La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/05/2024 | FRANCE | N°20NC00519

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 14 mai 2024, 20NC00519


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiées (SAS) Brisard Dampierre a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner in solidum ou de manière divise le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Doubs, la société Bâtiments Energies Assistance et la société Frédéric Borel Architecture à lui verser une somme de 1 043 453,13 euros TTC, assortie des intérêts moratoires contractuels et de la capitalisation des intérêts, au titre des lots 3A et 3B de l'op

ration de construction du centre de secours de Besançon Brûlard et de l'état-major du groupem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) Brisard Dampierre a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner in solidum ou de manière divise le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Doubs, la société Bâtiments Energies Assistance et la société Frédéric Borel Architecture à lui verser une somme de 1 043 453,13 euros TTC, assortie des intérêts moratoires contractuels et de la capitalisation des intérêts, au titre des lots 3A et 3B de l'opération de construction du centre de secours de Besançon Brûlard et de l'état-major du groupement territorial Ouest à Besançon.

Par un jugement n° 1301451 du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Besançon a donné acte du désistement d'office des conclusions d'appel en garantie et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la société Bâtiments Energies Assistance. Il a condamné le SDIS du Doubs à verser à la société Brisard Dampierre, au titre du solde du lot 3A, d'une part, la somme de 141,90 euros correspondant aux intérêts moratoires contractuels ayant couru sur la somme de 37 126,93 euros entre le 13 et le 30 avril 2013 et, d'autre part, la somme de 16 744 euros TTC assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 13 avril 2013, et au titre du solde du lot 3B, d'une part, la somme de 119,71 euros correspondant aux intérêts moratoires contractuels ayant couru sur la somme de 31 321,32 euros entre le 13 et le 30 avril 2013 et, d'autre part, la somme de 4 186 euros TTC assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 13 avril 2013, les intérêts étant capitalisés à compter du 13 avril 2014. Le tribunal a enfin mis à la charge du SDIS du Doubs la somme de 1 500 euros à verser à la société Frédéric Borel Architecture au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 février 2020, 19 et 21 juillet 2022, et 28 septembre 2022, la société Brisard Dampierre, représentée par Me Levy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le SDIS du Doubs, solidairement ou non avec les sociétés Bâtiments Energies Assistance et Frédéric Borel Architecture, ou qui mieux le devra d'entre elles, à lui verser une somme de 1 043 453,13 euros TTC, assortie des intérêts moratoires contractuels et de la capitalisation des intérêts, au titre des lots 3A et 3B de l'opération de construction du centre de secours de Besançon Brûlard et de l'état-major du groupement territorial Ouest à Besançon ;

3°) de rejeter les conclusions dirigées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge du SDIS du Doubs, solidairement ou non avec les sociétés Bâtiments Energies Assistance et Frédéric Borel Architecture, une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la norme AFNOR NP F03-001 a valeur contractuelle, pour l'ensemble de ses dispositions ; il y a lieu d'en faire une application combinée avec le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux (CCAG travaux) dans sa version approuvée par arrêté du 8 septembre 2009 ; le maître d'ouvrage est réputé avoir tacitement accepté son projet de décompte, sur le fondement de l'article 19.6.2 de cette norme, le maître d'ouvrage n'ayant notifié son décompte général que postérieurement ;

- elle pouvait rechercher tout à la fois la responsabilité du maître d'ouvrage et celle des maîtres d'œuvre ;

- elle a été mise en cause de manière intempestive et a fait l'objet de pénalités abusives, qu'elle a contestées contrairement à ce qu'indiquent les premiers juges puisque ses projets de décompte excluaient de telles pénalités et que son mémoire en réclamation n'avait pas accepté l'application arbitraire de ces pénalités ; ces fautes sont imputables au maître de l'ouvrage, dans le cadre de la définition du projet et de ses pouvoirs de direction et de contrôle, mais aussi au maître d'œuvre ;

- elle a droit à être indemnisée de l'ensemble des travaux modificatifs qu'elle a exécutés à la suite d'avenants régularisés, pour 56 025 euros HT, ou d'ordre de service émanant de la maîtrise d'œuvre ou du maître d'ouvrage, pour 18 600 euros HT ; compte tenu du montant initial des marchés et des sommes qui lui ont été versées, il lui reste à percevoir une somme de 59 658,26 euros HT, soit 71 351,28 euros TTC ; elle demande la condamnation solidaire du maître d'ouvrage et du maître d'œuvre, ou de qui mieux le devra ;

- elle a droit, au titre des études techniques supplémentaires, à 67 698 euros HT, pour des études qu'elle a dû réaliser à la place de la maîtrise d'œuvre, consistant en des études d'exécution (EXE), qui relevaient de la compétence de la maîtrise d'œuvre selon l'article 10.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), qui ne saurait être interprété comme imposant au titulaire du marché de compenser les insuffisances de la maîtrise d'œuvre ; c'est à tort que les premiers juges ont procédé à une évaluation forfaitaire, et insuffisante au regard de l'architecture complexe du projet, du montant à prendre en considération ; le dossier qui lui a été remis ne relevait pas de la phase projet (PRO) mais constituait un avant-projet ; les documents qu'elle a réalisés du fait de la carence de la maîtrise d'œuvre ont été approuvés de manière sporadique et souvent au-delà du délai de 15 jours, avec des demandes de modification résultant de l'insuffisante définition du projet par le maître d'ouvrage ; alors qu'il était prévu, en tenant compte des travaux supplémentaires, un budget de 35 739 euros HT pour 709 heures, les dépenses réelles ont été valorisées à 103 437 euros HT pour 2 052 heures, soit un surcoût de 67 698 euros HT ; les prestations supplémentaires en études techniques doivent être rémunérées par le maître d'ouvrage dès lors qu'elles résultent des modifications du projet ou de ses lacunes, et s'agissant de prestations supplémentaires, indispensables et imprévues ; elle demande la condamnation solidaire du maître d'ouvrage et du maître d'œuvre, ou de qui mieux le devra ;

