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30/01/2024 | FRANCE | N°23NC01007

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 30 janvier 2024, 23NC01007


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 25 février 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de de séjour au regard de sa présence et de sa vie privée et familiale en France.



Par un jugement n° 2006741 du 5 janvier 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, en

registrée le 30 mars 2023, M. D... A..., représenté par Me Roussel, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 25 février 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de de séjour au regard de sa présence et de sa vie privée et familiale en France.

Par un jugement n° 2006741 du 5 janvier 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2023, M. D... A..., représenté par Me Roussel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006741 du tribunal administratif de Strasbourg du 5 janvier 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 25 février 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

Il soutient que :

- l'arrêté en litige du 25 février 2020 a été pris par une autorité incompétente ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- eu égard à la durée de son séjour en France, il appartenait au préfet de saisir la commission du titre de séjour ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la demande.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A... est un ressortissant géorgien d'origine arménienne, né le 11 juin 1978. Il a déclaré être entré en France le 19 août 2008 afin d'y solliciter l'asile. Le 5 novembre 2008, il a présenté une demande en ce sens, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 novembre 2008, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 13 octobre 2009, de même que sa demande de réexamen. Le 10 décembre 2018, le requérant a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 3 juin 2019, cette demande s'est heurtée, le 2 juillet 2019, à un refus du préfet du Haut-Rhin. Le 11 décembre 2019, l'intéressé a de nouveau sollicité son admission au séjour au regard de sa présence et de sa vie privée et familiale en France. Toutefois, par une décision du 25 février 2020, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à cette demande. M. A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de cette dernière décision. Il relève appel du jugement n° 2006741 du 5 janvier 2022 qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige du 25 février 2020 a été signée, " pour le préfet et par délégation ", par M. B... C..., directeur de la réglementation. Or, par un arrêté du 2 septembre 2019, régulièrement publié le lendemain au recueil n° 58 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Haut-Rhin a consenti à M. C... une délégation de signature à l'effet de signer notamment, dans le cadre de ses attributions et compétences, les décisions portant refus de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que M. A... est marié avec une compatriote, qui réside régulièrement en France sous couvert d'une carte de séjour valable du 24 juillet 2018 au 23 juillet 2020. Dans ces conditions, le requérant, qui entre dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial, ne saurait utilement se prévaloir du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause doit être écarté comme inopérant.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / (...) ".

6. Si M. A... fait valoir qu'il est entré en France le 19 août 2008, il ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision en litige du 25 février 2020. Par suite et alors qu'il a exécuté une peine de deux mois d'emprisonnement le 27 septembre 2014, puis a été écroué à la maison d'arrêt de Mulhouse du 13 juin 2017 au 8 septembre 2018, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de lui opposer un refus de délivrance d'un titre de séjour.

7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.

9. M. A... fait valoir qu'il est présent sur le territoire français depuis le 19 août 2008. Il se prévaut également de la présence régulière de son épouse, titulaire d'une carte de séjour valable du 24 juillet 2018 au 23 juillet 2020, de la scolarisation de leur trois fils, nés respectivement les 14 août 2002, 29 décembre 2003 et 16 mai 2009, de la naissance en France du dernier et du contrat d'apprentissage souscrit par l'aîné depuis le 9 mars 2021 comme employé commercial de magasin. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé ne justifie pas de la continuité de son séjour sur le territoire français et qu'il a attendu le 10 décembre 2018 pour solliciter la délivrance d'un titre de séjour. En dehors de son épouse et de ses enfants, il n'établit pas avoir des attaches familiales ou personnelles en France. L'intéressé, qui ne parle, ni ne comprend le français, ne démontre pas davantage avoir cherché à s'intégrer dans la société française. Il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans et où réside encore sa mère. M. A..., qui est défavorablement connu par les services de police, a fait l'objet de onze condamnations pénales, les 3 août 2009, 21 novembre 2009, 21 février 2011, 21 avril 2011, 17 novembre 2011, 24 octobre 2012, 21 février 2014, 11 janvier 2016, 10 mars 2017, 28 mars 2017 et 14 juin 2017, notamment pour des faits de vol, de vol en réunion, de vol avec destruction ou dégradation, de port sans motif légitime d'une arme blanche ou incapacitante de catégorie D ou encore de conduite d'un véhicule terrestre à moteur sans permis ou sans assurance. En exécution de ces condamnations, il a été écroué à la maison d'arrêt de Mulhouse du 13 juin 2017 au 8 septembre 2018. Eu égard à la nature, à la gravité, à la réitération et au caractère relativement récent des infractions commises par l'intéressé, son comportement était de nature, à la date de la décision en litige, à troubler l'ordre public en France. Par suite et alors que, au demeurant, M. A... est susceptible, le cas échéant, de bénéficier d'une mesure de regroupement familial et qu'il ne saurait utilement soutenir, eu égard au pouvoir discrétionnaire du préfet en ce domaine, qu'une telle procédure ne pourrait aboutir en l'absence de ressources suffisantes de son épouse, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du préfet du Haut-Rhin du 25 février 2020, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

La présidente,

Signé : S. BAUER

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC01007 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01007
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : ROUSSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;23nc01007 ?
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