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29/02/2024 | FRANCE | N°23NC00701

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 29 février 2024, 23NC00701


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année et l'a informé de son signalement dans le système d'information Schengen.



Par un jugement n° 22

06562 du 1er février 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année et l'a informé de son signalement dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2206562 du 1er février 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mars 2023, M. F..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 1er février 2023 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 octobre 2022 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de l'admettre provisoirement au séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Airiau, avocat de M. F..., de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision a été prise en méconnaissance du droit à une bonne administration, du droit à être entendu et du principe général du droit de l'Union européenne du respect des droits de la défense ;

- en raison du risque que son enfant, citoyen de l'Union européenne, soit obligé de l'accompagner, la décision méconnaît l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, la décision méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants ;

S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire :

- la décision porte une atteinte à sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- en méconnaissance de l'article L. 712-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il était accompagné d'un enfant mineur, ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, et ne pouvait être éloigné à destination de l'Algérie ;

S'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée et le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste des conséquences que cela entraine sur l'entrée et le séjour des autres Etats membres de l'Union européenne ;

- la décision, en fixant à une année la durée d'interdiction de retour, porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

27 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant algérien né le 31 août 1992, serait entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 2016 en vue de solliciter la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Dans le dernier état de la procédure, à la suite de l'interpellation de l'intéressé, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 3 octobre 2022, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année et l'a informé de son signalement dans le système d'information Schengen. M. F... relève appel du jugement du 1er février 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé, notamment par son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013, les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

3. Dans le cadre ainsi posé, et s'agissant plus particulièrement des décisions relatives au séjour des étrangers, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans ses arrêts C-166/13 Sophie Mukarubega du 5 novembre 2014 et C-249/13 Khaled Boudjlida du 11 décembre 2014, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

4. Enfin, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du 10 septembre 2013 cité au point 4, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

5. En l'espèce, si M. F... soutient qu'il a été privé du droit d'être entendu, il ne se prévaut d'aucun élément pertinent qu'il aurait été empêché de faire valoir et qui aurait pu influer sur le contenu de la décision. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit, en conséquence, être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. F... est le père d'un enfant né le

9 septembre 2021 à Strasbourg, d'une mère, de nationalité espagnole, résidant sur le territoire français.

M. F... est entré sur le territoire français au cours de l'année 2016 et a participé à des actions de bénévolat à partir de mars 2022. Toutefois, M. F... est célibataire, séparé de Mme E... D.... Si M. F... se prévaut d'une attestation dactylographiée du

22 décembre 2022 qui émanerait de Mme E... D..., indiquant que

M. F... participerait à l'entretien de son enfant, une telle attestation, sans autre élément, ne suffit pas à établir la nature réelle des liens que M. F... aurait tissé avec son enfant. De plus, M. F..., qui a déclaré lors de son audition par les services de police, n'avoir aucun enfant à charge et vouloir uniquement entamer des démarches auprès du juge des enfants pour " faire des visites " ne se prévaut d'aucun autre élément qui permettrait d'établir la réalité et l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec son fils. Par ailleurs, M. F... n'est pas dépourvu de toute attache familiale en Algérie où résident ses parents ainsi que ses frères et sœurs. Dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit également être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ; [...] Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci ". L'article 21 de ce traité dispose que : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application ". Aux termes de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, intitulé " Droit de séjour de plus de trois mois " : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois : [...] b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil [...] 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) ". L'article 8 du même texte dispose que : " (...) 4. Les États membres ne peuvent pas fixer le montant des ressources qu'ils considèrent comme suffisantes, mais ils doivent tenir compte de la situation personnelle de la personne concernée. Dans tous les cas, ce montant n'est pas supérieur au niveau en-dessous duquel les ressortissants de l'État d'accueil peuvent bénéficier d'une assistance sociale ni, lorsque ce critère ne peut s'appliquer, supérieur à la pension minimale de sécurité sociale versée par l'État membre d'accueil ".

9. Aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui transpose les dispositions précitées de la directive du 29 avril 2004 : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ". L'article L. 233-2 du même code dispose que : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois ".

10. Les dispositions précitées, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes. L'Etat membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie. Dans pareille hypothèse, l'éloignement forcé du ressortissant de l'Etat tiers et de son enfant mineur ne pourrait, le cas échéant, être ordonné qu'à destination de l'Etat membre dont ce dernier possède la nationalité ou de tout Etat membre dans lequel ils seraient légalement admissibles.

11. Pour les mêmes motifs qu'exposés au point 7 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que son enfant serait à la charge de M. F.... En outre, M. F... n'établit pas bénéficier de ressources suffisantes. Par suite, M. F..., en se prévalant uniquement de la nationalité espagnole de son fils, à supposer même cette nationalité établie, n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des articles 20 et 21 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

12. Pour les mêmes motifs qu'exposés au point 7 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. F... porterait atteinte à sa vie privée et familiale. Ce moyen doit donc être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, il n'est pas établi que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite, M. F... n'est pas fondé à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être renvoyé.

14. En second lieu, aux termes de l'article L. 711-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'exécution d'une décision mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 700-1, l'étranger rejoint le pays dont il a la nationalité ou tout pays, autre qu'un Etat membre de l'Union européenne, la République d'Islande, la Principauté du Liechtenstein, le Royaume de Norvège ou la Confédération suisse, dans lequel il est légalement admissible. / Toutefois, si l'étranger est accompagné d'un enfant mineur ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un des États énumérés au premier alinéa et dont il assure seul la garde effective, il est seulement tenu de rejoindre un de ces États. / L'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut solliciter un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine ".

15. D'une part, en se prévalant uniquement de la circonstance que Mme E... D... a fait l'objet d'une ordonnance du 16 août 2022 du tribunal pour enfants de B... aux fins d'examen psychiatrique notamment pour évaluer, au vu de son état de santé mentale, ses capacités de prise en charge de ses enfants, M. F... n'établit pas que Mme E... D... ne disposerait pas de la garde effective de leur enfant. D'autre part, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment aux points 7 et 11 du présent arrêt, M. F... n'établit pas assurer la garde de son enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 11 qu'il n'est pas établi que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite,

M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

17. En deuxième lieu, la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

18. En l'espèce, la décision portant interdiction de retour sur le territoire vise les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que l'examen de la situation de l'intéressé a été fait en tenant compte des critères cités par l'article L. 612-6 du code précié, que M. F..., qui se maintient irrégulièrement en France, a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement qu'il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale suffisante sur le territoire français. La décision contestée précise également que le comportement de M. F... constitue une menace pour l'ordre public. La préfète du Bas-Rhin a ainsi motivé sa décision au regard de tous les critères prévus à l'article L. 612-10 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que la décision serait insuffisamment motivée doit être écarté comme manquant en fait. De même il ne ressort pas des pièces du dossier ou des termes de la décision contestée que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. F....

19. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France de l'intéressé.

20. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, le 26 avril 2019, qui n'a pas été exécutée. En outre, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. F... n'établit pas disposer de liens familiaux intenses et stables en France, notamment à l'égard de son fils et de la mère de celui-ci. Par suite, contrairement à ce que soutient M. F..., en fixant à une année la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas méconnu le droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées. De même, la décision contestée n'est, en tout état de cause, pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. F....

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F..., à Me Airiau et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Kohler, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : J. Kohler

La greffière,

Signé : A. Heim

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

A. Heim

2

N° 23NC00701


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00701
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme KOHLER
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: Mme PICQUE
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;23nc00701 ?
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