- le délai qui lui était imparti pour réaliser les travaux s'achevait au 9 février 2012 selon l'acte d'engagement, mais au 9 mars 2012 d'après l'ordre de service de démarrage ; il n'y avait pas lieu à prolongation au titre des jours d'intempérie, la prolongation du délai d'exécution n'a pas de valeur contractuelle en l'absence d'avenant prévoyant expressément une prolongation ; elle a subi de ce fait un dérapage incontrôlé des délais pour des causes qui ne lui étaient pas imputables, et résultant d'un projet qui a dû être réétudié, compte tenu de l'état d'avancement des études qui lui avaient été fournies, ainsi que du retard dans l'exécution des tâches devant intervenir en amont des travaux des lots 3A et 3B ; la période de mise en œuvre, initialement estimée à 15 semaines, a duré en réalité 59 semaines ; les causes des difficultés et des dérapages des délais sont récapitulées dans son mémoire en réclamation, qu'elle joint et auquel elle se réfère expressément ; le maître d'ouvrage ne lui a pas fait bénéficier des conditions d'exécution prévues par le contrat, en raison de ses fautes ; le retard résulte également de fautes du maître d'œuvre ; le caractère tardif du projet d'avenant n° 3 et de l'ordre de service n° 11 démontre un allongement anormal des délais ; l'économie du marché a été bouleversée au regard du montant des sommes qu'elle demande, comparé au montant initialement prévu pour le marché ; elle a rencontré des difficultés dans l'exécution de ses prestations contractuelles qui lui ont causé des préjudices, globalement évalués pour les deux lots à 705 359 euros HT, qu'il appartient au maître d'ouvrage d'indemniser ; ce montant inclut une perte de rendement et une immobilisation du personnel de mise en œuvre, évaluée à 343 472 euros HT, des frais de chantier supplémentaires, pour 104 770 euros HT et 26 311 euros HT, une perte en amortissement des charges fixes et marge bénéficiaire évaluée à 138 558 euros HT, une immobilisation du service travaux pour encadrement et administration du marché au-delà du délai prévu, pour 27 911 euros HT et les coûts liés à la gestion technico administrative des conditions anormales d'exécution et à l'audit, pour 64 337 euros HT ; elle demande la condamnation solidaire du maître d'ouvrage et du maître d'œuvre, ou de qui mieux le devra ;

- les entreprises candidates ont calculé leur prix en fonction de la durée d'achèvement prévue et ont accepté une formule de calcul de variation des prix avec une partie fixe de neutralisation sur la période contractuelle, de sorte que le maître d'ouvrage, responsable du respect des conditions initiales d'exécution, doit les indemniser de leur préjudice en terme de variation des prix, tenant à l'inflation sur les coûts de revient des travaux ; le montant cumulé des variations de prix s'élève à un montant négatif de 8 934,32 euros HT ;

- elle a droit à des intérêts moratoires sur les acomptes mensuels des lots 3A et 3B, supérieurs à ceux calculés par la société d'équipement du département du Doubs (SEDD), qui ne les a pas fait courir à compter de la date de paiement augmentée de deux jours, et qui a pratiqué des retenues abusives ; il lui reste dû à ce titre un montant de 61 804 euros, les intérêts ne générant pas de TVA ; le jugement doit être réformé sur ce point ;

- il y aurait lieu, le cas échéant, d'ordonner une mesure d'expertise.

Par un mémoire enregistré le 16 avril 2020, la société Frédéric Borel Architecte représentée par Me Broglin, conclut :

- au rejet des conclusions dirigées à son encontre ;

- à ce que le versement d'une somme de 3 000 euros soit mis à la charge de la société Brisard Dampierre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- subsidiairement, à ce que la société Bâtiments Energies Assistance soit condamnée à la relever et garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre et à ce que le versement d'une somme de 3 000 euros soit mis à la charge de cette société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées à son encontre par la société requérante sont prescrites, du fait de l'expiration du délai de cinq ans courant à compter de la notification de son projet de décompte final, le 19 décembre 2012, voire de la notification de son mémoire en réclamation le 17 avril 2013, alors que ces conclusions n'ont été présentées que dans un mémoire enregistré le 14 novembre 2018 ;

- les conclusions d'appel en garantie de la société d'équipement du département du Doubs (SEDD) et du SDIS du Doubs sont irrecevables, compte tenu du caractère définitif du décompte général du marché de maîtrise d'œuvre, qui ne comporte aucune réserve ou mention concernant l'appel en garantie ;

- subsidiairement, la norme AFNOR NP F03-001, qui n'est mentionnée que dans le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), n'est pas applicable ; une faute dans l'exécution du contrat de maîtrise d'œuvre ne pourrait être invoquée par un tiers ; aucune faute quasi-délictuelle n'est établie ; la société Brisard Dampierre n'est pas fondée à réclamer la somme de 80 966,81 euros TTC au titre de travaux d'études supplémentaires, les plans EXE dus par la maîtrise d'œuvre sont ceux fournis dans le DCE, tous les autres plans étant dus par l'entreprise qui doit fournir des plans d'exécution, ainsi que le prévoient les articles 1.10.01 et 1.10.02 du CCTP, le chiffrage n'est pas étayé d'éléments justificatifs probants ; la somme de 843 609,36 euros TTC réclamée par la société Brisard Dampierre au titre des difficultés du chantier n'est pas justifiée dès lors que le retard n'est pas imputable à la maîtrise d'œuvre, que la société requérante est partiellement à l'origine du retard qui a été constaté et que ses préjudices ne sont pas sérieusement justifiés ;

- en cas de condamnation, elle est fondée à appeler en garantie son cotraitant, dès lors que la conception et le suivi des travaux relevaient de la société Bâtiments Energies Assistance.

