Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre des années 2011 et 2012.
Par un jugement n° 2000168 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 mai 2021, M. A..., représenté par Me Fischbach, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il est justifié par des documents suffisamment probants que la somme de 200 000 euros encaissée le 17 janvier 2012 correspond au remboursement de son compte courant de gérant dans la société Foncière Arizona ; par conséquent, la cause de ce versement étant justifiée par le remboursement d'une créance, la somme de 200 000 euros ne saurait constituer un revenu imposable ;
- il en va exactement de même s'agissant de la somme de 12 000 euros encaissée le 21 avril 2012 correspondant au remboursement partiel de l'avance de 18 000 euros qu'il a faite à la société Aqualia en sa qualité de gérant ;
- l'administration ne rapporte pas la preuve d'un manquement délibéré en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée lesquels n'ont été imposés qu'en l'absence de pièces justificatives ce qui n'est pas constitutif de l'intention délibérée d'éluder l'impôt au sens de la jurisprudence du Conseil d'Etat.
Par un mémoire enregistré le 28 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... étaient associés et dirigeants de la société Sofim, soumise à l'impôt sur les sociétés, spécialisée dans l'acquisition et la location de bâtiments à usage industriel, commercial ou d'habitation au travers de prises de participation dans des sociétés civiles immobilières. M. A... exerce par ailleurs la profession d'expert-comptable. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au cours de l'année 2014 ayant concerné les années 2011 et 2012. Par proposition de rectification du 23 décembre 2014, le service a porté à leur connaissance, d'une part, qu'il envisageait selon la procédure contradictoire de rectification, la réintégration de diverses sommes dans leurs revenus de capitaux mobiliers et leurs revenus fonciers imposables, d'autre part, qu'il procèderait à la taxation d'office de diverses sommes en tant que revenus d'origine indéterminée en l'absence de réponse à une demande d'éclaircissement ainsi qu'à une mise en demeure, sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales. Les rectifications ont été partiellement maintenues par lettre du 30 juillet 2015 en réponse aux observations des intéressés ainsi qu'à la suite d'une entrevue avec l'interlocuteur interrégional. Les impositions supplémentaires, assorties de la pénalité pour manquement délibéré, ont été mises en recouvrement au cours des années 2016 et 2017 et les réclamations préalables des contribuables ont donné lieu à une décision d'admission partielle du 7 mars 2019 puis une décision de rejet du 25 novembre 2019. M. A... relève appel du jugement du 1er avril 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions dues pour l'année 2012 à la suite de la taxation d'office de la somme totale de 212 000 euros au titre de revenus d'origine indéterminée et a rejeté sa demande tendant à la décharge de la pénalité pour manquement délibéré appliquée à l'ensemble des revenus d'origine indéterminée.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas du jugement attaqué que les premiers juges auraient omis de statuer sur certaines des conclusions de sa demande. Ils ont par ailleurs répondu de manière suffisante à tous les moyens invoqués par M. A... à l'appui de ses conclusions.
3. Si M. A... soutient que le jugement attaqué est entaché de dénaturation des pièces du dossier, une telle erreur serait sans influence sur sa régularité et n'est susceptible d'être examinée que dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur l'existence de revenus d'origine indéterminée pour la somme de 212 000 euros au titre de l'année 2012 :
4. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements.(...)/ Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 €.(...)/Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur ". Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. /Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". En vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, en cas de taxation d'office le contribuable supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions.
5. Il est constant que M. A... a encaissé le 21 avril 2012 sur un compte bancaire ouvert auprès de la banque CIC un chèque de 12 000 euros tiré par la SCI Aqualia dont il est gérant sans en être pour autant associé. Il est également constant qu'une somme de 200 000 euros a été virée le 17 janvier 2012 au crédit d'un compte bancaire de M. A... ouvert auprès de la Banque Populaire Lorraine Champagne par la SCI Arizona dont il est gérant sans en être pour autant associé. Il résulte de l'instruction, notamment de la décision de rejet de la réclamation du 25 novembre 2019 et des pièces produites par le requérant, que l'administration reconnaît que M. A... a prêté à la SCI Aqualia en dernier lieu une somme de 18 000 euros le 1er décembre 2011, portant le total des avances faites par lui à cette société à 41 813,11 euros au 31 décembre 2011. Il résulte également de l'instruction, notamment des pièces produites par le requérant, en particulier un décompte émanant d'un notaire, et de la décision de rejet du 25 novembre 2019 précitée, que M. A... a prêté à la SCI Arizona une somme de 389 400 euros le 9 juin 2008 afin de lui permettre de faire l'acquisition d'un immeuble. Il se déduit de ces éléments de fait que les versements effectués en 2012 à son profit par les deux sociétés débitrices de M. A... ont nécessairement eu pour effet de réduire leurs dettes à son égard en l'absence de tout autre versement constaté au cours de cette même année, ainsi qu'il ressort des pièces produites par l'intéressé en réponse à la mesure d'instruction ordonnée par cette cour. Dans ces circonstances, alors même que M. A... n'était pas associé de ces deux sociétés, les deux encaissements litigieux constatés par l'administration sur ses comptes bancaires au cours de l'année 2012 doivent être regardés comme des remboursements partiels des avances qu'il avait consenties aux sociétés Arizona et Aqualia. Par suite, M. A... rapporte la preuve que les sommes ci-dessus analysées ne sont pas constitutives de revenus imposables.
Sur les pénalités :
6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
7. Il résulte de ce qui précède que les impositions supplémentaires découlant de la taxation d'office des sommes de 12 000 euros et 200 000 euros en tant que revenus d'origine indéterminée au titre de l'année 2012 sont mal fondées. Par suite, les pénalités pour manquement délibéré ayant assorti ces impositions sont elles-mêmes privées de base légale et M. A... est, dès lors, fondé à en demander la décharge.
8. En revanche, s'agissant des autres revenus d'origine indéterminée taxés au titre des années 2011 et 2012, il ressort de la proposition de rectification que M. A... a encaissé au cours des années litigieuses sur ses comptes bancaires diverses sommes dont le caractère imposable en tant que revenus d'origine indéterminée n'est pas contesté. Afin de justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré, l'administration, après avoir relevé la nature et l'importance des sommes en cause, a fait valoir que M. A..., en sa qualité d'expert-comptable et de dirigeant de sociétés, dont il était associé, ne pouvait avoir ignoré la perception de ces revenus qu'il avait ainsi entendu dissimuler. En se bornant à soutenir que ces sommes n'ont été imposées que faute pour lui d'en avoir retrouvé les justificatifs, M. A... ne renverse pas les éléments de preuve réunis par l'administration démontrant que c'est sciemment dans le but d'éluder les impositions correspondantes qu'il n'a pas déclaré ces revenus.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions ci-dessus visées et des pénalités correspondantes, à l'exclusion des pénalités mentionnées au point 8 ci-dessus.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2000168 du 1er avril 2021du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. A... tendant à la décharge des impositions qui lui ont été assignées au titre de l'année 2012 à la suite de la taxation d'office de la somme totale de 212 000 euros en tant que revenus d'origine indéterminée.
Article 2 : La somme de 212 000 euros est déduite du revenu global imposable de M. et Mme A... au titre de l'année 2012.
Article 3 : M. A... est déchargé, en droits et pénalités, au titre de l'année 2012, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en conséquence de la réduction de base prononcée à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 21NC01567
2