ;
- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car sa femme et ses enfants vivent en France ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne pourra pas avoir au Liban le même suivi, ni le même traitement, que celui dont il bénéficie en France ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25 % par une décision du 9 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 18 janvier 1959 et de nationalité libanaise, est entré en France sous couvert d'un visa C valable du 10 août 2017 au 9 août 2020 et s'est maintenu sur le territoire français depuis lors. Par une demande du 7 février 2022, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalent de son état de santé. Par un arrêté du 1er juillet 2022, le préfet du Doubs a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement n° 2201238 du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
3. Il résulte de ces dispositions que la partie qui justifie d'un avis du collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. L'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 juin 2022 indique que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du Liban, l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est suivi en France depuis 2018 pour une exacerbation de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) de stade III pouvant entraîner dyspnée et douleurs thoraciques associées à des toux et des expectorations et que son état de santé nécessite un traitement médicamenteux, des examens radiologiques deux fois par an et a justifié une rééducation respiratoire. A ce titre, M. A... est suivi par le service de pneumologie, oncologie thoracique et allergologie respiratoire du centre hospitalier universitaire de Besançon. Pour contester l'avis du collège des médecins selon lequel il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays, le requérant produit un certificat médical du 25 juillet 2022 d'un médecin pneumologue libanais certifiant qu'aucune pharmacie au Liban ne peut actuellement fournir son traitement et qu'un arrêt de celui-ci même pour vingt-quatre heures pourrait avoir des conséquences dramatiques. Alors que le requérant apporte un élément de nature à démontrer qu'il n'existerait pas, à la date de l'arrêté litigieux, d'offre de soins de nature à lui délivrer le traitement dont il a besoin dans son pays d'origine, le préfet n'apporte en défense aucun élément de nature à contredire ce certificat d'un médecin spécialisé d'un hôpital libanais. Dans ces conditions, la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article L. 425-9 précité et doit être annulée pour ce motif ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
7. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".
8. Eu égard à ses motifs, cette annulation n'implique pas nécessairement qu'un titre de séjour soit délivré à M. A.... En revanche, elle implique qu'il soit enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant cette attente, en application des dispositions de l'article L. 614-16 précité, une autorisation provisoire de séjour. Il n'a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25%. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Abdelli, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Abdelli de la somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2201238 du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Besançon et l'arrêté du préfet du Doubs du 1er juillet 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Abdelli une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Abdelli renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Abdelli et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : A. Samson-Dye
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 23NC00310