Par un mémoire enregistré le 16 mars 2021, la société Bâtiments Energies Assistance, venant aux droits de la société AC Ingénierie, représentée par Me Briand, conclut :

- au rejet des conclusions dirigées à son encontre ;

- subsidiairement, à ce que la société Frédéric Borel Architecte soit condamnée à la relever et garantir de toute condamnation dirigée à son encontre, à ce que la somme susceptible d'être accordée à la société Brisard Dampierre soit réduite à de plus justes proportions et à ce qu'une part de responsabilité prépondérante de cette société soit retenue ;

- à ce que le versement d'une somme de 5 000 euros soit mis à la charge de tout succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées à son encontre par la société requérante, qui ne peuvent être présentées que sur un fondement quasi-délictuel, sont prescrites, du fait de l'expiration du délai de cinq ans courant à compter du rejet tacite de sa réclamation préalable, le 1er juin 2013, alors que ces conclusions n'ont été formulées que dans un mémoire enregistré le 14 novembre 2018 ;

- les conclusions d'appel en garantie de la SEDIA, nouvelle appellation de la SEDD, sont irrecevables, compte tenu du caractère définitif du décompte général du marché de maîtrise d'œuvre, qui n'a fait l'objet d'aucune réserve ;

- subsidiairement, la société requérante ne peut pas prétendre obtenir de la part de l'équipe de maîtrise d'œuvre une somme d'argent supplémentaire ou supérieure à celle qu'elle a déjà obtenue de la part du maître d'ouvrage au titre de ses réclamations ; le juge n'est pas tenu de prononcer de condamnation solidaire du maître d'ouvrage et du groupement de maîtrise d'œuvre ; le maître d'ouvrage doit être réputé avoir renoncé à se prévaloir à l'égard de la maîtrise d'œuvre des conséquences financières de la contestation du décompte des marchés dont la société requérante était titulaire ; elle n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité, étant précisé que la société Frédéric Borel Architecte était également chargée de la conception du projet et du suivi des travaux ; la société requérante ne démontre ni la réalité des coûts qu'elle dit avoir exposés, ni que ces coûts caractériseraient des surcoûts correspondant à des prestations qu'elle ne devait pas au titre de son marché ou qu'il lui était impossible d'évaluer correctement au moment de soumettre son offre ; la société requérante aurait vocation, à tout le moins, à supporter une part de responsabilité très largement majoritaire quant aux surcoûts qu'elle aurait supportés ;

- la société Frédéric Borel Architecte doit être condamnée à la relever et garantir des conclusions dirigées à son encontre ;

- l'expertise, qui n'est demandée qu'à titre infiniment subsidiaire, n'est pas utile compte tenu de l'irrecevabilité manifeste des conclusions de la requérante et présenterait un caractère tardif.

Par des mémoires enregistrés les 7 juillet 2022 et 13 septembre 2022, le SDIS et la SEDIA, nouvelle dénomination de la SEDD, concluent :

- au rejet de la requête ;

- à la réformation du jugement en ce qu'il a fait partiellement droit aux demandes de la société Brisard Dampierre au titre des prestations supplémentaires en études techniques et au titre des intérêts moratoires liés au retard de paiement des soldes des décomptes généraux des marchés des lots 3A et 3B ;

- au rejet du surplus des conclusions des parties ;

- à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante une somme de 6 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Ils soutiennent que :

- les stipulations de la norme AFNOR NP F03-001 relatives aux modalités d'établissement du décompte général sont inapplicables, dès lors que cette norme n'est pas une pièce constitutive du marché, le renvoi explicite au CCAG travaux exclut nécessairement l'application des stipulations de cette norme s'agissant des règles de contestation des décomptes et de forclusion contractuelle ; le CCTP, conformément à son objet, ne vise les normes AFNOR qu'en tant que documents techniques ; les stipulations de la norme NP F03-001 sont en contradiction avec celles du CCAG travaux, de sorte qu'elles ne peuvent être combinées ; les parties n'ont pas eu pour commune intention d'appliquer cette norme, il ne saurait être déduit du silence gardé par la SEDD sur les lettres de la société requérante mentionnant la norme NP F03-001 qu'elle aurait implicitement consenti à l'application de ces stipulations ; le moyen invoquant une prétendue acceptation tacite des projets de décompte par le maître d'ouvrage est nouveau en appel et irrecevable ;

- la société requérante n'est pas fondée à obtenir une indemnisation au titre des travaux supplémentaires, dès lors d'une part que les travaux en question ont été intégrés par le maître d'ouvrage au crédit de l'entreprise dans le décompte général du marché considéré et d'autre part que, s'agissant des travaux demandés par l'ordre de service n° 7 pour le marché 3B, ils ne constituaient pas des travaux supplémentaires par rapport au marché initial ;

- c'est à tort que les premiers juges ont partiellement fait droit aux conclusions de la société Brisard Dampierre au titre des études supplémentaires en lui accordant 17 500 euros HT, la société requérante n'étant au demeurant pas fondée à demander une somme supplémentaire en appel ; l'entreprise ne démontre pas qu'elle a été amenée à réaliser des études qui n'étaient pas prévues par son marché, au regard des stipulations de l'article 10.2 du CCAP du marché de travaux, qui ne saurait être qualifié de clause abusive et qui ne présente pas d'ambiguïté, ainsi que des stipulations des articles 1.09.01, 1.09.02, 1.10.01 et 1.10.02 du CCTP ; il lui appartenait de dimensionner son offre financière pour répondre à cette obligation, le principe d'égalité de traitement des candidats fait obstacle à ce qu'elle sollicite une rémunération supplémentaire pour des prestations prévues dès l'origine ; l'entreprise ne produit ni les études qu'elle a reçues, ni celles qu'elle a réalisées à titre complémentaire, la note d'examen comparé ne constitue pas un justificatif probant ; subsidiairement, il n'est pas justifié du montant demandé à ce titre ;

- c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la société Brisard Dampierre ne justifiait ni des difficultés qu'elle prétend avoir rencontrées dans l'exécution des marchés dont elle était titulaire, en terme d'allongement de la durée des travaux, ni du préjudice allégué ; la requérante se borne à reprendre ses écritures de première instance sur ce point, sans critiquer le jugement, de sorte que son appel est irrecevable sur ce point ; les calendriers contractuels d'exécution des travaux des lots 3A et 3B n'ont pas rallongé la durée totale d'exécution des travaux lui incombant ni repoussé la date de leur achèvement ; c'est à bon droit que le délai global d'exécution a été reporté compte tenu des jours d'intempérie ; les travaux complémentaires ont justifié un décalage de la date contractuelle d'achèvement ; le recalage de la date prévisionnelle de réception des travaux ne correspond pas à des décisions irrégulières de prolongation de la durée d'exécution des travaux par le maître d'ouvrage, les retards étant imputables aux défaillances de certaines des entreprises, sans que la responsabilité du maître d'ouvrage puisse être recherchée à ce titre, alors au demeurant que la société requérante est responsable d'un allongement de 50 jours du délai d'exécution, ce qui a donné lieu à l'application de pénalités qu'elle n'a pas contestées ; subsidiairement, les montants demandés ne sont pas justifiés par des éléments probants, les immobilisations n'ont pas été constatées selon les modalités prévues par l'article 12 du CCAG travaux, les avenants incluaient une rémunération des frais fixes, certains montants demandés sont liés à la réalisation de la réclamation et sont réputés inclus dans les frais irrépétibles, les sommes demandées ne sauraient inclure la TVA ;

- la société requérante ne saurait prétendre à une indemnisation au titre de la variation des prix dès lors que le calcul auquel elle procède aboutit à une somme négative ; en outre, l'entreprise intègre dans l'assiette du calcul le montant de sa réclamation, qui ne saurait être mis à la charge du maître d'ouvrage ; le jugement n'est pas critiqué par l'appelante sur ce point ;

- s'agissant des intérêts moratoires dus au titre du retard dans le paiement des acomptes versés en cours de chantier, les intérêts moratoires dus au titre du retard de versement des acomptes ont été calculés, intégrés et payés pour un montant de 2 032,40 euros pour le lot 3A et de 605,33 euros pour le lot 3B ; si la société requérante réclame des sommes légèrement différentes, elle ne justifie pas de sa demande, dès lors qu'elle prend en considération les dates d'établissement de ses projets de décompte mensuels, et non la date de leur réception par la maîtrise d'œuvre, contrairement à ce qu'exige l'article 1er du décret n° 2002-232 du 22 février 2002, alors que c'est à elle qu'il appartient de justifier de cette date et que la date retenue comme date de paiement est celle à laquelle son compte a été crédité, alors qu'il y a lieu de prendre en compte la date du règlement effectué par la SEDD, selon l'article 15 du décret du 4 février 1965 ; la société requérante n'articule aucune critique du jugement sur ce point ;

- le maître d'ouvrage ne saurait être condamné à verser des intérêts moratoires demandés pour retard du paiement du solde, dès lors qu'il a déjà payé le solde des décomptes généraux intégrant les travaux supplémentaires et que les montants réclamés en lien avec l'allongement du délai d'exécution ou les conditions d'exécution du marchés n'ont pas à être intégrés dans les décomptes ; dans la mesure où c'est à tort que le tribunal a intégré des sommes au titre de la réalisation d'études supplémentaires, le jugement doit également être réformé s'agissant des intérêts au titre du solde ;

- l'expertise sollicitée ne présente pas d'utilité.

La clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 18 octobre 2022, par une ordonnance du 3 octobre 2022.

Un mémoire a été produit le 30 janvier 2023 pour la société Bâtiments Energies Assistance. Il n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;

- le code de justice administrative

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Levy, pour la société Brisard Dampierre, et de Me Riquelme pour le SDIS du Doubs.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de l'opération de construction du centre de secours de Besançon Brûlard et de l'état-major du groupement territorial Ouest à Besançon, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Doubs a confié à la société d'équipement du département du Doubs (SEDD), désormais dénommée SEDIA, un mandat de maîtrise d'ouvrage déléguée en vertu d'un marché conclu le 12 décembre 2007. La maîtrise d'œuvre de l'opération a ensuite été confiée, le 11 juin 2008, à un groupement constitué de la société AC ingénierie, aux droits de laquelle vient la société Bâtiments Energies Assistance, dont le sous-traitant, la société Etbat, a été agréé par la SEDD, et de la société Frédéric Borel Architecte, par ailleurs mandataire de ce groupement. La société Blondeau ingénierie a pour sa part été chargée de la mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination (OPC) du projet. Le 25 février 2011, la SEDD a confié à la société Brisard Dampierre le lot 3A du marché, relatif à la " charpente métallique " et le lot 3B, relatif à l'" ossature primaire et tour d'exercice ", pour des montants globaux et forfaitaires respectifs initiaux de 877 942,54 euros TTC et de 222 847,13 euros TTC. Par des décisions des 24 et 31 octobre 2012, le maître d'ouvrage a prononcé, avec réserves, la réception des lots 3A et 3B avec effet au 5 octobre 2012. La SEDD a ensuite établi les décomptes généraux des lots 3A et 3B, pour des montants totaux respectifs de 915 416,59 euros TTC et de 244 993,54 euros TTC, qui ont été notifiés à la société Brisard Dampierre le 2 avril 2013. Le 17 avril 2013, cette société a présenté un mémoire de réclamation commun aux lots 3A et 3B et tendant au règlement d'un montant total, au titre des deux lots, de 1 043 453,13 euros TTC.

2. La société Brisard Dampierre a demandé au tribunal administratif de Besançon la condamnation, in solidum ou de manière divise, du maître d'ouvrage et des deux maîtres d'œuvre à lui verser cette somme de 1 043 453,13 euros TTC au titre des lots 3A et 3B. Par un jugement du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Besançon a donné acte du désistement d'office des conclusions d'appel en garantie et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la société Bâtiments Energies Assistance. Après avoir estimé que le maître d'ouvrage devait verser à la société requérante des sommes de 14 000 euros HT et 3 500 euros HT au titre respectivement des lots 3A et 3B, pour des travaux supplémentaires, le tribunal a condamné le SDIS du Doubs à verser à la société Brisard Dampierre, au titre du solde du lot 3A, d'une part, la somme de 141,90 euros correspondant aux intérêts moratoires contractuels ayant couru sur la somme de 37 126,93 euros entre le 13 et le 30 avril 2013 et, d'autre part, la somme de 16 744 euros TTC assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 13 avril 2013, et au titre du solde du lot 3B, d'une part, la somme de 119,71 euros correspondant aux intérêts moratoires contractuels ayant couru sur la somme de 31 321,32 euros entre le 13 et le 30 avril 2013 et, d'autre part, la somme de 4 186 euros TTC assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 13 avril 2013, les intérêts étant capitalisés à compter du 13 avril 2014. Le tribunal a enfin mis à la charge du SDIS du Doubs la somme de 1 500 euros à verser à la société Frédéric Borel Architecte au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.

3. La société Brisard Dampierre relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette une partie de ses conclusions. Par la voie de l'appel incident, le SDIS et la SEDIA le contestent, pour leur part, en tant qu'il a fait partiellement droit à la demande de cette société.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le SDIS et la SEDIA :

4. Une requête d'appel qui se borne à reproduire intégralement et exclusivement les écritures de première instance ne satisfait pas aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, en vertu desquelles la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge.

5. Toutefois, en l'espèce, la requête de la société Brisard Dampierre ne se borne pas à reprendre intégralement ses écritures devant le tribunal. La fin de non-recevoir tirée du défaut de motivation de la requête doit donc être écartée.

Sur l'existence d'un projet de décompte tacitement accepté :

6. L'article 2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) des lots 3A et 3B prévoit que, parmi les pièces constitutives du marché figurent notamment, dans l'ordre suivant, l'acte d'engagement, le CCAP, le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) et le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG travaux) approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009. Il ne vise toutefois pas, parmi les pièces constitutives, la norme AFNOR NP F03-001, portant cahier des charges générales applicables aux travaux de bâtiments faisant l'objet de travaux privés. Si l'article 12.7 du CCTP des lots 3A et 3B stipule que les ouvrages seront conformes aux réglementations et normes en vigueur et, notamment, aux normes françaises homologuées et éditées par l'AFNOR, cette référence aux normes de l'AFNOR, qui figure exclusivement dans le CCTP, a pour seul objet l'exécution technique des ouvrages et ne saurait avoir pour effet de rendre applicable la norme précédemment mentionnée, en tant qu'elle prévoit les règles applicables à l'établissement du décompte, ces dernières relevant du CCAG travaux 2009 auquel le CCAP, comme il a été dit, fait expressément référence.

7. De plus, il ne résulte pas de l'instruction que les parties auraient eu la commune intention d'appliquer la norme précédemment mentionnée. Il n'est pas non plus établi, en tout état de cause, que le maître d'ouvrage ou le maître d'ouvrage délégué auraient induit en erreur la société Brisard Dampierre quant à l'applicabilité de cette norme.

8. Dans ces conditions, la société Brisard Dampierre ne peut utilement se prévaloir de cette norme. Elle n'est donc pas fondée à soutenir qu'en application de cette dernière, le projet de décompte final qu'elle a adressé aurait été tacitement accepté, dès lors qu'un tel mécanisme d'acceptation tacite n'est prévu ni par le CCAG travaux applicable aux marchés en litige, ni par les stipulations des contrats relatifs aux lots 3A et 3B. Le moyen tiré de l'existence d'une acceptation du projet de décompte final doit ainsi être écarté, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité, contestée par le SDIS et la SEDIA.

Sur les sommes dues par le maître d'ouvrage au titre des décomptes des marchés :

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

9. Le titulaire d'un marché à prix forfaitaire, a droit, en plus du paiement des prestations réclamées par un ordre de service ou tout autre document contractuel de même nature, à l'indemnisation des prestations supplémentaires qui, bien que commandées dans des conditions irrégulières, ont été utiles au pouvoir adjudicateur ou, en l'absence de toute demande de ce dernier, lorsque les prestations réalisées ont été indispensables pour que le marché soit exécuté dans les règles de l'art.

S'agissant des travaux commandés par le maître d'ouvrage :

10. Il résulte de l'instruction que les travaux supplémentaires mis à la charge de la société Brisard Dampierre en vertu des avenants n° 1 et n° 2 portant sur le lot 3A, respectivement signés les 11 février et 28 août 2012 pour des montants respectifs de 20 140 euros HT et 18 135 euros HT, ont été réalisés par cette dernière et ont été inclus dans le décompte de ce lot. Il en va de même, s'agissant du lot 3B, en ce qui concerne l'avenant n° 1, signé le 28 août 2012 pour un montant de 17 750 euros HT.

11. Par ailleurs, les travaux complémentaires portant sur la fourniture et la pose de chevêtres pour un montant de 13 700 euros HT, qui avaient fait l'objet d'un ordre de service n° 8 visant à les intégrer dans le lot 3B, ont finalement été affectés au lot 3A, sans que le bien-fondé de ce choix ne soit contesté de manière étayée. Ils sont intégrés dans le décompte du lot 3A, au titre d'un avenant n° 3.

12. Enfin, la société requérante soutient qu'elle a droit au paiement d'une somme de 4 900 euros HT au titre des travaux supplémentaires, relatifs à la fourniture et à la pose d'un écran de cantonnement de désenfumage, qui ont été réalisés en exécution de l'ordre de service n° 7 du lot 3B qui lui a été notifié le 21 septembre 2012. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction que la fourniture et la pose d'un écran de cantonnement, d'une hauteur initialement prévue de 80 cm, étaient au nombre des prestations, précisément décrites à l'article 3.10 du CCTP, qui incombaient contractuellement à la société Brisard Dampierre. Si le maître d'œuvre a demandé à la société de modifier cet ouvrage en augmentant, notamment, sa hauteur de 20 cm, il ne résulte pas de l'instruction que cette modification minime aurait engendré, que ce soit pour la réalisation de cet équipement, pour sa pose ou pour les études nécessaires, que la société Brisard Dampierre n'a d'ailleurs pas fournies, des surcoûts excédant les aléas que doit normalement supporter une entreprise contractuellement engagée dans le cadre d'un marché conclu à prix forfaitaire. La société requérante n'est donc pas fondée à demander qu'une indemnité soit intégrée au décompte du lot 3B à ce titre.

S'agissant des études supplémentaires :

13. D'une part, l'article 10.2 du CCAP, relatif aux " plans d'exécution - notes de calculs - études de détail ", prévoit que le maître d'œuvre est chargé des études d'exécution des ouvrages, mais tout en mentionnant que si l'entrepreneur est chargé de tout ou partie des études d'exécution des ouvrages, ces documents seront soumis au visa du maître d'œuvre et du contrôle technique. Il précise également, sans que cette clause puisse être considérée comme abusive, que le titulaire du marché, qui est réputé avoir " parfaitement pris connaissance de l'ensemble des pièces techniques sur la base desquelles il a élaboré son offre ", " admet que l'ensemble des études complémentaires, permettant la parfaite réalisation des travaux, procède des études d'exécution à sa charge ". Le CCTP du lot 3A et celui du lot 3B prévoient par ailleurs la réalisation de certaines études d'exécution par l'entreprise. Dans ces conditions, la société Brisard Dampierre ne saurait soutenir que le contrat prévoyait la réalisation des études d'exécution à la charge exclusive et intégrale de la maîtrise d'œuvre.

14. Une telle répartition de la charge des études d'exécution entre maîtrise d'œuvre et entreprise ne méconnaît pas la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique, qui prévoit cette hypothèse à son article 7, qui précise que " le maître de l'ouvrage peut confier au maître d'œuvre tout ou partie des éléments de conception et d'assistance suivants : (...) 5° Les études d'exécution ou l'examen de la conformité au projet et le visa de celles qui ont été faites par l'entrepreneur ". L'article 8 du décret du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, alors en vigueur, prévoit également l'hypothèse dans laquelle " les études d'exécution sont, partiellement ou intégralement, réalisées par les entreprises ". La société Brisard Dampierre n'est donc pas fondée à soutenir que les règles relatives à la maîtrise d'œuvre faisaient obstacle à ce qu'elle participe aux études d'exécution.

15. D'autre part, si la société Brisard Dampierre fait valoir qu'elle a réalisé des études au lieu et place de la maîtrise d'œuvre, par la production d'une seule note réalisée par ses soins, elle n'établit ni la réalité de ces études ni qu'elles ne relevaient pas de ses obligations contractuelles, les comptes-rendus de chantier établissant au contraire que certaines des études réalisées par l'entreprise étaient insuffisantes. Au surplus et en tout état de cause, elle ne justifie pas qu'elles auraient été indispensables pour que le marché soit exécuté dans les règles de l'art.

16. Il suit de là que le SDIS est fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le jugement attaqué a mis à sa charge des sommes au titre d'études supplémentaires réalisées par la société requérante.

En ce qui concerne les fautes du maître d'ouvrage et les sujétions imprévues :

17. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à prix forfaitaire peuvent ouvrir droit à indemnisation si elles trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ou si elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre.

18. En premier lieu, la société Brisard Dampierre soutient que l'allongement de la durée des travaux, par rapport à ce qui avait été initialement prévu, résulte de fautes du maître d'ouvrage.

19. Elle fait notamment valoir que cet allongement résulte de modifications demandées par la maîtrise d'ouvrage, à l'occasion du visa des documents qu'elle a produits. Toutefois, alors qu'il résulte de l'instruction que des modifications ont dû être décidées du fait du changement d'entreprise en cours de chantier pour les lots en litige, la seule circonstance que des changements ont été demandés ne suffit pas à établir, par elle-même, une faute du maître d'ouvrage, tenant en particulier à une insuffisance de la définition du projet. Les éléments soumis à l'instruction, et notamment le mémoire en réclamation de la société requérante, ne permettent pas de tenir pour établie l'existence de telles fautes.

20. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que le maître d'ouvrage aurait manqué à son obligation de mettre en œuvre son pouvoir de direction et de contrôle, pour notifier un avenant, ou réagir à des insuffisances de la maîtrise d'œuvre, en raison notamment de la complexité architecturale de l'ouvrage ou de la faiblesse de ses études, dont il a été dit pour cette dernière qu'elle n'est pas établie.

21. Si la société Brisard Dampierre évoque par ailleurs un dérapage des tâches devant être réalisées en amont de celles relevant des lots 3A et 3B, il ne résulte pas de l'instruction que les difficultés constatées à cet égard résulteraient de comportements du maître d'ouvrage susceptibles d'être qualifiés de fautifs, que ce soit par action ou par omission.

22. Il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à demander une indemnisation au titre de l'allongement de la durée des travaux, sur le fondement de la faute du maître d'ouvrage, étant précisé que ce dernier ne saurait être condamné en raison de manquements commis par d'autres intervenants.

23. En second lieu, la société Brisard Dampierre soutient qu'au regard des coûts qu'elle a dû supporter au titre des études supplémentaires et des dépenses liées à l'allongement de la durée des travaux, comparés à ceux prévus dans les marchés initiaux, elle a subi des sujétions ayant eu pour effet de bouleverser l'économie des contrats.

24. Cependant, la seule comparaison des coûts prévus dans les marchés et de ceux qu'elle estime avoir subis à tort, ce qui n'est, comme il a été dit ci-avant, pas établi, ne suffit en tout état de cause pas à démontrer que la société Brisard Dampierre a effectivement subi des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie des contrats des lots 3A et 3B. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à demander une somme, sur ce fondement.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

25. Le décompte général du seul lot 3A comprend des pénalités de retard à hauteur de 30 000 euros. Il est vrai, ainsi que le fait valoir la société Brisard Dampierre, que son mémoire en réclamation comportait une critique de ces pénalités, contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, de sorte qu'elle est recevable à les contester dans la présente instance au motif que les retards ne lui seraient pas imputables.

26. Toutefois, la société Brisard Dampierre ne démontre pas que les pénalités en question auraient été mises à sa charge pour des retards qui ne lui sont pas imputables, alors qu'il ressort au contraire des éléments versés au dossier, et en particulier des comptes-rendus rédigés par le titulaire de la mission OPC, que son comportement a été à l'origine, pour une part significative, des retards observés.

En ce qui concerne la variation des prix :

27. D'une part, les décomptes généraux des marchés litigieux comprennent une révision des prix, dont il n'est pas établi ni même allégué qu'elle ne serait pas conforme aux modalités prévues à l'article 4 de l'acte d'engagement ainsi qu'à l'article 3.3 du CCAP. Des sommes de 2 742,10 euros et 260,94 euros ont ainsi été retenues dans les décomptes respectifs des lots 3A et 3B.

28. D'autre part, la société requérante soutient que la clause prévue pour la révision des prix prévue dans le contrat s'est révélée inadaptée au regard de l'allongement de la durée des travaux ainsi que de l'inflation du coût des travaux. Cependant, elle ne démontre pas en quoi l'allongement de la durée des travaux ferait obstacle à ce que cette clause soit appliquée. Dès lors, la société requérante n'est en tout état de cause pas fondée à demander un calcul de la révision des prix distincte de celle prévue au contrat sur une somme à laquelle elle n'a pas droit.

En ce qui concerne les intérêts sur le paiement des acomptes :

29. Il résulte de l'instruction qu'il y a lieu d'adopter les motifs circonstanciés retenus à bon droit par le tribunal aux points 43 à 48 pour le lot n° 3A et 54 à 58 pour le lot n° 3B pour statuer sur les intérêts dus au titre des acomptes des deux marchés litigieux, étant précisé que les intérêts doivent être déterminés entre la date à laquelle la maîtrise d'œuvre reçoit la demande de paiement et la date de règlement par le comptable public, qui est susceptible d'être antérieure à celle à laquelle les paiements sont crédités sur le compte bancaire de l'entreprise. Les intérêts moratoires dus sur les acomptes mensuels des lots 3A et 3B s'élèvent ainsi respectivement à 2 032,40 euros et 605,33 euros.

En ce qui concerne le solde des marchés et les intérêts sur le solde :

S'agissant du lot 3A :

30. Il résulte de l'instruction que le prix du marché s'élève, en montant HT, à 734 065,67 euros pour le marché initial, 20 140 euros pour l'avenant n° 1, 18 135 euros pour l'avenant n° 2 et 13 700 euros pour l'avenant n° 3, ce qui correspond au total à 786 040,67 euros HT soit 940 104,64 euros TTC. A ce montant TTC s'ajoutent 2 742,10 euros pour la révision des prix, ainsi que 2 032,40 euros pour les intérêts sur les acomptes, et doivent être déduits 30 000 euros de pénalité, soit un montant total TTC de 914 879,14 euros.

31. Il résulte de l'instruction que des acomptes ont été payés pour un montant TTC total de 873 149,16 euros, ainsi que 2 032,40 euros au titre des intérêts sur ces acomptes, soit un montant total 875 181,56 euros. Il restait donc à payer une somme de 39 697,58 euros TTC, comprenant une somme de 3 108,10 euros TTC conservée comme retenue de garantie, qui devait être remboursée, le cas échéant, à l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement, un an après la date d'effet de la réception, soit le 5 octobre 2013, aux termes de l'article 103 du code des marchés publics alors applicable, et une somme de 36 589,48 euros, qui devait être payée au plus tard avant l'expiration du délai de 30 jours prévu par l'article 6.1 du CCAP, soit au plus tard le 12 avril 2013, ainsi que l'ont indiqué les premiers juges aux points 64 à 66 du jugement attaqué. Il est établi que, le 30 avril 2013, en règlement du solde du marché, une somme de 37 126,93 euros TTC a été versée à la société requérante. Les intérêts moratoires contractuels ont couru sur la somme de 36 589,48 euros du 13 au 30 avril 2013 et s'élèvent, par application du taux de 7,75 % prévu par l'article 6.3 du CCAP, à 132,07 euros pour les 17 jours considérés. Il est également établi que la retenue de garantie de 3 108,10 euros a été restituée à la société Brisard Dampierre, le 23 décembre 2013, après l'expiration du délai de la garantie de parfait achèvement, de sorte que les intérêts sur cette somme, au taux de 7,5 % en vertu du CCAP, ont couru entre le 6 octobre 2013 et le 31 décembre 2013, soit 86 jours, et s'élèvent à 54,92 euros.

32. Les sommes versées par le SDIS, pour un montant total de 915 416,59 euros (875 181,56 + 37 126,93 + 3 108,10) s'avèrent ainsi supérieures à ce qui était dû à la société Brisard Dampierre au titre du paiement du marché, soit 915 066,13 euros (914 879,14 + 132,07 + 54,92). La société Brisard Dampierre n'est donc pas fondée à demander que le SDIS du Doubs soit condamné à lui verser une somme pour le règlement du lot 3A. Les intérêts n'ayant pas couru pendant une durée au moins égale à un an, elle ne saurait solliciter aucune somme au titre de la capitalisation des intérêts. Le SDIS du Doubs est, par suite, par la voie de l'appel incident, fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement.

S'agissant du lot 3B :

33. Il résulte de l'instruction que le prix du marché s'élève, en montant HT, à 186 327,03 euros pour le marché initial et 17 750 euros pour l'avenant n° 1, ce qui correspond au total à 204 077,03 euros HT soit 244 076,13 euros TTC. A ce montant TTC s'ajoutent 260,94 euros pour la révision des prix, ainsi que 605,33 euros pour les intérêts sur les acomptes, soit un montant total TTC de 244 942,40 euros.

34. Il résulte de l'instruction que des acomptes ont été payés pour un montant TTC total de 212 005,44 euros, ainsi que 605,33 euros au titre des intérêts sur ces acomptes, soit un montant total de 212 610,77 euros. Il restait donc à payer une somme de 32 331,63 euros TTC, comprenant une somme de 1 061,85 euros TTC conservée comme retenue de garantie, qui devait être remboursée, le cas échéant, à l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement, un an après la date d'effet de la réception, soit le 5 octobre 2013, aux termes de l'article 103 du code des marchés publics alors applicable, et une somme de 31 269,78 euros, qui devait être payée au plus tard avant l'expiration du délai de 30 jours prévu par l'article 6.1 du CCAP, soit au plus tard le 12 avril 2013, ainsi que l'ont indiqué les premiers juges aux points 64, 65 et 67 du jugement attaqué. Il est établi que, le 30 avril 2013, en règlement du solde du marché, une somme de 31 321,32 euros TTC a été versée à la société requérante. Les intérêts moratoires contractuels ont couru sur la somme de 31 269,78 euros du 13 au 30 avril 2013 et s'élèvent, par application du taux de 7,75 % prévu par l'article 6.3 du CCAP, à 112,87 euros pour les 17 jours considérés. Il est également établi que la retenue de garantie de 1 061,45 euros a été restituée à la société Brisard Dampierre, le 23 décembre 2013, après l'expiration du délai de la garantie de parfait achèvement, de sorte que les intérêts sur cette somme, au taux de 7,5 % en vertu du CCAP, ont couru entre le 6 octobre 2013 et le 31 décembre 2013 soit 86 jours, et s'établissent à 18,76 euros.

35. Les sommes versées par le SDIS s'élèvent ainsi à un montant total de 244 993,54 euros (212 610,77 + 31 321,32 + 1 061,45), alors que le montant dû au titre du paiement du marché, dont les intérêts contractuels, s'élève à 245 074,03 euros (244 942,40 + 112,87 + 18,76). Le SDIS du Doubs, par la voie de l'appel incident, est donc seulement fondé à demander que la somme à laquelle il a été condamné, qui ne concerne que les intérêts contractuels, soit ramenée à 80,49 euros (244 993,54 - 245 074,03) au titre du solde du lot 3B, l'article 3 du jugement attaqué devant être réformé en conséquence.

36. La capitalisation des intérêts a été demandée le 8 novembre 2013. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 13 avril 2014 pour la somme de 61,73 euros, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts sur les intérêts du montant du marché hors retenue sur garantie, et à compter du 6 octobre 2014 pour la somme de 18,76 euros, s'agissant des intérêts sur la restitution de la retenue de garantie, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de ces dates.

Sur les conclusions présentées à l'encontre des maîtres d'œuvre :

37. En premier lieu, le maître d'œuvre ne peut être tenu d'aucune somme au titre d'un règlement du décompte d'un marché de travaux. La société requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la maîtrise d'œuvre au paiement de postes contenus dans le décompte de ses marchés.

38. En second lieu, dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage.

39. D'une part, ainsi qu'il a été dit aux points 13 et 14 du présent arrêt, la société Brisard Dampierre n'est pas fondée à soutenir que les membres du groupement de maîtrise d'œuvre auraient commis un manquement en s'abstenant de réaliser l'intégralité des études d'exécution, dès lors que cette mission avait, ainsi que le permettaient les règles légales et réglementaires applicables, été contractuellement partagée entre entreprise et maître d'œuvre. La société requérante n'est pas davantage fondée à reprocher aux maîtres d'œuvre une faute tenant au fait qu'ils ont élaboré des documents contractuels qui les ont déchargés de la réalisation intégrale des études d'exécution. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que la qualité des documents remis par les maîtres d'œuvre au titulaire des marchés en litige aurait été telle qu'elle présenterait les caractéristiques d'un manquement par ces derniers à leurs obligations contractuelles ou aux règles de l'art.

40. D'autre part, la société Brisard Dampierre soutient que l'allongement de la durée des travaux résulte de fautes des maîtres d'œuvre. Toutefois, elle ne saurait, à cet égard, reprocher le défaut de réalisation des études d'exécution, compte tenu de ce qui précède. Il n'est par ailleurs pas démontré en quoi les maîtres d'œuvre auraient manqué à leurs obligations dans la prise en compte de la complexité architecturale du projet. Les allégations concernant le retard dans la validation des documents remis ne sont pas assorties des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Enfin, si la société requérante se plaint d'avoir été victime d'une " pénalisation ", il ne résulte pas de l'instruction que les maîtres d'œuvre auraient, de manière fautive, fait obstacle à l'accomplissement de ses missions.

41. Il résulte de ce qui précède que la société Brisard Dampierre n'est pas fondée à rechercher la responsabilité des maîtres d'œuvre sur un fondement quasi-délictuel. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions dirigées contre la société Frédéric Borel Architecte et la société Bâtiments Energies Assistance.

Sur les frais liés à l'instance :

42. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la société Brisard Dampierre, qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Brisard Dampierre trois sommes de 1 000 euros à verser respectivement au SDIS du Doubs, à la société Bâtiments Energies Assistance et à la société Frédéric Borel Architecture, sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1301451 du tribunal administratif de Besançon en date du 9 janvier 2020 est annulé.

Article 2 : La somme que le service départemental d'incendie et de secours du Doubs du Doubs est condamné à verser à la société Brisard Dampierre, au titre du solde du lot 3B, par l'article 3 de ce jugement, est ramenée à 80,29 euros. Les intérêts échus sur la somme de 61,73 euros, à la date du 13 avril 2014, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Les intérêts échus sur la somme de 18,76 euros, à la date du 6 octobre 2014, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'article 3 du jugement n° 1301451 du tribunal administratif de Besançon en date du 9 janvier 2020 est réformé en ce qu'il de contraire à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : La société par actions simplifiées Brisard Dampierre versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros au service départemental d'incendie et de secours du Doubs, la somme de 1 000 euros à la société Bâtiments Energies Assistance et la somme de 1 000 euros à la société Frédéric Borel Architecture.

Article 5 : La requête et le surplus des conclusions du SDIS sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiées Brisard Dampierre, au service départemental d'incendie et de secours du Doubs, à la SEDIA, à la société Bâtiments Energies Assistance et à la société Frédéric Borel Architecture.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente-assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

La rapporteure,

Signé : A. Samson-Dye

La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au préfet du Doubs en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 20NC00519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00519
Date de la décision : 14/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS BRIAND

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;20nc00519 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award